La violence des jeunes occupe l’actualité quotidienne en alimentant un discours globalement catastrophiste sur le rajeunissement et la violence des mineurs délinquants notamment issus des quartiers populaires.
Ces discours sont fortement relayés par certains médias qui n’hésitent pas à verser dans le sensationnalisme en développant le moindre fait divers.
L’affirmation que les délinquants sont de plus en plus jeunes et violents remonte au 19éme siècle, à l’invention de la violence. Suivant ce postulat, si les délinquants rajeunissaient continuellement, on s’attendrait bientôt à ce que les nourrissons braquent les banques !
Regardons la situation des émeutes du mois de juin 2023 suite au décès du jeune Nahel abattu par un policier. Alors, qu’on nous a répété que les émeutiers étaient principalement des mineurs, la réalité était que sur 4000 émeutiers seulement 1/3 étaient des mineurs. Ce qui est certes déjà trop !
Il est important de noter qu’autour des bandes gravitent des jeunes qui n’en font pas partie, mais les côtoient.
Partout dans les médias, dans les discours et les réseaux sociaux, on parle « d’ensauvagement de la Société » terme employé par le Ministre de l’intérieur devant l’Assemblée le 23 juillet 2023.
L’exemple de Thomas tué lors d’une fête de village dans la Drôme en est une illustration !
Les médias proclament des crimes racistes démentis immédiatement par le Procureur de la République. Cela démontre comment parfois on livre des informations sans se préoccuper de la véracité des faits.
Selon Laurent MUCCHIELLI, Directeur de recherche au CNRS, sur les 20 dernières années l’activité des institutions en charge de jeunes montre des hausses des violences juvéniles. Une autre étude sur la population générale (qui interroge anonymement des échantillons de jeunes) indique une stagnation, voire une baisse.
VIOLENCES DES BANDES
Si la violence des jeunes a peu évolué, celle des bandes de jeunes n‘est plus la même. Selon Thomas SAUVADET, enseignant chercheur « les bandes de jeunes dans les 1200 quartiers de la politique de la ville (QPV) comptent 10% de garçons.
Une centaine par quartier se différencient par leur appropriation illégale de l’espace. Ils sont « chez eux » dans la rue avec un fort sentiment de propriété et de légitimité.
Aujourd’hui, dans l’Ouest Parisien où dans les petits villages, des adolescents imitent le style des bandes de jeunes des quartiers (style vestimentaire, codes argotiques, trafics, pratiques artistiques…).
Toute cette jeunesse est sous influence de cette minorité active qui participe à des phénomènes médiatiques.
Quelles plaintes des habitants de ces territoires défavorisés ?
En plus de leurs difficultés sociales et économiques, ils déplorent la dégradation de leurs logements, la saleté de l’espace résidentiel, les rassemblements dans les halls d’immeuble, les bruits des 2 roues où des voitures, l’impolitesse où les conflits de voisinage, etc.…
Dans ces quartiers, la précarisation du marché du travail a réduit les opportunités, alors même que le développement de la Société a accru les attentes communautaristes et qu’une brusque démocratisation du « luxe » participe à l’aliénation des jeunes et des bandes en particulier.
La frustration crée l’agressivité, alimentée par la professionnalisation des trafics et du grand banditisme tout droit sorti des quartiers qui n’avait jamais atteint un tel niveau d’organisation criminelle, autour desquelles des bandes d’adolescents gravitent, s’y intègrent.
Les premières victimes restent les habitants des quartiers populaires.
L’école est elle aussi touchée avec les agressions de professeurs.
Les évènements récents concernent souvent des élèves en mal de repères qui vivent cette situation comme une violence.
Cette dégradation de l’école s’incrémente d’un manque criant de personnel d’encadrement : manque d’infirmières scolaires (7700 pour 60000 établissements), de psychologues et parfois un CPE pour 800 élèves.
Enfin, rappelons que les premières victimes des actes de violences commis par des mineurs sont d’autres mineurs pour 4 faits sur 5. La Société est en train de fabriquer des générations de plus en plus perdues. L’urgence est de mettre en place un plan d’égalité à l’école.
LA PROXIMITÉ : UN DES MOYENS NÉCESSAIRE !
Depuis que la sécurité est devenue un enjeu politique, il existe une « philosophie des chiffres très dommageable » dixit un syndicaliste policier. Faire des interpellations, résoudre des affaires, verser dans la répression plutôt que dans la prévention … on est passé du gardien de la paix… aux forces de l’ordre !
Sur le terrain cela se traduit par des « délits de faciès », de la colère et à son pire, niveau des bavures.
Le répressif n’est pas inefficace, car l’humain apprend aussi par les sanctions. Mais il faut, comme le soulignait Jean Pierre CHEVENEMENT, à la fois une police préventive, dissuasive, répressive.
Nous avons vécu une période d’accalmie avec la police de proximité installée par Lionel JOSPIN en 1998.
Les agents se promenaient à pieds et distribuaient leurs cartes de visites pour que les habitants puissent les contacter. Ces ilotiers répondaient à leurs attentes et aux sentiment de sécurité.
Si l’institution policière était moins associée à des événements négatifs, nous commencerions surement à observer de meilleures relations entre les jeunes et la police.
Pour établir la confiance il faut instaurer une force de police proche de la communauté et des acteurs associatifs et économiques.
Il est essentiel de tenir compte des relations des jeunes avec les espaces et développer de nouvelles méthodes pour faire accepter la présence de représentants des forces de police.
Elle organisait par exemple des matchs de football avec les jeunes. Cette expérience s’est terminée en 2003, quand le Ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy a déclaré « la police n’est pas là pour organiser des matchs de football dans les quartiers, mais pour arrêter les délinquants ».
Dans les interlocuteurs de proximité importants se trouvent les éducateurs de rues.
En première ligne pour gérer la crise depuis 2023, ils jouent un rôle crucial dans la gestion des tensions et la prévention de la marginalisation des jeunes.
Sur le terrain, ils travaillent tard le soir dans les quartiers sensibles où la violence n’est jamais loin.
Ils agissent avec et sur les jeunes, aident à contrôler leurs envies, à temporiser leurs émotions vives, à calmer les tensions. Ils réintroduisent l’apprentissage des règles sociales, favorisent la rupture avec les habitudes comportementales inadaptées, lèvent les obstacles à l’insertion.
Paradoxe, la police les assimile à « des complices » et les institutions attendent qu’ils « fassent la police » trahissant la relation de confiance qu’ils ont instaurée avec les jeunes, au risque de perdre toute crédibilité dans le travail qu’ils mènent dans les quartiers. Notons que l’on cesse d’ouvrir des commissariats et parallèlement on supprime les clubs de prévention spécialisée dans 18 Départements.
Enfin, je suis convaincu que la disparition des métiers de proximité qu’étaient les gardiens, les pions … favorise l’incivilité que le relationnel qu’ils créaient suffisait à prévenir.
En conclusion pour lutter contre les violences il faut une volonté politique forte pour protéger toutes les victimes, faire respecter le droit de vivre en sécurité.
Il faut des lois, des politiques publiques qui protègent les enfants, changent les normes sociales et luttent contre la violence et les discriminations, en aidant les jeunes à gérer les risques et à obtenir du soutien en cas de violence.