Repères historiques
L’actuelle Manche est un territoire très tôt peuplé. Nombreux sont les vestiges datant du paléolithique et du néolithique, attestant d’une activité humaine déjà intense, aussi bien sur terre qu’en mer. Les peuples celtes des Unelles et des Abrincates (qui donneront leur nom à la ville d’Avranches) dominent le territoire jusqu’à l’arrivée des Romains vers les années 60 avant J-C. Après une période de résistance, les peuples gaulois se soumettent à l’empire romain.
Les premiers siècles de notre ère constituent une période de troubles et d’effondrement de l’Empire romain, marquée par des invasions barbares, saxonnes et franques. C’est également une période d’évangélisation de laquelle émergent de grandes figures apostoliques comme à Coutances, Avranches ou Saint-Lô. Symbole magistral de ce développement du christianisme : l’édification d’un monastère sur le Mont Tombe, au début du VIIIe siècle, futur emplacement du célébrissime Mont Saint-Michel.
Les Vikings s’installent durant cette même époque sur cette terre et sont bientôt connus sous le nom de Normands. Une intense période d’explorations maritimes les mènent, durant plus de trois siècles, à sillonner les mers du globe, aux confins du monde connu. Ils abordent ainsi les côtes de Terre-Neuve et accostent au Moyen-Orient. Dans cette terre normande, devenue au Xe siècle Duché de Normandie, cohabitent populations chrétiennes, populations d’origine gallo-romaine, et scandinaves.
La conquête de l’Angleterre au XIe siècle par Guillaume le Conquérant aura une influence déterminante dans l’histoire de la Normandie et de l’Angleterre, sur le plan social, linguistique, commercial. Jusqu’à la fin du XIIe, l’influence normande est immense et accompagne le début de l’essor de l’Angleterre. C’est à cette époque que le Mont Saint-Michel, mer-veille architecturale, devient un symbole de puissance religieuse et politique de premier plan.
En 1204, la Normandie est rattachée à la France. Après une période relativement pacifiée, la Guerre de Cent Ans éclate, voyant notamment le Cotentin passer durant quel-ques années sous domination anglaise. Il faudra attendre la fin de la Renaissance pour que la Manche retrouve paix et prospérité.
La période révolutionnaire marque la naissance officielle du département de la Manche, le 4 mai 1790. Constitué à partir de la fusion des deux diocèses de Coutances et d’Avranches, le département est initialement divisé en sept districts et 66 cantons. Saint-Lô est alors désigné chef-lieu de la Manche malgré d’âpres débats pour mettre en avant Coutances.
La période napoléonienne voit le renfor-cement du port de Cherbourg qui devient une place forte face aux menaces britanniques, un essor qui se poursuivra au long du XIXe siècle, et dont la digue, achevée en 1855, symbolise la puissance et l’importance.
Si l’industrialisation du XIXe siècle fait évoluer le paysage économique du territoire, la Manche reste un département à dominante rurale jusqu’à la Première Guerre mondiale. Le second conflit mondial voit la Manche jouer un rôle majeur, lors du Débarquement allié qui ouvre la Bataille de Normandie marquée, notamment, par l’Opération Cobra et la Percée Patton. De nombreuses communes du département paient un lourd tribut, subissant des destructions parfois presque totales, à l’image de Saint-Lô, baptisée « Capitale des ruines » par Samuel Beckett.
Il faut attendre le début des années 2000 pour voir la Manche s’affirmer comme un territoire attractif, s’appuyant notamment sur ses atouts touristiques et une filière agro-alimentaire dynamique. À cela s’ajoute une politique énergétique ambitieuse. Forte de son patrimoine nucléaire, datant des années 1960, la Manche diversifie en effet ses sites de production d’énergies renouvelables et vise une production énergétique de très grande ampleur pour les années à venir.
Quelques figures de la Manche
Alexis de Tocqueville
Homme politique et historien français (Paris 1805-Cannes 1859), Charles Alexis de Tocqueville est une figure intel-lectuelle française majeure, et un grand penseur politique. Enfant de l’aristocratie, il est élevé dans le culte de la monarchie par un père préfet de Charles X. D’un voyage de jeunesse aux États-Unis, il tire ce qui deviendra son œuvre maîtresse : De la Démo-cratie en Amérique. Le succès est immense et vaut à Tocqueville de compter parmi les grands penseurs de son époque.
Il est élu à l’Académie française en 1841, à seulement 35 ans. Passionné de politique, il est élu député de la Manche, sur la circonscription de Valognes. Il est également président du Conseil général de la Manche de 1849 à 1852. Le coup d’État du 2 dé-cembre 1851 est un tournant et une rupture. Opposé à Napoléon III, il est privé de ses mandats électoraux et se retire pour poursuivre ses travaux d’his-torien. Il publie L’Ancien Régime et la Révolution avant de s’étein-dre à 54 ans. Défenseur acharné de la liberté, partisan de l’abolition de l’esclavage, il rédigea notamment pour le conseil général de la Manche, un Mémoire sur le paupérisme. Il laisse une œuvre et un héritage intellectuel de premier plan.
