« Je suis et resterai un homme de terrain, avec des valeurs, des convictions et des ambitions, attaché à mes terres natales … »
Natif de Paray-le-Monial dont vous êtes 1er adjoint et conseiller départemental depuis 2004, vous êtes de ces élus locaux viscéralement attachés à leur terre. Pouvez-vous nous résumer votre parcours et les lignes directrices qui y ont présidé ?
Je me suis pris de passion très tôt pour la politique et les débats. Et j’ai trouvé mon modèle dans le Docteur Marcel Alain Drapier, pour ses valeurs, ses convictions, ses ambitions territoriales. Comme lui, j’ai fait mes premiers pas à la mairie de Paray-le-Monial et comme lui, j’ai été élu conseiller général… je lui ai même succédé en 2004 lorsqu’il a souhaité arrêter ce mandat. Il a été mon père en politique.
Comme lui, j’ai appris à voir le meilleur chez chacun avec mon activité professionnelle et à privilégier les compétences pour l’action. J’ai appris à m’appuyer sur tous ceux qui m’entourent pour l’intérêt général, pour nos communes, pour notre département en faisant fi de la politique politicienne. Cette vision de la politique, c’est ce qui me guide depuis mes débuts.
J’ai toujours été admiratif de Pompidou, De Gaulle, puis plus tard, des hommes comme Philippe Seguin, gaulliste social, visionnaire attaché à la démocratie et à l’identité de la France.
C’est sans doute ce qui a fait ma capacité à écouter, voir, réfléchir, anticiper, évaluer, innover avant d’agir. Agir en équipe, dans la diversité des élus qui m’entourent et qui au fil du temps, ont trouvé leur place.
Je suis pleinement convaincu que c’est en mélangeant nos points de vue, en prenant les bonnes idées des uns et des autres, en partageant les tâches, que tout cela est réalisable, au quotidien et dans l’urgence.
Je suis et resterai un homme de terrain, avec des valeurs, des convictions et des ambitions, attaché à mes terres natales, avec cette même envie de rassembler, de faire pour les autres, avec ce bon sens et cette simplicité qui me caractérisent.
Vous avez récemment présenté vos vœux avec le Préfet de Saône-et-Loire, en insistant notamment sur le rôle du Département en matière de solidarités. A l’heure où les finances des Départements sont de plus en plus contraintes, avez-vous encore les moyens de vos ambitions en matière de solidarités, et tout particulièrement de protection des aînés ?
Comme je l’ai dit lors de mes vœux, le contexte international pesant ces trois dernières années a et aura indéniablement des répercussions.
D’abord sur notre pays, et plus largement sur la vie des Français, avec un pouvoir d’achat fortement dégradé et une inflation qui n’a cessé de crever les plafonds. Et ensuite sur les collectivités locales : l’inflation ; l’incertitude sur les marchés ; l’augmentation des dépenses dans de nombreux domaines altérant nos budgets et nos marges de manœuvre.
Un contexte qui offre deux solutions : celle du fatalisme, du renoncement, qui consiste à subir les événements et attendre. Ou celle du volontarisme, de l’action qui nous permet de continuer d’être aux manettes avec le souci constant de répondre, en proximité, aux attentes de nos concitoyens dans leur quotidien. C’est bien évidemment la deuxième qui a tout primé et qui guidera encore l’action du Département cette année.
En ce qui concerne les solidarités, vaste compétence, et plus particulièrement la protection des aînés, pour l’instant oui nous faisons le nécessaire pour dégager des marges de manœuvre et nous donner les moyens de répondre à leurs besoins. Les défis sont nombreux, que ce soit pour le maintien à domicile comme pour l’hébergement en Ehpad. Nous devons faire face au problème du recrutement qui vaut pour les deux.
Pour le maintien à domicile, c’est une politique que nous conduisons depuis 2015 avec un soutien permanent aux services d’accompagnement et d’aide à domicile : achat de véhicules, dotation de kits de transfert et formations pour les salariés, valorisation des métiers etc. Pour les Ehpad aujourd’hui en grande difficulté financière, nous votons régulièrement des aides financières exceptionnelles.
