Sera-t-il le premier d’une longue série ? En votant le 8 avril dernier un budget en déséquilibre et en risquant une mise sous tutelle financière, le Conseil départemental de l’Aisne ouvre-t-il la voie à d’autres départements en situation financière de plus en plus critique ? La question est légitime au regard des contraintes budgétaires qui pèsent de plus en lourd sur les Départements.
Afin d’expliquer cette situation et ce vote aux Aisnois, Nicolas Fricoteaux, Président du Conseil départemental a pris la plume et écrit une lettre aux habitants du département. Il y explique notamment l’effet ciseau que subissent les Départements du fait de transferts de compétences non entièrement compensés ainsi que de la diminution sensible des Droits de Mutation à Titre Onéreux (DMTO). Nicolas Fricoteaux l’affirme : « Après avoir utilisé toutes ses réserves, le Conseil départemental n’a aujourd’hui plus aucune marge de manœuvre. Pour équilibrer son budget en 2024, sans s’endetter davantage, le Département aurait besoin de 22,5 millions d’euros de plus »
En conclusion de cet exercice de pédagogie, Nicolas Fricoteaux justifie le vote du Conseil départemental d’un budget 2024 prévoyant une recette supplémentaire de 22,6 millions d’euros. Ce budget en déséquilibre, n’est formellement pas légal puisqu’il est contraire aux règles de comptabilité publique.
Comme le précise le courrier, « Si, et uniquement si, notre budget n’était pas rééquilibré lors de la session du 24 juin prochain, le Département serait alors sous tutelle du préfet » Une situation inédite dont personne ne veut.
Cet avertissement très sérieux est aussi, en creux, une manière de rappeler que chaque année l’État vote un budget en déficit, là où les collectivités ont l’obligation de voter un budget à l’équilibre. Ne serait-il pas temps de rétablir les mêmes règles pour toutes les strates ?
Coup de projecteur sur les Départements, acte politique fort à quelques jours de la remise du rapport d’Éric Woerth sur la décentralisation au Président de République, ce vote de l’Aisne est aussi le triste constat d’une situation d’asphyxie financière des Départements qui voient leur marge de manœuvre réduites à peau de chagrin, là où les besoins n’ont jamais été si forts. A court terme, la course contre la montre est engagée, mais à long terme la question de la survie budgétaire des Départements est posée, ou au moins celle du maintien des politiques départementales, notamment en matière d’investissements. N’être plus qu’un guichet social marquerait en effet la « mort cérébrale » des Départements.
Vienne, une motion pour alerter le gouvernement
L’Aisne est loin d’être le seul département à connaître un casse-tête budgétaire en partie dû à la baisse des recette de DMTO et la hausse des dépenses sociales et RH. Ainsi, le conseil départemental de la Vienne a adopté, lundi 29 avril 2024, une motion pour interpeller le gouvernement sur l’état de ses finances. Et particulièrement sur les nouvelles dépenses sans compensation.
Cette situation a contraint la Vienne à reporter de trois mois le vote de son budget pour trouver des pistes d’économie. Dans cette motion, le Département estime avoir engagé, contre son gré, 23 millions d’euros de charges supplémentaires en trois ans. Alain Pichon, président de la collectivité, conclut en demandant « à l’État de changer de méthode : toute dépense nouvelle doit être financée, finançable et évolutive ». Une année 2024 sportive aussi sur le plan des finances locales…