Si la situation financière des collectivités territoriales était fin 2022 globalement plutôt favorable, convenons que cette photographie, due à une reprise économique post pandémie, doit être mise en perspective nécessitant une prise de conscience au moins à trois niveaux :
D’abord, cette situation cache des résultats contrastés selon les collectivités, qui nécessitent de renforcer nos mécanismes de péréquation.Ensuite, cette situation se dégrade très vite du fait d’une conjoncture économique moins favorable, d’une inflation durable et d’une dynamique fiscale à la baisse : DMTO, TVA … 2024 sera compliquée et la suite impossible sans réforme de fond.
Enfin, Les Départements sont en train de retrouver un effet ciseau mortifère qu’ils avaient non pilotables. La situation fin 2023 et surtout en 2024 devrait hélas être toute autre.
Le vrai sujet des finances publiques locales est celui de l’autofinancement. Il est en grave danger, avec une tendance qui doit tous nous inquiéter. Il risque non seulement de contraindre les collectivités à réduire leur niveau de service public, mais aussi leurs investissements.
Alors même que ce sont nos collectivités qui jouent un rôle contracyclique essentiel dans notre pays, on ne peut prendre le risque de casser le moteur territorial de proximité qui est le seul qui fonctionne encore. Ce serait une faute.
Il importe donc de retrouver enfin l’efficacité de la politique régalienne que l’État doit conduire et la nécessaire liberté laissée aux collectivités pour agir.
C’est indispensable pour que notre pays et nos comptes publics s’en portent mieux. A ce titre le moment est enfin venu de prendre des décisions courageuses pour transformer notre modèle économique et social.
Dans un contexte national qui demeure préoccupant à de nombreux titres, je veux le redire, car nos concitoyens ne manqueront pas de nous interpeller très bientôt pour savoir comment nous en sommes arrivés là, la situation de nos comptes publics est plus qu’inquiétante. Elle ne respecte même pas la trajectoire de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques adoptée pourtant par le Gouvernement lui-même. Déficit toujours plus grand, dette abyssale, dépenses publiques sans cesse en hausse sans pour autant être plus efficaces, pays le plus taxé de l’OCDE ! Les lendemains vont être douloureux pour tous les Français.
Pourtant plutôt que de me lamenter sur cet effondrement, je veux me concentrer dans cette première chronique de l’année 2024 sur ce que le travail et le courage ont permis et peuvent encore permettre pour tenter de répondre à la finalité d’une politique publique comme le disait si justement Georges Pompidou qui consiste à « améliorer le bonheur des français ». Le Sénat a ainsi permis cette année, dans le contexte institutionnel particulier que nous connaissons, d’obtenir des avancées substantielles pour nos communes, nos collectivités territoriales et nos territoires ruraux, même si elles sont encore insuffisantes.
Au niveau de la fiscalité locale, l’indexation sur l’inflation de la revalorisation des bases est maintenue, permettant une évolution de l’ordre de +3,9 % en 2024. L’assouplissement des règles de lien applicables aux taux des impôts directs locaux entre les taux de THRS (Taxe d’habitation sur les résidences secondaires) et de TFPB (Taxe sur le foncier des propriétés bâties) sera opérant en 2024.
Nous avons porté la hausse totale de la Dotation Globale de Fonctionnement (DGF) à 320 M€. Son affectation sera ciblée sur la péréquation. La DSR augmentera ainsi à elle seule de 150M€, la DSU augmentant de 140 M€ et la dotation d’intercommunalité de 30 M€.
Avec l’adoption d’un coefficient multiplicateur de 1,2 de la fraction « péréquation » de la DSR pour les communes situées en zones FRR (France Ruralités Revitalisation) obtenue par le travail du Sénat, c’est un véritable plus qui va rejaillir sur les communes rurales.
Plus largement, la réforme des ZRR et la création des FRR ont abouti à un système pérennisé et élargi qui donne de la lisibilité et de l’attractivité aux territoires ruraux.
Ce PLF réintègre enfin les dépenses d’investissement réalisées par les collectivités pour les aménagements et agencements de terrains parmi les dépenses éligibles au FCTVA.
La suppression de la condition de potentiel financier afin que la dotation « élu local » soit versée à l’ensemble des communes de moins de 1 000 habitants a été votée. Pour les communes nouvelles, la première mesure d’importance est l’instauration d’une dotation dédiée aux communes nouvelles, financée par un prélèvement sur les recettes (PSR) de l’État, ce qui ne viendra donc plus impacter la DGF d’ensemble.
Nous avons aussi augmenté d’une part le montant de la dotation d’amorçage à 15 € par habitant (au lieu de 6 € ou 10 € par habitant) en leur faveur, et d’autre part instauré une garantie de dotation sur la base de la dernière année de référence où cette garantie était jusqu’alors assurée.
Le projet de loi de fin de gestion pour 2023 a porté la DTS (Dotation Titres Sécurisés) à 100 M€. Ce montant est reconduit en PLF 2024 avec pour objectif de faire passer les délais d’obtention de titres de 66 jours à 20 jours.
Par ailleurs, le PLF 2024 prévoit une réforme globale de la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et pour la valorisation des aménités rurales qui sera désormais dotée de 100 M€ contre 41,6 M€ et qui sera destinée à toutes les communes rurales dont une partie significative du territoire comprend une aire protégée ou jouxte une aire marine protégée. C’est la poursuite et l’amplification d’une orientation souhaitée et souhaitable, qui pourra demain encore mieux valoriser l’apport des communes aux enjeux de la transition écologique.
Le maintien pour 2024 du fonds de soutien au développement des activités périscolaires a été acté, de même que la prolongation en 2024 de la neutralisation intégrale des modifications apportées en loi de finances pour 2022 à l’effort fiscal des communes dans l’attente d’une réforme plus large, ainsi qu’un renforcement des moyens en faveur du bloc communal qui porte les maisons France services (forfait annuel porté pour 2024 à 40 000€ pour chaque MFS, à parité entre l’Etat et les opérateurs).
Les réponses en faveur des Départements restent trop limitées et ne peuvent qu’être temporaires. L’augmentation du plafon-nement du second prélèvement du fonds national de péréquation des DMTO de 12 % à 15 % du produit de ces impôts perçus par chaque département a été pris en compte, ainsi que la création d’une dotation exceptionnelle, hélas limitée à 53 M€, en faveur des départements confrontés à une forte dégradation de leur situation financière.
La hausse des crédits dédiés au soutien de l’Etat à la prise en charge des MNA pour porter cette enveloppe à 100 M€ est très loin de répondre aux enjeux, de même que l’abondement au titre du PLFSS 2024 de 150 M€ des concours versés aux Départements par la CNSA visant à réduire le reste à charge du financement de l’APA, dans l’attente d’une réforme plus large de ces concours annoncée pour 2025.
Avec le début des travaux relatifs à la réforme de la DGF, la construction de réponses pérennes pour les Départements seront les priorités des travaux à conduire en 2024 au niveau du CFL. Ainsi nous devons, dans le collectif et à partir de diagnostics clairs et partagés, « réouvrir » des possibles, nous en avons tant besoin.