Jean-Pierre BOISOTEAU, Consultant en management des Ressources Humaines
Comment ne pas être étonné, stupéfait, marqué par les propos d’une jeune enseignante au cours d’un débat télévisé d’une chaîne publique, il y a maintenant quelques mois ? Celle-ci se considérant plus légitime que ses débatteurs puisque diplômée d’un « haut » niveau universitaire et professeur en lycée ; le répétant inlassablement et de manière péremptoire.
Est-ce le signe d’un manque d’argument ? L’expression d’une volonté de soumettre son objecteur ou un aveu de fragilité personnelle ? Comment pouvons-nous prétendre être légitimes, nous-mêmes ? Serait-ce le statut qui fait la légitimité ?
Ceci a au moins le mérite de nous questionner à propos de la légitimité.
Les personnes légitimes s’appuient sur leur expertise et leur savoir-être, jamais sur leur statut ou leur diplôme ! Imaginez un patron devant rappeler au quotidien à ses équipes que c’est lui le chef. Quelle crédibilité lui accorderions-nous ?
Seuls nos pairs nous reconnaissent comme légitimes ! Et si nous prenons comme référence les penseurs de notre société, jamais nous ne les entendons affirmer être légitimes puisqu’ils nous disent et redisent qu’ils sont en permanence en réflexion.
Cela appelle à l’humilité, au doute, ce qui est plutôt rassurant : « la certitude rend fou » exprimait Nietzsche.
Nous choisissons notre médecin, notre boulanger, notre coach… et nous en changeons tant que nous n’avons pas trouvé le « petit plus » qui fait la différence. Nous restons fidèles à celui ou celle qui va allez au-delà de nos attentes. Exemples : notre médecin exprime une attention particulière sur notre état, notre boulanger se démarque par une qualité de pain singulière, notre coach, par la pertinence de ses questions, nous amène à la vraie prise de conscience.
Qu’est-ce qu’un patron légitime ?
Lorsque nous faisons partie de son équipe, nous lui accordons notre confiance pour ses choix, pour ses décisions, pour ses arbitrages. Nous apprécions ses feedbacks comme son exigence à faire progresser chacun des coéquipiers. Nous ressentons chez lui une assurance même si ses doutes sont présents. Il nous surprend par ses remarques singulières, originales, ou en décalage. Positif et humble, nous lui accordons notre admiration. Apprécié de la « base » autant que des cadres, il est en capacité d’échanger sincèrement avec chaque catégorie de personnel.
Pas forcément expert, il maîtrise toutefois l’environnement stratégique comme politique du métier. Sans être apprécié à 100 %, il réunit l’approbation d’une très grande majorité. Respecté autant de ses partenaires externes que de ses adversaires.
Tous ceux que nous reconnaissons comme légitimes dans leur domaine sont ceux qui nous ont fait avancer, progresser, au moins dans nos réflexions.
Et nous, manager ou non, sommes-nous légitime dans nos missions ? Nous le sommes lorsqu’une personne confrontée à une problématique pense spontanément à nous pour la résoudre.
Chercher à être légitime est une source du progrès.
Qui nous appelle pour demander conseil ? Dans quel registre ? Qui nous recommande ?
Lorsque cela arrive demandons-nous quel savoir-faire, compétence, expertise, talent avons-nous à ses yeux ? Analysons cette reconnaissance avec humilité. Qu’avons-nous fait pour y parvenir, il s’agit certainement d’un de nos domaines d’excellence.
Décidons d’être légitimes dans un domaine qui nous passionne, apprenons et transmettons.
Et si nous devenons légitimes aux yeux d’un public, restons très prudents quant aux messages transmis. Nous avons un pouvoir qui nous oblige à en être dignes !
« Le leadership désigne l’art et la manière d’exercer le pouvoir et pose le problème de la légitimité de l’autorité de celui qui l’exerce. » Citation de Alain Némarq.