Notre pays est une grande puissance, forte notamment de ses politiques de solidarités qui sont l’un des ingrédients fondamentaux du ciment républicain. Face aux crises internationales, aux évolutions de notre population – telles que le vieillissement –, face au défi des transitions notamment écologiques qui vont peser plus fortement sur certaines catégories que d’autres, ce ciment ne cesse de nous abriter, de nous tenir ensemble, mais aussi de garantir notre développement.
Les solidarités constituent moins une dépense qu’un investissement, pour maintenir notre pays sur le chemin du progrès, dans tous les domaines.
Ces solidarités, ce sont concrètement des mécanismes de redistribution, des normes protectrices, mais ce sont avant tout une force incarnée. Des centaines de milliers de travailleurs et surtout de travailleuses sociales, des différents métiers, des différents secteurs, qui sont chaque jour les visages de l’accueil, de l’écoute, de l’ouverture des droits, du soin et de l’accompagnement, et, plus généralement, du prendre soin dans nos moments de vulnérabilité. Ces moments qui peuvent concerner chacun d’entre nous directement, ou au sein de notre cercle familial et intime, dans nos désormais longs parcours de vie.
Aujourd’hui, cette première ligne de notre système de solidarité, cette fabrique permanente de lien social est dans une situation de rupture grave.
Depuis dix ans, les diagnostics sur la situation du travail social se sont multipliés, toujours plus alarmistes. Jamais dans leur histoire les secteurs social, médico-social, sanitaire et du lien social n’ont connu pareille crise d’attractivité, se traduisant par des difficultés majeures de recrutement et une baisse d’intérêt significative des jeunes générations qui se détournent des écoles de formation.
L’actualité et les rapports qui se succèdent donnent un écho visible mais sectoriel à cette crise : ici les Ehpad qui souffrent du manque de personnel pour assurer une prise en charge minimale de qualité à nos parents. Là le rapport accablant sur les crèches où des situations de maltraitance, par manque de personnel, sont avérées. Ici encore, les acteurs de la protection de l’enfance qui réclament un plan Marshall. Et ceux du handicap qui ne sont pas assez nombreux pour pouvoir proposer un accompagnement à toutes celles et ceux en attente d’une structure spécialisée près de chez eux.
Les études des têtes de réseaux parlent de 50 000 postes vacants dans les métiers du social, du médico-social et du soin, ou encore de 10 % des postes vacants de manière pérenne en protection de l’enfance. Ces postes vacants, ce sont autant de pertes de chance pour les personnes concernées de sortir de la pauvreté, de la maladie, de l’exclusion, de la vulnérabilité.
Un effort considérable doit enfin être porté pour la reconnaissance matérielle réelle de ces professions, pour signifier le tribut de la Nation à ces tisserands du quotidien, mais surtout pour rendre les métiers et les carrières du travail social attractifs et faire venir les talents nécessaires.
Sans action en direction de ces métiers, nous sommes condamnés à l’effondrement de toute possibilité d’améliorer nos politiques sociales. Quelle réalité par exemple à la volonté d’un meilleur accompagnement des personnes en insertion vers l’emploi sans travailleurs sociaux nombreux et formés, et disposant de financements nécessaires pour soutenir leurs actions ?
Au-delà de cette réponse d’urgence par la revalorisation des métiers, nous pensons que le travail social au sens large peut être un puissant vecteur de transformation durable de notre société : organiser une transition écologique et solidaire pour tous, œuvrer à l’égalité femme-homme.
Pour soutenir les professionnels du travail social dans ce rôle, il faut redonner à ces métiers des marges d’autonomie d’action, de confiance et d’innovation qui placent les travailleurs sociaux en position de faire ce à quoi ils aspirent avec la plus grande force : porter leur pleine attention aux personnes accompagnées, en ayant le temps d’élaborer avec elles, leur projet de vie et d’autonomie qui fonde pour tous le sens et la dignité de l’existence.
Il y a urgence à impulser un nouvel élan collectif que seul l’engagement conséquent et dans la durée des pouvoirs publics peut permettre afin de redonner dans notre société la valeur qu’ils méritent aux métiers sociaux, médico-sociaux et sanitaires, comme à ceux de l’intervention sociale et aux professionnels qui les exercent.
Signataires :
– Pascal Brice, Président de la FAS ;
– Jean-Luc Gleyze, Président du Conseil départemental de la Gironde ;
– Daniel Goldberg, Président de l’Uniopss ;
– Marcel Jaeger, Président de l’Unaforis ;
– Mathieu Klein, Maire de Nancy et Président de la Métropole du Grand Nancy ;
– Marylise Léon, Secrétaire Générale de la CFDT ;
– Alain Raoul, Président de Nexem.