Et si le travail d’un marketeur territorial ne s’achevait pas au moment où de nouveaux venus débarquent ? Et s’il commençait, au contraire, justement à cet instant, histoire de démontrer que l’expérience qui va venir sera conforme aux argumentaires déployés ? Et s’il convenait de tenter d’enraciner les nouveaux venus après les avoir attirés, voire les habitants aussi ? Et si, après « l’attractivité », il convenait maintenant de viser « l’attachement » ?
Au commencement était la compétitivité. Et puis, au fil du temps, premier changement de paradigme, on est passé de la « compétitivité » à « l’attractivité ». Mais avec toujours un seul objectif, faire venir. Entendre : attirer des « richesses », matérielles ou immatérielles, dont les territoires estiment avoir besoin et qu’ils souhaitent mettre au service de toutes leurs composantes.
De leur côté, certains territoires ont constaté des départs. Alors, ils ont ajouté un deuxième objectif, faire rester. Cette fois, il était surtout question de retenir.
Pour d’autres encore, et peut-être les confinements des années 20 ont-ils précipité les choses, il est apparu qu’il existait une cible qui avait moins besoin d’être convaincue que d’autres : les anciens du territoire partis faire leur vie ou leur carrière ailleurs, mais qui avaient envie de revenir. On s’est fixé ainsi un troisième objectif : faire revenir.
Mais, pour toutes ces cibles, il est sans doute temps de prendre conscience qu’un quatrième objectif doit être dorénavant suivi : faire s’attacher.
En effet, c’est certainement la qualité de l’expé-rience réelle vécue qui va être décisive pour enraciner durablement habitants, nouveaux venus ou nouveaux revenus. Pour le dire très simplement, la question est maintenant de savoir comment faire en sorte que l’on se sente bien, que l’on se sente « chez soi » ? En somme que l’on soit heureux et que l’on ait envie de se poser, de s’attacher. C’est, à mes yeux, un deuxième changement de paradigme indispensable.
Alors, comment proposer des expériences de vie qui vont fidéliser sur le long terme ? Et s’il fallait regarder à la fois du côté de l’immatériel et à la fois du côté des habitants et de leurs propres initiatives ?
En décembre 2023, le collectif La Fabrique Spinoza a publié l’étude « Territoires heureux : approches et pratiques pour des territoires et des modes de vie heureux ». Pour faire très court, je vais juste reprendre quelques mots : «[La crise sanitaire] a renforcé des tendances en cours comme la quête de sens, de nature, de liens, ou de modes de vie réinventés. Les territoires peuvent y répondre de multiples manières, via des atouts autant immatériels que matériels, au point de façonner une Expérience de Territoire.
Ils peuvent tout d’abord combler une partie du vide existentiel, en nourrissant un besoin d’appartenance, et d’identité. […] Ensuite, le besoin de liens exacerbé par la crise sanitaire trouve une réponse sur les territoires. Ils foisonnent pour les créer. Ils émanent parfois du folklore […], d’événements […], de l’accueil des nouveaux arrivants […] ou résultent de l’histoire […] »
Ainsi, l’objectif de l’attractivité des territoires doit donc maintenant s’orienter résolument vers l’attachement et s’appuyer sur ce qui, en fait, est certainement le terreau le plus fertile, les habitants eux-mêmes, les valeurs qu’ils incarnent et leur multiples initiatives.
C’est donc reconnaître que, définitivement, la puissance d’attraction d’un territoire ne doit pas s’estimer seulement au travers du prisme des discours publics promotionnels, aussi professionnels soient-ils.
Elle doit s’estimer aussi à la hauteur des femmes et des hommes qui formeront, peut-être plus qu’ailleurs, une communauté active, ouverte, qui ne considérera pas l’autre comme une menace, mais bien comme une opportunité.
Une communauté qui va réellement incarner un « vivre ensemble » séduisant et attachant, qui va développer l’hospitalité plus que l’accueil, comme le sentiment d’appartenance, des liens sociaux et qui favorisera des opportunités, pour chacun, de trouver sur le territoire en question sa raison d’être et le sentiment de se sentir, enfin, à sa place.