En 2008, Jacques Attali voulait la suppression des Départements. En 2014, Manuel Valls lui emboîtait le pas en préconisant notre disparition, avant de faire volte-face lors du Congrès de Pau en rappelant que notre pays a « besoin de cet échelon intermédiaire ». Mirabeau voyait en la création des Départements l’occasion de « rapprocher l’administration des hommes et d’y admettre un plus grand concours de citoyens ». Que penserait-il de leur disparition aujourd’hui ? En 2024, nous sommes toujours là, mais jusqu’à quand ?
Disons-le clairement : nos Départements sont au bord de l’asphyxie financière. Leurs dépenses ont explosé, en raison de l’inflation et du coût de l’énergie certes, mais aussi et surtout à cause de décisions…qui leur ont été imposées : la hausse du point d’indice, les multiples revalorisations des aides sociales mais aussi l’afflux toujours plus massif de mineurs non accompagnés qui révèle l’absence de fermeté dans la politique migratoire menée par le gouvernement. Dans le même temps, nos recettes s’effondrent, avec un marché de l’immobilier en berne : les droits de mutation à titre onéreux ont chuté de plus de 23 % entre 2022 et 2023.
Et les perspectives ne sont pas réjouissantes pour nos budgets : le Premier ministre n’a rien trouvé de mieux que d’annoncer en janvier son intention de supprimer l’allocation spécifique de solidarité (ASS). Cela provoquerait une bascule de ses bénéficiaires vers le RSA. Un couteau sous notre gorge en clair.
Alors que beaucoup de départements sont au bord de la faillite, l’État fait seulement mine de prêter l’oreille. On en viendrait presque à se demander s’il n’attend pas que nous soyons dans le rouge pour « réduire le nombre de strates décentralisées », pour reprendre les mots inscrits dans la lettre de mission confiée à Eric Woerth par le Président de la République. Du cynisme pur, dirait-on ! Je n’ose croire à cet horizon.
Je n’ose y croire parce que les Départements sont pour notre pays un pilier fondamental qui traduit, au cœur de nos territoires, la valeur de fraternité inscrite dans notre devise républicaine. Mais ils sont encore plus que ça : ils sont les garants historiques de l’aménagement du territoire et de la cohésion, particulièrement dans les zones rurales où le Conseil départemental est bien souvent celui sans qui les projets n’aboutissent pas.
Poursuivre le chemin emprunté actuellement, c’est empêcher les départements d’investir. Poursuivre le chemin emprunté actuellement celui de tuer les départements – c’est les cantonner à être les prestataires de service de l’Etat sur les questions sociales, parce que nous ne pourrons plus faire autre chose. Nous ne pourrons plus être l’échelon de la solidarité territoriale, celui qui aide
les communes et les intercommunalités à porter leurs projets.
Poursuivre le chemin emprunté actuellement, c’est empêcher les départements d’investir.
Fini l’accès au sport dans les zones les plus rurales, parce que le Département n’aura plus les moyens de soutenir les clubs sportifs ni de rénover les gymnases. Terminé aussi l’accès à la culture pour le plus grand nombre, parce que nous ne pourrons plus soutenir nos associations, ni même préserver notre patrimoine.
Soyons clairs. Cette approche de mise à mort budgétaire des Départements aura aussi une conséquence très directe et très forte : un ralentissement inédit de la commande publique et un danger économique historique qui pèsera sur nos petites et moyennes entreprises ainsi que sur nos artisans locaux. Plus encore que d’atteindre le bien être de nos habitants en empêchant les Départements d’assumer leur rôle de collectivités des solidarités humaines et territoriales, le chemin emprunté va donc tout bonnement porter un coup de massue économique aux zones rurales.
En quelques mots simples : tuez les Départements, et vous tuerez la ruralité.