Ministre de l’Education nationale et député, Jean Zay fut également Conseiller général. Un mandat local auquel il était attaché. Pierre Allorant, Président du CESER Centre Val de Loire et du Cercle Jean Zay revient sur cet épisode méconnu.
À l’heure où l’on attend les conclusions de la mission Woerth, il peut être utile de regarder comment un homme d’État a su concilier, sous la Troisième République, ancrage départemental et inventivité dans les réformes nationales.
Assassiné par la milice de Vichy en 1944, Jean Zay a connu un parcours exceptionnel et atypique sous la « plus longue des Républiques ». Alors que ses collègues entament leur cursus honorum électif par un mandat municipal, poursuivi à l’échelle cantonale et couronné par un mandat de député puis de sénateur, Jean Zay innove en court-circuitant les étapes territoriales.
À l’instar de certains députés gaullistes de 1962, socialistes de 1981 ou macronistes de 2017, le jeune avocat orléanais est directement élu au Palais Bourbon en 1932 à 28 ans, sans passer par l’étape communale. En revanche, le jeune député radical conforte son ancrage en remportant les cantonales partielles d’Orléans Nord-Est en 1937. Auparavant, il a manifesté son attachement au territoire de son département en évoquant sa personnalité et ses atouts économiques et touristiques dans des causeries radiophoniques reprises par la presse locale.
Déjà ministre de l’Éducation nationale et des Beaux-Arts au moment de son élection départementale, ses interventions au conseil général servent de défense et illustration à sa politique.
Ainsi choisit-il comme terrain d’expérimentation de ses réformes scolaires et sportives le Loiret à côté de l’Aude du chef du gouvernement Léon Blum et de la Meurthe-et-Moselle du Président Lebrun.
La mise en œuvre de l’obligation des deux heures d’éducation physique et de la demi-journée de plein air est testée à cette échelle, ce qui suscite l’intérêt des journalistes parisiens qui viennent en reportage à l’école et au stade d’Orléans. Mobilisé à sa demande durant la « drôle de guerre », Jean Zay participe aux sessions départementales et au comité secret de la Chambre. Ministre et élu local, Jean Zay tisse des liens d’amitié avec les préfets radicaux en poste à Orléans.
L’effondrement national et le sabordage de la République de 1940 brisent la carrière de Jean Zay, victime d’une parodie de procès, au moment où la dictature du maréchal Pétain liquide à la fois l’élection et l’assemblée départementale, scène privilégiée du dialogue entre l’administration préfectorale et les élus des territoires. Les rapports des préfets témoignent des regrets des populations envers la médiation assurée par les élus départementaux républicains, au point que Vichy tente de leur substituer des relais cantonaux de proximité.
À la Libération, si le projet d’ENA est repris par Michel Debré, la promesse de transfert de l’exécutif départemental du préfet au président de l’assemblée élue, présente dans la constitution, n’est pas mise en œuvre avec la loi de Gaston Defferre, soutenue par l’ancien président du conseil général de la Nièvre, François Mitterrand.