Les politiques publiques sont aujourd’hui mises face à un défi sans précédent. Notre modèle social est en effet fragilisé de deux côtés : des contraintes financières croissantes et un vieillissement de la population qui s’accélère.
En 2030, nous ferons face à une augmentation sensible du nombre des personnes de plus de 60 ans, alors même que dès aujourd’hui, nous rencontrons de plus en de difficultés pour recruter dans nos EHPAD ou nos services à domicile.
Nos travailleurs sociaux font un travail formidable mais sont épuisés. La crise du bénévolat, surtout depuis la crise du Covid, aggrave encore le déchirement du lien social.
Il y a donc urgence à repenser notre modèle en sortant des schémas classiques, qui montrent malheu-reusement leurs limites dans un contexte de crises (climatique, sociale, sanitaire, politique…) qu’il faut gérer avec des moyens qui se réduisent.
Nous sommes convaincus que pour renforcer la cohésion sociale, la solidarité doit reposer sur trois piliers complémentaires :
La solidarité naturelle (la famille et les amis).
La solidarité institutionnelle ou organisée (départements, mairies – CCAS, associations…).
La solidarité de proximité, informelle et spontanée (voisinage).
Il existe des gisements de générosité chez nos administrés. Les périodes de crise suscitent spontanément cette entraide de voisinage, le Covid nous l’a rappelé. Mais cette ressource est insuffisamment exploitée par la puissance publique, faute d’être sollicitée.
L’institution ne pourra faire face seule et son intérêt est de stimuler et d’accompagner ces élans de générosité spontanée.
Il est donc indispensable de mettre en place, dans notre pays, une stratégie pour développer les solidarités de proximité et l’intégrer au cœur des politiques publiques.
C’est pourquoi, avec de nombreux élus locaux, Président(e)s de département (Sylvie MARCILLY en Charente-Maritime, Olivier RICHEFOU en Mayenne, Alain LEBOEUF en Vendée et Maël de CALAN dans le Finistère) et 150 maires, nous avons lancé « l’Heure Civique », une dynamique de mobilisation socialement innovante.
Cette démarche expérimentale, initiée par le département mais portée de manière opérationnelle par les mairies, vise à proposer à chaque habitant de donner une heure par mois pour une action de solidarité citoyenne.
En février, le gouvernement s’est associé à cette initiative pour lui donner l’ampleur nationale qu’elle mérite.
Ensemble, le département, chef de file des solidarités territoriales et la mairie, chef de file des solidarités locales, deviennent les catalyseurs des soli-darités citoyennes et interpersonnelles.
Malgré un climat anxiogène, les Français veulent se sentir utiles et sont en quête de sens. Cette énergie renouvelable à l’infini, non polluante, qui ne coute rien et qui fait du bien, peut venir en appui à nos politiques publiques. La générosité citoyenne peut irriguer l’action publique.
La dynamique solidaire est lancée…
Ce dispositif est testé avec succès depuis. 18 mois. Les résultats sont prometteurs, avec près de 13 000 volon-taires sur tout le territoire national.
Les citoyens répondent favorablement à la sollicitation de leurs élus, des liens se tissent, de belles rencontres ont lieu, nos politiques sociales se réhumani-sent.
L’enthousiasme est là, tant au niveau des élus, des services que des cito-yens… et l’Heure Civique rend heureux !
Interview Geoffroy BOULARD
Maire du 17ème arrondissement de Paris – Vice-Président de la Métropole du Grand Paris. Cofondateur de l’Heure Civique.
D’où vient l’idée de mobiliser des volontaires pour retisser les liens sociaux dans les territoires ?
L’Heure Civique est née de la crise sanitaire de 2020, révélatrice d’un élan de solidarité inédit parmi les citoyens. Cette période difficile a vu émerger de nombreuses initiatives d’entraide, illustrant la capacité des gens à se mobiliser spontanément. Fort de cet élan, avec Atanase Périfan, adjoint en charge de la mobilisation solidaire, nous avons voulu pérenniser cette dynamique à travers un dispositif flexible, abordable, en invitant chacun à contribuer, selon ses moyens, à la solidarité de proximité.
Quels sont les premiers enseignements de ce dispositif ? Êtes-vous satisfait ?
Les enseignements sont extrêmement encourageants mais l’Heure Civique n’est qu’à ses débuts ! L’initiative a suscité une adhésion massive dans le 17e, avec plus de 2 000 volontaires. Elle s’est étendue à plus de 150 communes et départements, avec des dizaines de milliers de volontaires. Cette réaction très positive souligne l’appétit pour l’engagement citoyen et la solidarité spontanée de proximité, confirmant notre conviction que le tissu social ne se renforce pas uniquement par des politiques publiques : l’action concrète et collective est un levier extrêmement puissant.
Comment articulez-vous les moyens municipaux avec la mobilisation des volontaires ?
L‘articulation entre les moyens municipaux et la mobilisation des volontaires repose sur complémentarité.
Le volontaire de l’Heure Civique n’est pas et ne se substitue pas à un travailleur social.
Il n’en a ni la légitimité, ni la compétence. Il peut intervenir auprès de personnes âgées dans le cadre de la lutte contre l’isolement. Nous portons des initiatives au niveau municipal, comme des ateliers pour l’inclusion numérique à destination des seniors. Nous organisons la mise en place d’un réseau solidaire d’acteurs locaux, mais toujours en favorisant l’émergence d’une solidarité venue des citoyens. Cette approche permet d’engager efficacement les habitants dans des actions de solidarité en partant des gisements naturels de générosité.
Comment comptez-vous déployer l’initiative plus largement ?
Fort d’une reconnaissance nationale illustrée par un Prix Territoria 2023, notre ambition est de continuer à développer l’Heure Civique. Dans le 17e bien sûr, en accroissant notre base de volontaires et en faisant connaître le dispositif à tous les habitants. Mais aussi dans toute la France, en invitant les collectivités, les départements et les maires à passer à l’Heure Civique sur leur territoire.
C’était l’objet des premières Assises nationales de l’Heure Civique qui ont eu lieu 29 février dernier à la Mairie du 17e, en présence de Dominique Faure, ministre des Collectivités Territoriales et de la Ruralité et de 100 élus locaux. Dans une ambiance chaleureuse et enthousiasmante, nous avons partagé sur nos bonnes pratiques de mobilisation, les difficultés rencontrées, les premiers enseignements tirés de l’expérimentation.
L’Heure Civique diffuse une énergie positive. L’ensemble des élus sont repartis « gonflés à bloc » ! Nous appelons aujourd’hui tous les présidents de départements et les maires à nous rejoindre dans cet élan !