Dans le sillage de nos papiers sur la prospective territoriale et la budgétisation verte , l’enjeu de l’adaptation au réchauffement climatique nous apparaît vital pour les territoires. Alors qu’une politique nationale d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre n’aura au mieux d’effet que sur des dizaines d’années, l’adaptation est affaire d’urgence et touche au premier chef les collectivités. Le récent rapport public annuel 2024 de la Cour des comptes sonne l’alerte partout sur le territoire après le rapport sénatorial pionnier Roux-Dantec de 2019 qui était lui plutôt focalisé sur les enjeux littoraux.
Les rapports du GIEC, en particulier 6e rapport publié en 2021, démontrent un réchauffement climatique rapide sous l’effet des émissions anthropiques de gaz à effet de serre (dioxyde de carbone mais aussi méthane ou protoxyde d’azote). Entre 1850 et 2020, la température terrestre moyenne a ainsi augmenté de de 1,1°C. Pour 2023, en résonance avec la COP28 tenue à Dubaï, il est notable de souligner l’accélération du phénomène. Alors qu’à Paris, en 2015, la COP21 de la Convention sur le climat (CCNUCC) visait à limiter l’élévation de la température moyenne à + 1,5°C entre 1850 et 2100, nous sommes déjà rendus à + 1,4°C de hausse en 2023. Le pari volontariste de la communauté internationale est perdu.
A ce rythme, les experts du GIEC considèrent en effet qu’une élévation de + 3 à + 4°C d’ici la fin du siècle est devenue probable. Pour fixer les idées sur les conséquences biogéographiques d’une telle variation de température, retenons qu’il y a 100 000 ans, la température moyenne de la Terre était d’environ 5°C plus basse qu’actuellement. L’Europe du Nord était alors recouverte d’un glacier, la France couverte d’une toundra. Nous sommes donc aujourd’hui rendus au constat de dérèglements climatiques majeurs qui perturbent l’horlogerie de la Biosphère et de ses communautés. Dans certaines régions du Monde, en particulier en Méditerranée, les tendances sont encore plus inquiétantes avec une perspective de + 5 à + 6°C.
Longtemps, la communauté internationale et les États ont été dans le déni de l’adaptation, préférant se retrancher derrière l’illusion d’inverser la courbe des émissions. Avec le Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC3) préparé par un clairvoyant Ministre de la transition écologique, lui-même élu local, une nouvelle dynamique semble s’enclencher en France du moins. Il reste à la faire percoler dans tous les territoires. Les actuels Plans Climat Air Energie Territoriaux (PCAET) n’ont pas été pensés pour affronter l’urgence de l’adaptation.
Alors que l’État se concentre sur la déclinaison régionale de sa planification écologique bas-carbone à travers les conférences des parties régionales, les collectivités ne peuvent plus perdre de temps à adresser prioritairement des enjeux de moyen-long terme seulement. Il faut qu’elles se concentrent désormais sur les enjeux de court terme de leur population et se dotent d’un outil, sur-mesure, pour parer les effets du réchauffement. Chaque territoire a ses particularités. Voilà bien un authentique acte de décentralisation. Leurs électeurs pardonneraient d’autant moins
la « cécité de l’adaptation ».
Remettons les pendules à l’heure et la chronologie des enjeux à relever dans le bon ordre : adaptons-nous pendant qu’il est encore temps. Bel été … sans doute encore caniculaire.
1. « Départements : Osez la prospective stratégique », JdD de juillet 2022 et « Gérer l’environnement ou le développement durable ? Budget vert ou Budget durable ? » JdD de novembre 2022.