Et si nous mettions de côté les grands argumentaires pour privilégier, comme éléments de séduction et d’attachement, les pratiques sociales et culturelles de nos territoires ? Et si, en fin de compte, le marketing territorial devait aussi compter avec les rituels locaux pour concevoir de réels parcours d’intégration sur le long terme ?
En février dernier, dans un précédent texte, je proposais que les démarches d’attractivité se préoccupent désormais de l’attachement : après les « faire venir »,
« faire rester », ou « faire revenir », miser aussi sur le « faire s’attacher ». Il s’agirait donc d’envisager comment, au sein du marketing territorial, on peut faire en sorte que de nouveaux venus se sentent bien et heureux dans leur nouvelle vie. Qu’ils puissent se déclarer « chez eux » et qu’ils le revendiquent fièrement.
Pour ce vaste chantier, je prends le pari que le fait d’être initié aux coutumes et rites locaux, aux traditions, petites ou grandes, aux habitudes typiques, etc. doit permettre de quitter un statut peu glorieux de « horsain » (comme on dit en Normandie) pour, enfin, s’autoriser à se dire « d’ici ».
L’UNESCO, qui cherche également à préserver le capital culturel « immatériel » de l’humanité, considère que « les pratiques sociales, rituels et événements festifs sont des activités coutumières qui structurent la vie des communautés et des groupes, et auxquelles un grand nombre des membres de celles-ci sont attachés et y participent. Ces éléments sont importants car ils réaffirment l’identité de ceux qui les pratiquent […] ».
Pour ce qui concerne les territoires, on pourrait aller chercher ce qui est pratiqué, utilisé et fréquenté par les « initiés », les
« locaux », et ainsi creuser du côté :
– du style de vie : lieux de promenades, fréquentations privilégiées de certains commerces, bars, restaurants, habitudes alimentaires (au-delà des spécialités culinaires locales), modes de déplacements et itinéraires, activités du week-end, etc.
– des commémorations et célébrations comme des fêtes traditionnelles.
– des instants de partage collectif : en sport (même comme spectateur), en culture, en patrimoine (chansons, livres, contes et légendes, croyances, superstitions, etc.), en rites sociaux (pour lycéens ou étudiants, les changements de saisons, les mariages, etc.), etc.
– des expressions locales (pour certains territoires, des langues).
– des pratiques ordinaires : par exemple, combien de bises pour se dire « bonjour » ? Etc.
Bien sûr, tout cela se combine et peut structurer de longs moments. Par exemple : fréquenter de préférence tel marché de producteurs, tel jour, puis se retrouver avec des amis, après avoir fait 3 bises (« ici, on n’en fait que 3 ! »), à tel café pour un apéritif, puis se donner rendez-vous pour assister à la prochaine Fête du printemps (« Depuis tel endroit, c’est là qu’on voit le mieux ! ») ou au prochain match de foot (« Et après on ira dîner chez Machin, comme ça on évitera les touristes ! »).
La liste de ces pratiques peut être longue, vous le savez bien. Pourtant, c’est bien l’ensemble de ces us et coutumes typiques qui formera certainement le meilleur itinéraire d’intégration, sous condition que les nouveaux venus y sont invités par des locaux désireux de partager et de faire apprécier leur vie quotidienne.
Vous l’avez compris, il y a forcément, pour les professionnels en charge de l’attractivité, à, d’une part, forger de tels parcours pour que les nouveaux venus puissent à court terme cocher toutes les cases d’un « Tu es d’ici si … » et à, d’autre part, dépasser les basiques – et parfois simplistes et artificielles – services et actions d’accueil, pour offrir une expérience immersive complète, authentique et, on l’espère, séduisante et attachante.
Enfin, ces pratiques sociales en disent, à l’évidence, long sur le territoire, sa culture, ses valeurs, son rapport à l’autre, sa « connectivité » sociale, etc. Elles sont, au sein d’un capital immatériel, des éléments de l’identité et de la singularité d’un territoire. Elles peuvent donc rejoindre le corpus des « preuves » à délivrer pour renforcer les arguments d’attractivité, les crédibiliser et expliquer qu’elles sont les plus-values de la vie d’ici. Une fois de plus, nous sommes dans une dynamique marketing, dans le soucis de se révéler mais aussi de se démarquer, et de proposer une expérience de vie et d’accueil qui pourra être perçue comme « supérieure » à celle de concurrents, et surtout comme unique !