Hervé Marseille, sénateur des Hauts-de-Seine, président du groupe Union Centriste au Sénat et président de l’UDI, a accordé un entretien au Journal des Départements. Lui qui s’est notamment illustré à travers des propositions de loi sur le cumul des mandats, ainsi que sur le droit de grève, défend une vision pragmatique de l’engagement local. Tour d’horizon des sujets d’actualité avec ce fervent défenseur des territoires. Interview sans filtre.
Le gouvernement vient d’annoncer pour 2024 un déficit de 5,1 % du PIB et en appelle à des économies de 10 milliards d’euros, dont une partie incomberait aux collectivités. Il leur est en effet demandé de réduire leurs dépenses de fonctionnement de 0,5 %. Que vous inspire ce nouvel appel aux collectivités locales pour combler le déficit national ?
Les collectivités territoriales sont déjà exsangues. Je ne pense pas qu’il faille, une fois de plus, charger les collectivités territoriales de remplir les caisses de l’État.
Chacun mesure que les collectivités territoriales constituent le dispositif ultime pour apporter un service direct à la population, en proximité : cantine, culture, sport, action sociale, etc…
J’ai été maire de Meudon pendant plus de 18 ans et Conseiller général pendant 7 ans. Les collectivités territoriales savent agir en responsabilité et réaliser des économies pour compenser les transferts de compétences de l’État vers les collectivités, sans forcément avoir les moyens supplémentaires…
La réduction des dépenses de fonctionnement des collectivités de 0,5 % ne doit pas entraîner, d’une part une diminution de la qualité du service rendu aux usagers, ni ouvrir un mouvement de réduction, chaque année, des dépenses de fonctionnement des collectivités. Cela serait trop facile.
L’État doit aussi regarder la réalité en face. De nombreuses structures étatiques ont une efficacité très relative. La dernière en date est l’agence de conseil interne de l’État, tout un programme !
Vous venez de présenter une proposition de loi visant à « concilier la continuité du service public de transports avec l’exercice du droit de grève », adoptée en première lecture par les sénateurs. Quel est l’esprit de ce texte ? Et comment analysez-vous l’opposition du gouvernement à ce texte par la voix du ministre délégué chargé des Transports, Patrice Vergriete ?
Depuis 1947, pas une seule année ne s’est écoulée sans grève nationale à la SNCF. Ainsi, depuis soixante-dix ans, les années sans grève sont encore plus rares que les années d’excédent budgétaire !
L’année dernière, 2 300 000 kilomètres de trajets n’ont pas été effectués par la RATP pour cause de grève ; en 2022, 125 608 journées de travail ont été perdues pour la même raison à la SNCF, soit environ une par agent.
Trop, c’est trop ; nos concitoyens n’en peuvent plus. À chaque crise, ils sont des millions à faire les frais de ces débrayages, à devoir s’entasser sur des quais ou dans des rames bondées, ou simplement à être contraints de renoncer à travailler ou à partir en vacances.
Le droit de grève est, certes, un droit fondamental, mais il n’est en aucun cas un droit absolu et supérieur. Ma proposition de loi a pour objet de concilier le droit de grève avec le droit de circuler et le droit d’entreprendre.
Au demeurant, on observe de plus en plus que les syndicats sont dépassés par des actions de coordination ou des groupements politisés.
Je regrette que le Gouvernement n’ait pas souhaité accompagner nos réflexions. J’espère que les Jeux Olympiques se dérouleront sans dysfonctionnement…
On vous sait très attaché à l’ancrage local des élus. Vous avez d’ailleurs porté une proposition de loi en ce sens en 2021. À vos yeux quelles sont les priorités pour garantir cet attachement local ? La proportionnelle est-elle l’une des solutions à mettre en œuvre ?
Je suis favorable à un retour au cumul des mandats. D’ailleurs, de nombreux Français semblent partager cette idée. Mais là aussi, nous devons agir en responsabilité. Il n’est pas question de revenir à un cumul comme nous avons pu le connaître entre un mandat parlementaire et la présidence d’un Conseil régional XXL.
Cependant, je trouve regrettable qu’un parlementaire, et a fortiori un sénateur, ne puisse plus être à la tête d’une collectivité territoriale de taille raisonnable. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé dès 2020 une proposition de loi visant à permettre un cumul entre mandat parlementaire et maire ou adjoint d’une commune de moins de 10 000 habitants qui a été voté au Sénat… pas à l’Assemblée nationale ! Cette formule permet aux députés et sénateurs de bénéficier d’un meilleur ancrage local mais aussi de légiférer en connaissance de cause. Une part importante de députés n’a jamais exercé de mandat à la tête d’un exécutif local.
Concernant la proportionnelle, nombreux sont celles et ceux qui siègent dans la majorité, à gauche, au centre ou encore au RN qui souhaitent son introduction.
Reste à déterminer le type de proportionnelle souhaitable. À mes yeux, le dispositif
sénatorial visant à maintenir les circonscriptions dans les départements qui en comptent jusqu’à trois ou quatre et prévoyant la proportionnelle dans les autres départements me semble conjuguer proximité et expression de la diversité des opinions.
Le retour à un cumul de mandats est indissociable de la proportionnelle pour ancrer les députés au terrain.
Les perspectives financières sombres pour les Conseils départementaux font craindre pour l’avenir de certains d’entre eux. Dans ce contexte, la piste du conseiller territorial revient dans la lumière. Serpent de mer ou idée salutaire pour la démocratie et les finances locales ?
Le Conseil départemental a démontré depuis sa création son intérêt et son rôle majeur dans l’animation des territoires et l’accompagnement des collectivités.
Il mène une politique nécessaire et en proximité, que ce soit pour les routes, les collèges, mais surtout l’action sociale qui est la part la plus importante de son budget à travers la protection de l’enfance, le RSA, le handicap et l’autonomie de nos aînés.
Sur le Conseiller territorial, c’est une idée intellectuellement intéressante mais pratiquement impossible à mettre en œuvre, qui affaiblirait à la fois les départements et la région : une mauvaise bonne idée, en somme !