Avertissement : ce texte va contenir des propos qui risquent de heurter des convictions ! En effet, alors que la mission naturelle d’un élu est, semble-t-il, de faire en sorte d’être au service de toute une population, je vais évoquer ici le fait que, lorsqu’il s’agit de marketing territorial, l’objectif n’est plus l’unanimité, mais l’adaptation à une seule cible.
Pour le dire clairement, sur les questions d’attractivité, l’enjeu est d’abord de trouver quelles sont les cibles qu’un territoire doit avoir en tête, non pas pour répondre à ses propres désirs – ses propres fantasmes parfois – mais bien pour créer du lien, diffuser de l’information et assurer sa promotion uniquement vers celles et ceux qui seraient, à priori, les plus enclins à entendre et à apprécier les discours de ce territoire.
En somme, celles et ceux qui sont « faits » pour le dit territoire.
Et cela suppose des renoncements qui pourront sembler douloureux car, non, tous les territoires ne peuvent pas être tentants pour tout le monde ! Pourtant, admettre que son territoire possède des caractéristiques, des atouts et donc des arguments qui, peut-être, ne parlent qu’à certains, est un grand pas vers la réussite d’une démarche. Et c’est aussi un rappel d’une évidence dans le domaine du marketing qui, décidément, répond à des principes plus larges que ceux du domaine de la seule communication.
Car, si nous revenons à un peu de théorie, on va noter que nombres de définition évoquent le fait que le marketing « détermine les marchés cibles que l’entreprise est la mieux placée pour servir » (Philip Kotler). Principe limpide : on ne se lance que si on a les moyens de gagner, en fonction de ce que l’on est, et en fonction de l’adéquation pertinente entre ses aménités et des cibles qui y seront plus sensibles que d’autres.
Dans Les 22 lois du marketing (Dunod), les deux auteurs, Al Ries et Jack Trout, évoquent en particulier la « loi de l’esprit » ou « ce qui compte, c’est d’être le premier dans l’esprit des clients ». Entendre : être non pas le premier à proposer quelque chose, mais être le premier dans l’échelle de valeur et de perception de vos cibles.
Sous-entendu, le choix d’une cible peut donc, doit donc, être intimement lié à l’analyse préalable de cette perception. L’ensemble étant renforcé par cette autre loi, « le marketing n’est pas une bataille de produits, mais de perceptions ». De tout cela va en découler une troisième, celle « de l’échelle » : « vous devez adapter votre stratégie à la position que vous occupez sur l’échelle mentale de vos cibles ».
Vous l’avez compris, qu’il s’agisse d’attraction résidentielle, touristique ou économique, pour ne citer que les principales, un territoire n’a de chance de mener une stratégie d’attractivité efficace que s’il choisit ses cibles en fonction à la fois de leur correspondance avec ses propres atouts, et en fonction de la perception qu’ont ces mêmes cibles de ce territoire.
Une autre loi du marketing paraît alors incontournable, celle du « sacrifice », ou « pour gagner, il faut se fixer des limites ». Les auteurs précisent « il faut résister à trois tentations : la multiplication des produits, l’extension de la cible et le renouvellement stratégique continu […] La loi du sacrifice pourrait aussi vous poser quelques problèmes. Offrir tout à tout le monde est un rêve que caressent la plupart des entreprises.
S’il vous reste le moindre doute là-dessus, allez vous promener dans les allées de n’importe quel supermarché. Vous y verrez proliférer les tailles, les parfums, les formes, les variantes … […] Et la cause du mal est douloureusement évidente : personne ne se résout à choisir une cible précise et à s’y tenir. ».
Le chanteur Renaud aimait à rappeler que « C’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme. Mais elle prend pas la femme qui préfère la campagne. ». Pour autant, Ries et Trout savent moduler leurs propos en précisant « ne confondons pas cible et marché.
La « cible » de votre campagne de pub, ce ne sont pas que les consommateurs qui achèteront effectivement votre produit ». Ne parler qu’à certaines cibles ne revient pas à dire que d’autres ne seront pas également sensibles à vos propos et au charme de votre territoire. Si Pepsi a longtemps ciblé uniquement les teen-agers, des personnes plus âgées (mais sans doute toujours un peu adolescents dans leur tête) ont quand même acheté ce soda. Et des seniors n’hésitent pas à s’habiller dans des magasins a priori pour « jeunes ».
Certainement parce que ces magasins ne promettent pas des vêtements adaptés aux « vieux », ce qui ferait sans doute fuir ces aînés, ainsi que les plus jeunes. Au contraire, ils permettent à ces « vieux » (dont je fais partie) de se croire encore plein d’avenir.
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