Catherine Dior
Née à Granville en 1917, Catherine Dior est issue d’une famille bourgeoise dont le père se trouve ruiné par la crise des 1929. Elle est cadette d’une famille de cinq enfants. Elle s’installe à Paris durant la Seconde Guerre mon-diale et entre vite en Résistance dans l’important réseau franco-polonais F2. Le 6 juillet 1944, elle est arrêtée par la Gestapo et torturée.
Déportée au camp de Drancy puis à Ravensbrück, le 15 août 1944, elle est libérée en mai 1945. Décorée de la Croix de guerre, de la Croix des Combattants, et de la Légion d’honneur, elle participe à la Fondation de la Résistance. Son frère Christian, de qui elle est très proche, lui dédie son premier parfum « Miss Dior ». La seconde partie de sa vie est consacrée à l’horticulture, et aux roses en particulier. Elle meurt en 2008 à 90 ans.
Annette Boutiaux dite « La mère Poularde »
Née à Nevers en 1851, la jeune Annette Boutiaux devient femme de chambre au service d’Édouard Corroyer, architecte en chef des Monuments historiques. Elle le suit en 1872 lorsqu’il est missionné dans la Manche pour la restauration de l’abbaye du Mont-Saint-Michel. En 1873, elle rencontre Victor Poulard, fils du boulanger du Mont, et l’épouse.
Le couple Poulard prend en gérance « L’hostellerie de la Tête d’or ».
Afin de satisfaire les clients affamés, Annette les fait patienter en leur offrant une omelette de sa confection, en guise d’entrée. Les affaires du couple fleurissent bientôt. Sur la façade de leur nouvel établissement, « l’Hôtel du Lion d’or », on peut lire : « À l’omelette renommée de la mère Poulard ». La réputation est telle qu’on se presse de toute la France pour goûter la fameuse omelette. Connue pour la qualité de son accueil, celle que l’on appelle désormais la Mère Poulard reçoit anonymes et visiteurs illustres avec la même simplicité. Georges Clemenceau compta parmi ses fidèles clients. Annette s’éteint le 7 mai 1931 et repose à côté de son époux dans le petit cimetière du Mont-Saint-Michel.
Christian Dior
Fils de l’industriel granvillais Maurice Dior, et frère de Catherine, Christian Dior naît à Granville en 1905. Il y passe une partie de son enfance avant de rejoindre Paris. Dessinateur de mode puis modéliste, il travaille comme costumier pour le cinéma, et fonde au lendemain de la Seconde Guerre mondiale sa propre maison de couture, Avenue Montaigne.
Son style « new look » rencontre un succès immédiat. En 1957, il fait la « une » du célèbre magazine « Times ». Son succès mondial se trouve brisé le 23 octobre 1957. Terrassé par une crise cardiaque, Christian Dior meurt en Italie. Granville célèbre depuis lors, la mémoire et l’œuvre de cette immense créateur à travers le musée Christian-Dior, situé dans sa maison d’enfance, la villa « Les Rhumbs ».
Madeleine Deries
Née à Saint-Lô le 9 avril 1895, Madeleine Deries se montre, dès son plus jeune âge, une élève brillante, à une époque où les études supérieures sont réservées aux garçons. Son père, agrégé de philosophie et inspecteur d’académie de la Manche, assure donc son instruction à domicile.
Madeleine se présente au baccalauréat qu’elle décroche à Caen en 1916. Elle est la première femme de la région à obtenir son bac, avec la mention bien. N’entendant pas s’arrêter en si bon chemin, elle poursuit des études d’histoire à la Sorbonne et soutient une double thèse de doctorat ès lettres avec spécialisation en histoire en 1922. Première femme docteure ès lettres en France, Madeleine Deries est une pionnière qui ouvre la voie des études supérieures et de la reconnaissance universitaire aux femmes. Peu connue du grand public, elle a pourtant changé le cours de l’histoire.
Julien Épaillard
Né à Cherbourg le 24 juillet 1977, Julien Épaillard est un cavalier français, spécialiste du saut d’obstacles. Formé dans l’écurie du Haras de Siva/Étrier cherbourgeois, à Tollevast, il connaît rapidement ses premiers succès, en devenant champion de France junior, puis champion d’Europe à vingt ans. Les succès s’enchaînent et il remporte plusieurs prix internationaux, notamment en montant « Icare du Manet ». Julien Épaillard représentera la France et la Manche aux Jeux olympiques de Paris 2024 d’où il espère revenir avec une médaille. Nous lui souhaitons plein succès !