Le groupe ABBOTT, fort de ses 135 ans d’existence, est un leader mondial dans la santé offrant une gamme de technologies innovantes dans les domaines du diagnostic et des dispositifs médicaux, la plupart connectés. Jean-Baptiste Nivet, Directeur général France de l’activité de diagnostic rapide d’Abbott, présente cette activité de biologie délocalisée, ou biologie de proximité, mise en lumière depuis la crise du Covid, dont les effets sur le parcours de soins apparaissent extrêmement prometteurs.
Jean-Baptiste Nivet, une première question simple : qu’est-ce que la biologie délocalisée ?
Il est important de donner quelques éléments de contexte pour comprendre ce qu’est la biologie de proximité et ses en-jeux. On parle « d’examen de biologie médicale délocalisé » (EBMD) lorsque que la phase analytique de l’examen, c’est-à-dire le processus technique permettant l’obtention d’un résultat d’analyse biologique, est réalisée à proximité du patient et en dehors du laboratoire. Cet examen reste sous la responsabilité du biologiste pour garantir la qualité de l’automate et des résultats, et permet une prise de décision médicale immédiate.
Nous entendons par automates de bio-logie médicale délocalisés les appareils dotés de systèmes ayant une qualité analytique de résultats équivalente à celle d’un test réalisé dans un laboratoire de biologie, au décours de la consultation. Il est important de bien distinguer l’EBMD du TROD (Test rapide d’orientation diagnostique), de plus faible sensibilité et qui nécessite une confirmation des résul-tats par un examen de laboratoire. Innové, pensé, créé pour un usage très simple et des performances équivalentes à celles du laboratoire, l’EBMD est aujourd’hui réservé à une utilisation hospitalière, notamment dans les services d’ur-gences. Notre objectif est de permettre l’usage de la biologie délocalisée au plus grand nombre, en la faisant notamment entrer dans les centres de médecine de ville.
Pourquoi cette solution n’est-elle pas diffusée plus largement ?
Aujourd’hui, l’EBMD est utilisé dans les hôpitaux civils et militaires mais pas pour la médecine de ville. Cet usage qui, depuis 20 ans, s’est développé à l’hôpital, pourrait demain être utilisé dans les Centres de soins non programmés ou dans les maisons de santé pluriprofessionnelles pour pallier les déserts médicaux. Cela pourrait notamment aider à désengorger les services d’urgences et à lutter contre l’antibiorésistance.
Depuis 2020, la Loi de Programmation de la Sécurité Sociale a identifié l’intérêt d’un tel usage, mais sa diffusion est conditionnée à un décret du ministère de la santé qui doit établir la liste des lieux de soins et des professionnels de santés habilités à déployer l’usage de l’EBMD aux soins primaires. Les laboratoires se montrent eux aussi favorables à ce déploiement à partir du moment où l’usage est ciblé et pertinent, et le modèle économique viable sur le terrain. Notre but n’est pas de remplacer les laboratoires mais de créer une complémentarité pour une meilleure prise en charge des patients.
Si le cadre normatif venait à évoluer, quelles seraient les perspectives de déploiement de la biologie de proximité ?
70 % des prises de décision des diagnostics médicaux se fondent sur les examens biologiques. C’est donc un outil d’aide à la décision fondamental pour nos médecins. En élargissant l’usage de la biologie de proximité au plus grand nombre, nous avons pour objectif de mettre à disposition des solutions des diagnostics fiables, rapides et adaptées aux besoins sur le terrain. Les avancées technologiques, permettent aujourd’hui de réaliser des examens diagnostics via des petits automates installés en dehors du laboratoire et délivrant des résultats de qualité rapidement.
L’objectif est désormais de mettre à disposition des médecins généralistes ces examens de biologie médicale délocalisés pour leur permettre d’avoir un résultat très rapide durant leur consul-tation et de les aider au diagnostic. Ils pourront ainsi adapter leur diagnostic au plus juste et selon des résultats parfai-tement fiables. Une étude a été réalisée cette année auprès des médecins sous l’égide d’un collège d’experts (voir encart).
Le résultat de cette étude est clair : les professionnels de premiers recours sont favorables à l’EBMD pour un usage bien raisonné. L’étude souligne qu’en fonction du lieu d’exercice on peut déployer différents usages. Par exemple, pour un Centre de soins non programmés situé près d’un hôpital, il peut être pertinent et précieux de concentrer le diagnostic sur les gaz du sang ou sur le diagnostic cardiaque. En maison de santé pluriprofessionnelle, on sera plus attentif aux résultats sur les maladies saisonnières comme la grippe ou le covid. Et pourquoi pas, demain, étendre cet usage aux EHPAD ? Il nous faut avancer par étapes et cibler des aires thérapeutiques identifiées.
Cette biologie de proximité se présente comme une réponse à la question de l’accès aux soins dans la vie quotidienne des Français…
Les bénéfices de la biologie de proximité sont clairement identifiés. C’est tout d’abord une baisse de coûts pour les patients qui voient le nombre potentiel de leurs rendez-vous médicaux diminuer, et donc leurs frais de déplacements. Cela représente aussi un gain de temps et de sérénité pour les médecins dans l’établissement de leur diagnostic et une amé-lioration de la remontée de données médicales. Globalement, une telle solution vient contribuer à la simplification du parcours de santé. La biologie de proximité est un « aller vers » qui répond à des attentes fortes des patients comme des professionnels de santé, notamment en zones rurales.
Quelles sont les prochaines étapes pour un déploiement de la biologie de proximité ?
Sous l’impulsion du ministère de la santé, les Agences Régionales de Santé peuvent, depuis l’année dernière, déroger afin de lancer des expérimentations des EBMD dans les territoires. C’est une avancée qui va permettre de prouver l’efficience de de ces examens de biologie médicale délo-calisée auprès des communes et des départements. Désor-mais nous voulons ouvrir un dialogue avec les élus locaux en leur adressant ce message clair : « Rapprochez-vous des ARS ! ». Ces EBMD sont une réponse de proximité dont les effets sur l’accès aux soins et l’impact économique peuvent être très forts.
Des professionnels de santé favorables à l’extension du cadre de réalisation de la Biologie Médicale Délocalisée.
Une enquête a été menée fin 2023 afin de faire remonter les attentes de 116 professionnels de santé des soins primaires sur le déploiement attendu des EBMD auprès des professionnels libéraux. L’enquête révèle trois attentes principales quant au futur cadre de déploiement de la biologie délocalisée. Les professionnels de premier recours sont favorables au déploie-ment de la biologie délocalisée, à travers un usage raisonné reposant sur un besoin médical bien identifié.
En second lieu, en raison de l’hétérogénéité du besoin médical selon les pathologies, un déploiement sous forme de cahiers des charges par aires thérapeutiques pourrait être pertinent. Enfin, le modèle économique devra être incitatif pour l’ensemble des parties prenantes et prendre en compte le temps mobilisé par les équipes de soins. Les résultats de l’enquête ont permis de formuler des propositions attendues par les pouvoirs publics sur les modalités de lieux et d’usage de la biologie médicale délocalisée en dehors des établissements de santé.