Malgré nos efforts soutenus – nous faisons partie des cinq départements en France disposant de l’indice d’évolution des dépenses consacrées aux personnes âgées le plus élevé sur la période 2015-2020 – nous avons décidé de soutenir directement les aînés et leurs familles face à l’augmentation des tarifs de ces hébergements, et donc du reste à charge du prix de journée en hausse, contrairement à celui des pensions de retraite ! Je ne peux me résoudre à accepter que des personnes qui ont travaillé toute leur vie se trouvent dans une précarité brutale, au moment même où leur situation de vie les rend vulnérables et fragiles.
C’est pourquoi j’ai décidé d’instaurer un bouclier tarifaire pour l’année 2024, qui consiste, pour le Département, à prendre en charge le tiers de l’augmentation des tarifs des 6 073 places pour lesquelles il est l’au-torité de tarification. Cela représente près de 2,5 millions d’euros pour notre collectivité, un engagement fort qui, je l’espère, permettra aux familles concernées de faire face à une situation qui devient intenable.
La Saône-et-Loire reçoit cette année le Congrès National des Sapeurs-pompiers, un événement majeur pour lequel vous êtes tout particulièrement impliqué en tant que président de la commission SDIS au sein de l’Assemblée des Départements. Pouvez-vous nous en dire plus ?
J’ai toujours eu les yeux qui brillent devant les camions de pompiers depuis mon plus jeune âge, alors c’est une vraie fierté de pouvoir agir pleinement aujourd’hui à l’échelle départementale et au niveau national pour ces femmes et ces hommes engagés pour nous au quotidien.
Recevoir cette année à Mâcon ce grand congrès profes-sionnel, le deuxième après le salon international de l’agriculture à Mâcon, c’est une belle reconnaissance pour le SDIS71 et plus largement une grande fierté pour la Saône-et-Loire. Du 25 au 28 sep-tembre, plusieurs dizaines de milliers de visiteurs, 2500 congres-sistes et 350 exposants sont attendus au parc des Expos Le Spot mais aussi en centre-ville où l’animation sera conséquente.
Conférences, expositions de matériels, innovations, assemblées générales de la Fédération, de l’œuvre des pupilles, ateliers, débats et autres commissions de l’Assemblée des Départements ou rencontre entre présidents des conseils d’administration des Sdis de France… Côté professionnel, le programme s’annonce dense.
A l’heure où les enjeux sont énormes avec le défi du changement climatique, face aux risques émergents que sont les feux de forêts, les incendies, les intempéries de plus en plus violentes, les équipements, les formations, les matériels évoluent de manière très significative pour plus de performance.
C’est un sujet sur lequel j’ai beaucoup planché lors de la première mission flash que j’ai co-pilotée avec mon homologue de Gironde, Jean-Luc Gleyze, l’an passé. Et qui nécessite des évolutions que l’on retrouve sur ce congrès, tant au niveau des démonstrations que lors des réunions.
Et parce que ce congrès, c’est aussi l’occasion d’une belle promotion de notre département, il sera donc un événement festif et convivial pour toute la population avec des concerts, défis sportifs, village grand public, animations et démonstrations, rendez-vous gourmands, avec des productions locales, nos savoir-faire, notre patrimoine… qui font la notoriété de la Saône-et-Loire.
Plus de 1000 bénévoles s’affairent depuis plusieurs mois, tant pour l’organisation que la communication autour de ce Congrès national des sapeurs-pompiers de France, détaillé sur un site dédié : https://congres2024.pompiers.fr/
« Nous jouons un rôle fédérateur avec les collectivités locales mais aussi avec les acteurs du département, notamment touristiques, qui forment nos ambassadeurs »
Congrès national des sapeurs-pompiers, donc, mais aussi Jeux Olympiques, Tour de France, et de nombreux rendez-vous culturels à venir tout au long de l’année… Diriez-vous que la Saône-et-Loire est un département attractif ?
De mon point de vue, bien évidemment ! En tout cas, nous mettons tout en œuvre pour qu’il le soit ! Et les derniers chiffres quant à la fréquentation touristique, en témoignent puisque supérieurs à la moyenne nationale. Le Département fait de l’attractivité un défi majeur, et encore plus en 2024 car elle est un enjeu démographique.
