Aux termes de l’article 6 de la Déclaration de l’homme et du citoyen de 1789 :
« La loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »
Et l’on prête à Abraham Lincoln, président des Etats-Unis de 1860 à 1865, cette définition bien connue et très généralement admise de la démocratie : « La démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. »
Suivant ce principe, la souveraineté appartient donc au peuple, qui choisit ceux qui le gouvernent : En France, le président de la République, élu pour 5 ans au suffrage universel, le gouvernement, sous le contrôle du parlement qui vote la loi, et au niveau local, les collectivités territoriales et leurs exécutifs.
S’agissant des collectivités territoriales, l’article 72 de notre Constitution de la 5ème République, elles « ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon. / Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences. »
Ainsi, les départements, pas plus que les communes, régions, collectivités d’outre-mer, et autres collectivités territoriales créées par la loi, ne peuvent ignorer les lois de la République.
Qu’on se rassure : Si la loi votée méconnaît la Constitution, il existe un garde-fou, les 9 sages du Conseil constitutionnel (et les anciens présidents de la République qui en sont membres de droit), qui peuvent censurer avant leur promulgation les dispositions de la loi votée. Et le juge constitutionnel ne s’en prive pas, notamment lorsqu’est méconnu par la loi le « principe d’égalité ». Attendons donc, ce que dira le Conseil constitutionnel, quand il statuera d’ici un mois, sur la conformité au bloc constitutionnel de certaines dispositions des plus de 80 articles de la « loi immigration ».
La « désobéissance civile », refus assumé, public et généralement pacifique, (mais pas toujours !) de se soumettre à une loi, un règlement, une organisation ou un pouvoir, jugé inique voire illégitime, par ceux qui les contestent, n’est, certes, pas une nouveauté en France, comme le montre l’histoire récente : Lutte dans les années 1970 contre l’extension du camp militaire du Larzac et très récemment la contestation victorieuse, suivie de leur abandon, des projets de barrage de Sivens dans le Tarn et d’aéroport nantais de Notre-Dame-des-Landes.
Ou encore, pour évoquer les « luttes » en cours, l’affaire des « Bassines de Sainte-Soline » dans les Deux-Sèvres et celle de la construction de l’autoroute A69 entre Toulouse et Castres.
Mais, à ma connaissance, est inédit le refus de collectivités territoriales d’appliquer la loi, ou de la contourner, comme le soutiennent les élus à l’origine d’une forme inédite de désobéissance civile.
Celle-ci consiste à affirmer que les départements qu’ils dirigent n’appliqueront pas les dispositions de la loi immigration, venant d’être adoptée par le Parlement, rendant plus restrictives les conditions d’octroi, aux étrangers, de l’APA, prestation dont l’attribution relève de leur compétence.
Moins connue que cette position des présidents des 32 départements dirigés par la gauche, (pour l’essentiel, le PS), on doit relever la fronde de quelques présidents de droite de ne plus accueillir les mineurs non accompagnés, au motif que ces MNA sont à l’origine de dépenses devenues insupportables pour les départements.
Il ne s’agit pas pour moi de prendre position sur le fond des arguments des uns et des autres, car le but de cette chronique n’a aucun caractère politicien, mais simplement de commenter l’actualité au regard du droit.
Or, dans une démocratie digne de ce nom, la loi s’impose à tous, dès lors qu’elle a été adoptée par le Parlement et qu’elle n’a pas été censurée par le Conseil constitutionnel.
Si les manifestations et les prises de position dans l’espace public ont toute leur légitimité, il y a une ligne rouge à ne pas franchir. Dès lors qu’une loi ou une décision a été légalement prise, elle s’applique.
Point final !
C’est ce, qu’à juste titre, a rappelé François Sauvadet, président du département de Côte d’Or et président de l’ADF, dans un communiqué, publié sur X, en réponse à celui de ses collègues de gauche : « Mon engagement est ferme : une fois la loi en vigueur, elle sera appliquée dans un strict respect des institutions républicaines », a-t-il prévenu. « Comme président de département, j’appliquerai la loi. »
Tout est dit et bien dit !
Bernard de Froment