Cécile Delozier : J’ai envie de terminer l’année par une note positive. Même si je déplore un manque d’incarnation et donc de sincérité dans de nombreuses prises de parole, je me réjouis de voir une élévation de la qualité de certaines interventions orales grâce à un recours plus systématique à la formation en prise de parole en public.
LR : Racontez-nous: quelles prestations vous a semblé réussi en 2023 ?
CD : Celles des candidates à l’élection Miss France ! Le discours prononcé par chacune était très travaillé et bien interprété. Les interventions étaient construites et pleines d’humour. Même les oublis de texte étaient rattrapés avec souplesse et fraîcheur. Soucieux de moderniser l’exercice et de contrer l’image misogyne qui colle à ce concours, les organisateurs ont manifestement fait coacher les candidates et j’ai pu voir à quel point les jeunes femmes avaient travaillé.
Pour avoir l’habitude de pratiquer cet exercice du coaching de personnes dont la prise de parole n’est pas le métier, je peux vous assurer que le résultat obtenu dans la prestation finale est bluffant ! Ce qui me réjouit, c’est de voir qu’on ait choisi la prise de parole comme moyen de crédibilisation des individus. Le diplôme scolaire n’a pas joué comme unique élément de preuve.
Les candidates ont été particulièrement guidées dans l’affirmation de soi.
Le travail de direction d’acteur (l’acteur étant une miss) a été centré sur la singularité de la personnalité de la miss par le biais de jeux de mots ou de traits humoristiques sur la région, la profession ou le hobby de la candidate. Cette manière de se présenter me paraît être très pertinente. Aujourd’hui, au-delà de la profession, de la fonction… ou de la beauté plastique, le public veut connaître l’individu dans sa spécificité.
LR : Les élus n’échappent-ils pas à cette règle ?
CD : Pas du tout. Pour réussir sa présentation, un élu, doit aujourd’hui se plier à cette règle implicite qui est de lâcher des informations personnelles . Enumérer ses mandats ne suffit pas voire est contre productif dans le sens où on peut apparaître comme un politicien hors sol. Il faut mettre en valeur avant tout sa personnalité. Or certains y répugnent par pudeur.
L’enjeu est pourtant central car chaque citoyen qui vote pour celui qui va le représenter en lui donnant sa voix est en droit de connaître, de posséder des éléments biographiques sur celui-ci. Même si l’exercice peut paraître difficile , l’élu doit se saisir de cette opportunité pour consolider sa légitimité à exercer le pouvoir.
Il s’agit de puiser dans sa propre vie des éléments tangibles susceptibles de crédibiliser son engagement : « je suis mara-thonien, donc je ne lâcherai rien dans l’action publique ! » ; « j’ai crée une association, donc j’ai le sens de l’intérêt général » ; « Ma famille vit ici depuis 4 générations, donc j’ai ce territoire chevillé au corps ».
Si les miss doivent envoyer le message suivant : « je suis belle et je ne suis pas qu’une image », les élus doivent envoyer quant à eux ce message : « je suis élu (ou je veux l’être) et je veux servir l’intérêt général grâce à mes qualités et mon honnêteté ».
Cette communication n’est pas si difficile mais elle se prépare ! Identifier, sélectionner et mettre en scène les éléments de sa biographie fait partie des incontournables de la communication politique.
La présentation de soi est donc une chance pour crédibiliser et légitimer son ambition politique.