Pour cela, nous maintenons un fort taux d’investissement qui bénéficie partiellement aux communes et intercommunalités puisque nous subventionnons chaque année leurs projets pour entretenir, moderniser, innover, et faire de chaque parcelle de notre département un lieu où il fait bon vivre, passer, s’installer. Nous jouons un rôle fédérateur avec les collectivités locales mais aussi avec les acteurs du département, sur le plan touristiques, qui forment nos ambassadeurs.
Pour plus de visibilité, nous misons sur la communication et sur un accès pratico-pratique à tout ce qui est à découvrir en Saône-et-Loire, grâce à la mission tourisme et à l’appli Route71 téléchargeable sur tous les téléphones.
« Je suis convaincu que c’est ensemble, en mobilisant les énergies de chacun, en impliquant le plus largement, en fédérant, que nous pouvons lutter contre ce fléau du désert médical. »
Nous accompagnons aussi tout le tissu associatif qui joue un rôle majeur dans le dynamisme de notre département en créant du lien et en apportant un soutien via notre service départemental Asso71.
En parallèle, nous impulsons des rendez-vous majeurs autour du sport et de la culture. Nous allons en effet accueillir le Tour de France à Mâcon, ville départ, et fédérer des animations dans les 36 com-munes de Saône-et-Loire qui seront traversées.
Côté culture, nous organiserons la deuxième édition des Etoiles au Château de Digoine, avec la participation des danseurs étoiles de l’Opéra de Paris à Palinges. Je peux également citer la diffusion de La Carte aux trésors qui a été tournée l’an passé chez nous ; l’Euro 2024 de football, avec notre ambassadeur Antoine Griezmann ou les Jeux Olympiques et notre label Terre de jeux 2024 qui promet de grandes heures partout en Saône-et-Loire…
N’oublions pas les animations culturelles dans nos sites départementaux : l’Écomusée de la Bresse Bourguignonne à Pierre-de-Bresse ; le Centre Eden à Cuisery ; le musée du Compagnonnage à Romanèche-Thorins ; les Archives départementales à Mâcon ; le Lab71 à Dompierre-les-Ormes ; la Maison du Charolais à Charolles ; le Grand Site de France Solutré Pouilly Vergisson ; les Grottes d’Azé.
Et dans les sites départementaux préservés, les espaces naturels sensibles à la Lande de Nancelle à La Roche-Vineuse ; au Grand étang de Pontoux près de Verdun-sur-le-Doubs ; au Marais de Montceaux-l’Etoile ; au Marais de Massilly ; à l’Etang du Pont du roi à Saint-Emiland ou dans la forêt d’Azé, « Sur le toit des grottes ».
Le Journal des Département organise en juin prochain les Assises nationales « Déserts médicaux et accès aux soins ». Quelles solutions la Saône-et-Loire a-t-elle mise en place pour attirer internes et médecins, bâtir une offre de santé équilibrée, et quels en sont les résultats ?
Les actions sont nombreuses en Saône-et-Loire et pour certaines, existent de longue date. Au Département, nous nous sommes emparés de la santé dès mon premier mandat en 2015, en nous appuyant d’abord sur le dispositif Installe1médecin.com qui existait à mon arrivée mais je me suis vite aperçu qu’il ne répondait pas à l’ampleur du problème.
C’est pour cela que j’ai créé le premier centre départemental de santé. J’ai toujours insisté sur la nécessité de complémentarité d’exercice entre le libéral, le salariat, l’hospitalier, et sur l’importance de diversifier les actions. Nous disposons d’une série d’aides à l’installation, pour les étudiants, de soutien aux communes pour bâtir des maisons de santé. En proposant aux généralistes d’être salariés du Département, nous avons permis de remplir bon nombre de ces structures qui restaient désespérément vides.
