On va partir cul par-dessus tête !
En parlant des changements auxquels nos citoyens sont confrontés, comme la transition écologique, l’immigration, le numérique, le déclassement social, le Président de la République, Emmanuel Macron, a décrit l’état de détresse de certains Français comme suit, je cite : “Nos concitoyens ont l’impression que, en quelque sorte, tout est cul par-dessus tête, que plus rien ne tient.” Il a récemment encore repris cette expression au sujet de la pénurie de carburant que nous avons subie ce mois d’octobre, en déclarant : « On va partir cul par-dessus tête ! ».
Ce qui me frappe, sans doute comme beaucoup de Français, c’est que tout ou presque est aujourd’hui « cul par-dessus tête » dans le monde dans lequel nous vivons :
– une pandémie qui nous a paralysé et a montré toutes nos fragilités (mais aussi notre résilience).
– une guerre aux portes de l’Europe qui avait été construite pour être d’abord un vecteur de paix.
– une Europe cacophonique où la voix allemande est de plus en plus dissonante de la nôtre sur la défense, l’énergie, la démographie, la puissance budgétaire…
– un pays, le nôtre, qui s’apparente à de nombreux égards au « tiers monde » ou presque : des services de santé et d’éducation en souffrance, une pauvreté accrue, un accès au logement difficile, la nécessité pour chacun de limiter son confort (alimentation, chauffage, éclairage, mobilité…), la brutalité d’une transition énergétique et climatique qui accroît les coûts et la pénurie, un déclassement croissant qui fait que chacun a de plus en plus de mal à vivre de son travail …
– un pays, le nôtre, qui est pourtant encore la cinquième puissance mondiale et qui voit son industrie, son agriculture, se déliter, ses transferts sociaux parmi les plus importants du monde ne pas suffire ni à endiguer les difficultés économiques et sociales de nombre de nos concitoyens, ni à remonter le moral de chacun (nous restons les champions européens du pessimisme).
– un pays, le nôtre, qui vit une crise démocratique, il suffit pour s’en convaincre de voir le spectacle que livre aujourd’hui à l’Assemblée nationale la Nupes ou le RN, qui n’est pourtant que la traduction du vote des français, mais aussi le symptôme d’un profond malaise nous faisant osciller entre la passion tyrannique des minorités aux préoccupations qui relèvent de la crise civilisationnelle, et un risque populiste qui frappe à nos portes.
Si le Président de la République ne porte pas toute la responsabilité de cette situation, il l’a accélérée et amplifiée. Jouant sur les fractures, attisant les différences, instrumentalisant les passions, le « en même temps » a démoli nos derniers repères, a détruit sans construire et a renforcé les extrêmes comme jamais. La confiance, la sincérité, la cohérence de la politique conduite par le Gouvernement actuel ne sont pas suffisamment au rendez-vous. C’est d’abord une question de colonne vertébrale, de ligne claire, de vision pour notre pays, de comportement vis-à-vis de l’autre.
L’écoute n’est toujours pas au rendez-vous malgré les promesses.
Certes le dialogue semble aujourd’hui plus facile, l’espoir de la prise en compte de quelques-unes de nos préoccupations majeures revient doucement, sur le ZAN, sur la gestion de l’eau, sur les déserts médicaux, sur l’école… Mais rien n’est encore acquis et surtout d’autres signes sont bien moins rassurants sur l’éolien, sur la dette, sur l’encadrement des dépenses des collectivités, sur la reconnaissance de la singularité de nos collectivités territoriales, par exemple. Agir pour l’intérêt général, avec bon sens, en sortant enfin de la bureaucratisation, en faisant valoir la différenciation, doit être notre seule boussole. C’est celle que nous allons faire prévaloir au Sénat tant au sein du groupe de travail « décentralisation » mis en place par le Président Larcher pour répondre à l’appel du Président de la République quant à une réforme de notre organisation territoriale, qu’au titre de la commission des finances pour refonder le financement de nos collectivités territoriales (Cf. édito de novembre), ou encore en contribuant à la réflexion pour reconsidérer le pacte de stabilité européen et refonder une Europe qui sorte du dogme de la libre concurrence pour défendre d’abord notre souveraineté et notre autonomie en tout domaine (énergie, agriculture, industrie…), mais aussi en accompagnant de manière pragmatique et bienveillante nos territoires dans la recherche de réponses, de solutions, de financements, répondant aux engagements des élus locaux en faveur de leurs concitoyens au service desquels ils se sont placés.
L’ancrage s’enrichit du multiculturalisme, c’est une conviction. Mais c’est bien dans ce sens qu’il faut le considérer et non « cul par-dessus tête » !
La majorité silencieuse a fait « la queue » aux pompes à essence en octobre et se sent chaque jour davantage « dépossédée » dans un pays où la pénurie règne chaque jour davantage quand ce n’est pas l’inflation énergétique ou alimentaire, pendant que la France des minorités prospère sur la faiblesse des pouvoirs publics. C’est là encore l’illustration de ce « cul par-dessus tête », qui est une démission que nous ne pouvons accepter plus longtemps.
Je souhaite à chacune et à chacun d’excellentes fêtes de fin d’année et tous mes vœux pour une année 2023 au cours de laquelle je forme le vœu que nous puissions reprendre possession de notre récit national.
Départementalement vôtre.
Stéphane Sautarel