Comme l’indique le site internet gouvernemental « Vie Publique », la présence et la reconnaissance de l’opposition au sein des institutions a pour buts :
– de représenter l’ensemble du corps social (et non pas seulement les citoyens qui sont en accord avec la majorité au pouvoir) ;
– de maintenir un contre-pouvoir (en contraignant la majorité à faire des compromis) ;
– de proposer une alternative politique.
A cet égard, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, (la 24e de l’histoire de la
Ve République), sur la modernisation des institutions, qui a modifié une trentaine d’articles de la Constitution et introduit neuf nouveaux articles, marque une étape importante dans la reconnaissance des droits de l’opposition dans la vie de nos institutions.
Une illustration des droits des oppositions au sein des assemblées locales figure aux articles L. 2121-13, L. 3121-18 et L. 4132-17 du code général des collectivités territoriales (CGCT).
En vertu de ces articles, les membres de l’assemblée délibérante d’une collectivité territoriale ont le droit, dans le cadre de leur fonction, d’être informés des affaires locales qui font l’objet d’une délibération.
Outre ce droit à l’information spécifique, qui ne s’applique cependant qu’aux affaires soumises à délibération, les membres de l’assemblée délibérante d’une collectivité territoriale peuvent se prévaloir, dans les mêmes conditions que les administrés, du droit d’accès aux documents administratifs prévu aux articles L. 311-1 et suivants du code des relations entre le public et l’administration (CRPA), conformément à la jurisprudence du Conseil d’État (CE, 29 juin 1990, Commune de Guitrancourt, n° 68743).
Ainsi, l’article L. 311-1 du CRPA dispose que les administrations, dont les collectivités territoriales, sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande, sous réserve des exceptions prévues aux articles L. 311-5 et L. 311-6 du même code.
Mais, conformément aux dispositions de l’article L. 311-2 du CRPA, ce droit à communication ne s’applique qu’à des documents achevés et ne concerne pas les documents préparatoires à une décision administrative tant qu’elle est en cours d’élaboration.
Aussi, l’organigramme des services et le répertoire téléphonique intérieur d’une collectivité territoriale constituent des documents achevés et n’ont pas vocation à préparer une décision administrative.
Ils peuvent être communiqués à toute personne qui en fait la demande sous réserve qu’ils ne fassent pas déjà l’objet d’une diffusion publique conformément aux dispositions du quatrième alinéa de l’article L. 311-2 du CRPA.
La commission d’accès aux documents administratifs a ainsi considéré que l’organigramme des services municipaux est communicable à toute personne qui en fait la demande (avis n° 20152472 du 9 juillet 2015 ; avis n° 20153426 du 17 septembre 2015).
Pour autant, il convient de se poser la question de savoir si les droits des oppositions dans les assemblées locales ne sont pas, lors du vote des délibérations les plus sensibles, telles que les votes des budgets (budgets primitifs et décisions modificatives), ou des comptes administratifs, excessifs dans leurs conséquences, lorsqu’ils ont pour résultat de bloquer le processus de décision.
En effet, à la différence de l’État, il n’existe pas de mécanisme équivalent à l’article 49-3 de la Constitution pour faire adopter les délibérations sensibles, et ce alors même qu’il n’existe pas de majorité alternative au sein de l’assemblée locale.
La problématique posée, jusqu’alors demeurée sans solution, est remarquablement posée par l’ancien sénateur non inscrit de la Moselle Jean-Louis Masson (Question écrite n°13900 – 13e législature, au JO du Sénat 17 juin 2010), dans les termes suivants :
« M. Jean Louis Masson attire l’attention de M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales sur le fait que l’article L. 2121-21 du code général des collectivités territoriales prévoit qu’au sein d’un conseil municipal le vote est secret lorsqu’un tiers des membres le demande et qu’il est public et nominatif si un quart des membres le demande.
En réponse à sa question écrite n° 21530 (JO Sénat du 9 février 2006), il lui a indiqué que, lorsque les deux demandes sont formulées simultanément, c’est le vote secret qui l’emporte. Il souhaite tout d’abord savoir si cette réponse s’appuie sur une disposition réglementaire ou sur de la jurisprudence, ou s’il s’agit seulement d’une interprétation ministérielle.
Par ailleurs, dans le cas où, suite à une vacance de siège, un conseil municipal est divisé à parts égales (cinq d’un côté et cinq de l’autre), le conseil municipal devrait pouvoir fonctionner normalement grâce au fait que le maire a une voix prépondérante.
Toutefois, avec l’interprétation ministérielle susvisée, si l’opposition demande systématiquement un vote secret, elle peut ainsi parvenir à paralyser complètement l’activité du conseil municipal. Il lui demande donc si le principe de la priorité au vote secret n’est pas incompatible avec celui de la voie prédominante du maire.
À défaut, si l’opposition recourt systématiquement à une demande de scrutin secret pour empêcher l’application du vote prédominant du maire, il lui demande s’il n’y a pas là un détournement de pouvoir susceptible d’être sanctionné par le tribunal administratif. »
A la question posée, une réponse, publiée dans le JO Sénat du 26/08/2010 – page 2230), a certes été apportée : « Il convient de rappeler que les conseillers municipaux doivent motiver leur demande de recours au scrutin secret, sous le contrôle restreint du juge administratif.
En effet, celui-ci considère que cette demande constitue une formalité substantielle de nature à entacher la légalité de la délibération en cas d’irrégularités (Conseil d’État, 21 juin 1993, Commune d’Évry-Grégy-sur-Yerre c/M. Vajou ; Cour administrative d’appel de Nancy, 11 oc-tobre 2007, Assoc. de défense des riverains de la rue Pasteur). Ainsi, le maire peut refuser de faire droit à la demande de scrutin secret si celle-ci est insuffisamment motivée. »
Mais, cette réponse n’est guère convaincante, car elle est source de polémique et, partant, de contentieux et d’incertitude juridique sur la légalité des délibérations adoptées.
Il résulte de cette situation, que certaines communes voient leurs délibérations budgétaires et comptes administratifs rejetés, faute pour le maire de pouvoir voter (compte administratif) ou de disposer d’une voix prépondérante (budget primitif et décisions modificatives), en cas de partage égal des voix.
Ce qui arrive dans certaines communes où, dès lors, le budget et le compte administratif doivent, être réglés par le préfet, sur proposition de la chambre régionales des comptes, peut se produire dans les départements dans lesquels la majorité ne dispose que d’une courte avance (1 ou 2 can-tons de majorité).
Sans remettre en cause les droits de l’opposition, le législateur serait bien inspiré de se saisir de cette situation qui fragilise, au détriment de la population, les exécutifs locaux ne disposant que d’une majorité restreinte.