Un travail de longue haleine avec les élus locaux, un parte-nariat où tout le monde trouve son compte pour mailler la Saône-et-Loire et permettre que tout le monde puisse avoir accès aux soins à moins de 15 minutes de son domicile grâce à 33 lieux de consultations. 35 000 Saône-et-Loiriens ont retrouvé un médecin traitant depuis sa création. Tout n’est pas parfait mais nous avons réussi à recruter 64 médecins généralistes, 10 spécialistes et 13 in-firmiers Asalée ou en pratiques avancées. C’est 520 000 con-sultations qui ont pu être réalisées en 6 ans.
Aujourd’hui, nous poursuivons le recrutement des médecins, les partenariats aussi avec des grands centres hospitaliers, des centres hospitaliers universitaires, des facultés de médecine ; nous développons le mentorat, l’exercice coordonné, la télémédecine ; encourageons la pluridisciplinarité. En parallèle, nous travaillons avec les principaux concernés sur la rénovation du dispositif Installe1médecin.com afin de donner un nouveau souffle à ces aides, et notamment pour inciter les jeunes à tenter l’aventure en Saône-et-Loire.
Nous avons par ailleurs fait le choix d’investir dans l’association de recherche médicale en Saône-et-Loire, une fois encore, pour attirer des professionnels avec des matériels innovants.
Je suis convaincu que c’est ensemble, en mobilisant les énergies de chacun, en impliquant le plus largement, en fédérant, que nous pouvons lutter contre ce fléau du désert médical.
Nous l’avons démontré avec le centre départemental de santé, aujourd’hui reconnu comme une solution complémentaire dans l’offre de soins, y compris en milieu rural.
La France a un nouveau premier ministre depuis quelques semaines. En tant que président de département, quel message et quels actes attendez-vous de la part du nouveau gouvernement à destination des collectivités et des élus locaux ?
Départementaliste convaincu, je partage totalement l’avis du président des Départements de France, François Sauvadet, sur le fait que les Départements sont une chance pour la France.
Les Départements ont une place particulière dans le paysage institutionnel de notre pays : ils sont la plus vieille collectivité de notre organisation institutionnelle et incarnent la modernité avec un mode de scrutin qui allie suffrage universel direct, respect de la parité, et proximité avec des cantons à taille humaine. Ils sont aussi, grâce à des élus et des agents de terrain, un savoir-faire, une expertise, un professionnalisme reconnu par nos partenaires et nos concitoyens.
Les Départements constituent un maillon essentiel de l’action publique. Néanmoins, renforcer le rôle de cette collectivité me paraît essentiel, sur 3 points :
– la cohérence ;
– la stabilité financière ;
– l’innovation.
La cohérence : comprendre qui fait quoi, qui est responsable de quoi et qui doit rendre des comptes, en particulier dans des domaines de compétences assez proches, mais où pourtant les interlocuteurs sont différents, l’administration française reste floue et complexe pour la majorité des citoyens.
Pour être efficace, il faut faire preuve de bon sens et de simplicité.
La stabilité financière : les Départements sont trop souvent confrontés aux changements concernant leurs recettes, étant parfois considérés comme la variable d’ajustement de la politique fiscale de notre pays. Nous accusons ces dernières années une réduction de notre autonomie fiscale et demeurons soumis à une forte pression financière du fait de dépenses sociales en hausse constante et des dépenses supplémentaires imposées par l’État.
La vocation d’une collectivité n’est pas de disposer de dotations mais de pouvoir bénéficier d’un pouvoir d’initiative qui soit stable dans le temps afin d’avoir une visibilité pour son action.
Il est nécessaire de redéfinir la fiscalité locale pour garantir leur autonomie aux Départements et d’imposer l’obligation de la compensation financière intégrale pour tout ce qui est proposé par l’État.
L’innovation : c’est l’expérimentation, c’est permettre de s’adapter aux réalités de terrain qui sont loin d’être les mêmes partout. Rien qu’en Saône-et-Loire, les disparités, les attentes et les besoins diffèrent. C’est aussi répondre au plus près aux préoccupations de nos concitoyens.
Le message au nouveau gouvernement est simple : qu’il fasse confiance aux départements, aux intercommunalités, aux communes, aux élus locaux qui sont sur le terrain. Qu’il redonne aux strates de proximité les moyens d’agir au plus près des concitoyens, au plus près des réalités.