Claude ROMEO, Directeur Départemental Honoraire Enfance Famille de Seine St Denis et Ancien Président de l’ANDASS
Le service unifié de l’enfance regroupant PMI-ASE et service de santé scolaire existait au sein des anciennes DDASS avant la décentralisation. Avec la loi 3DS en 2021, le gouvernement envisageait le transfert des services de la promotion de la santé en faveur des élèves aux Conseils départementaux qui avec le service de protection maternelle et infantile (PMI) constituent deux réseaux d’acteurs historiques de la santé de l’enfant.
Il a abandonné, prenant en compte l’opposition des infirmières scolaires et de leurs organisations syndicales qui exigeaient « l’abandon de tout projet de décentralisation ou de déconcentration ou médicalisation passéiste de la santé scolaire…». Dans le même temps, le syndicat national des médecins de PMI (SNMPMI) dénonce « la dispersion organisationnelle des acteurs de la santé de l’enfant (réseaux périnatalité-PMI-santé scolaire, pédopsychiatrie, maisons des adolescents)…». N’aurait-on dû ouvrir le débat pour dépasser les blocages en prenant en compte l’intérêt de l’enfant ?
Cette démarche aurait permis de construire collectivement le service unifié de la santé de l’enfant et l’adolescent pour favoriser la continuité des soins préventifs, curatifs et la coopération de tous autour du développement de l’enfant, de la naissance à l’adolescence jusqu’à la fin du collège.
C’est décisif car l’état de santé des enfants aujourd’hui sera l’un des déterminants de celui des générations adultes futures.
La France est classée 20e des 30 pays de l’OCDE étudiés pour plusieurs dimensions du « bien-être de l’enfant » (éducation, santé, sécurité, vie scolaire). Ce classement cache les inégalités sociales dès le plus jeune âge.
Par ailleurs, les dépenses publiques de prévention et de soins pour les enfants apparaissent limitées représentant selon la Cour des Comptes 4,5 % des dépenses nationales d’assurance maladie.
Doit-on continuer à cloisonner la prévention de la santé de l’enfant ou faut-il que les différents intervenants travaillent en complémentarité ?
L’ÉCOLE, PREMIER DÉSERT MÉDICAL.
C’est le titre du Parisien libéré du 10 Mai qui ajoute : « ça pouvait être le lieu rêvé de la prévention…le pilotage de la politique de santé scolaire » alerte un rapport d’information du député Robin RÉDA présenté à l’Assemblée Nationale. Ajoutons qu’en 2021, seulement 50 % des postes vacants ont trouvé candidats.
Pourtant, la place de l’école dans la réduction des inégalités sociales et territoriales et dans la promotion de la santé a été réaffirmée en particulier par la loi du 26 Janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.
La réalité est différente avec 1 enfant sur 5 bénéficiant d’un bilan de santé de 6 ans et seulement 60 % des élèves pour celui de 12 ans.
Quoi d’étonnant quand seulement 900 médecins travaillent pour 12 millions d’élèves et 31 % des postes sont vacants.
La situation des infirmières scolaires est aussi inquiétante avec 7 800 ETP pour 6 0000 établissements auxquels s’ajoutent des psychologues pour la prise en compte du développement psychologique et assistants sociaux chargés de l’écoute, conseil et soutien aux élèves, aux personnels et aux parents, soit 20 300 agents pour 12 millions d’élèves. Il faudrait encore 15 000 infirmières supplémentaires.
Avec ces moyens insuffisants, la santé scolaire doit assurer une politique de prévention sanitaire, des examens médicaux et des bilans détection précoce pouvant entraver la scolarité, l’accueil et l’écoute des élèves en particulier des enfants porteurs de handicap.
L’autre volet du service de promotion de la santé en faveur des élèves concerne l’éducation à la santé, à la citoyenneté, l’hygiène de vie, l’éducation sexuelle, l’éducation nutritionnelle, la prévention des jeux dangereux, des addictions.
Le rapport du député Robin REDA souligne « qu’il faut un choc de revalorisation des salaires et une refondation du système sans cela les postes à pourvoir resteront lettre morte » quand on sait qu’un médecin scolaire gagne moins qu’un interne à l’hôpital. Un exemple : le Département de Gironde où 5 collèges ouvriraient avec un seul poste d’infirmière !
Comme le rappelle le syndicat national des infirmières scolaires qui ont organisé une marche blanche le 23 Mai 2023 pour sauver la santé à l’école, 20 à 30% des enfants n’ont pas de médecin traitant.
SAUVER LA PMI : AGISSONS MAINTENANT !
Voilà le cri d’alarme lancé par Michèle Peyron, députée dans un rapport à la demande du premier Ministre, le 26 juillet 2018.
Les services de PMI réalisent des actions de proximité principalement dans 4 800 sites de consultations répartis sur le territoire.
Il s’agit d’un maillage extraordinaire de proximité, malheureusement insuffisamment soutenu, représentant 1 % des dépenses sociales des Conseils départementaux avec des disparités territoriales qui préexistaient à la décentralisation de l’action sociale et sont toujours très marquées avec une dépense annuelle par habitant (0-6 ans) variant de 1 euro à plus de 400 euros pour les départements de Seine-Saint-Denis et celui du Val-de-Marne, avec une moyenne de 33 euros.
Les actions destinées aux enfants notamment les consultations et visites à domicile (VAD) représentent 58 % des activités des services de PMI soit 435 consultations pour 1 000 enfants de moins de 6 ans. S’ajoutent pour 13 % les activités individuelles et collectives autour de la parentalité pour les futures mères menées par les EJE. Par ailleurs, la PMI a pour mission de surveiller et contrôler les établissements d’accueil de la petite enfance ainsi que les assistantes maternelles. La Cour des comptes s’interrogeait si cette activité ne pourrait pas être assurée par la CAF permettant de dégager du temps pour d’autres activités.
POUR UN SERVICE UNIFIÉ DE LA SANTÉ
Un constat : la PMI comme le service de promotion de la santé en faveur des élèves connaissent des difficultés qui les empêchent de remplir leurs missions, alors que toutes deux coopèrent depuis longtemps, sur le bilan et l’éducation à la santé, mais aussi la protection de l’enfance en articulation avec l’aide sociale à l’enfance.
Faut-il poursuivre la dispersion organisationnelle des 2 institutions ou mettre en commun les compétences réciproques ? Sous quelle forme ? Mutualisation, coopération, fusion ? faut-il développer la transdisciplinarité en lien avec les enseignants et en maintenant l’activité dans les établissements scolaires ?.
Je partage la proposition du syndicat national des médecins de PMI de construire un service unifié de la santé de l’enfant qui deviendrait selon moi un service départemental de prévention de la santé de l’enfant et de l’adolescent. Pour y parvenir, l’Etat doit apporter les moyens à la PMI par une dotation annuelle identique à celle existant avant la décentralisation. L’Education Nationale devra fixer le transfert au niveau des besoins réels en y intégrant les postes vacants mais aussi les besoins supplémentaires et garanties statutaires des personnels de la santé scolaire comme cela s’est fait lors de la décentralisation de l’action sociale au profit des Conseils départementaux pour les agents et cadres des DDASS.
En agissant ainsi, la Santé scolaire trouverait sans doute une cohérence pour obtenir selon la définition de l’OMS « un état complet de bien-être physique, mental et social », en matière de réussite scolaire et éducative.