« Derrière le voile du détail normatif, c’est le principe de libre administration qui se trouve souvent questionné. »
Servir l’intérêt général n’est pas une charge, mais un privilège et une chance. C’est pourquoi, à l’instant où se termine mon mandat, après quinze années à exercer la présidence de la CEN d’abord, puis celle du CNEN, je tiens à exprimer ma gratitude à tous ceux qui ont contribué à cette œuvre commune. […]
Ensemble, nous avons créé un lieu irremplaçable de dialogue entre l’échelon central et l’échelon local de notre pays. Tous les textes s’appliquant aux collectivités territoriales y sont examinés, et la voie d’un consensus y est systématiquement recherchée.
C’est la qualité du droit qui semble aujourd’hui la plus en danger.
Fort de notre expérience, et au-delà des impacts financiers qui sont très insuffisamment maîtrisés, c’est la qualité du droit qui semble aujourd’hui la plus en danger. Elle est menacée par une attente constante placée en lui pour résoudre l’ensemble des problèmes de la société. Le flux incessant de textes noie les objectifs des politiques publiques dans un océan de détails. Ceux-ci sont supposés tout prévoir, tout régler, alors qu’ils dérivent le plus souvent vers un enfer d’inconvénients.
L’obsession de l’uniformité ignore et contrarie trop souvent la diversité des situations et des territoires. L’illusion de certitude et d’exactitude absolue, la prétention à connaître et à calculer d’avance ce que seule l’expérience du terrain peut révéler, conduisent parfois jusqu’à l’absurde.
Derrière le voile du détail normatif, c’est le principe de la libre administration qui se trouve souvent remis en question. Ce principe confère aux collectivités la liberté institutionnelle, la liberté fonctionnelle et la liberté financière. Il doit être affirmé et renforcé.
Ajoutons-y la liberté contractuelle qui permettrait de résoudre la diversité des compétences transférées ou partagées, leur articulation entre les acteurs et la possibilité pour chacun de « prendre des décisions pour des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à son échelon », selon la formule célèbre qui n’est malheureusement pas appliquée.
Aucune clarification législative des compétences ne produira de meilleurs effets que le consensus local. La crise liée au Covid-19 a révélé que des allègements normatifs étaient possibles, sans nuire à la sécurité de nos compatriotes, bien au contraire. Beaucoup de ces allègements auraient mérité d’être pérennisés. Ils pourraient d’ailleurs l’être encore aujourd’hui.
Une sage maîtrise normative, tant sur la quantité que la qualité, profiterait à chacun.
De nombreux politiques et juristes considèrent la complexité de notre droit comme une sorte de fatalité, condamnant à énoncer dans la loi. Chaque difficulté pour lui trouver une solution.
Il en résulte des lois contenant des articles toujours plus précis, des textes toujours plus longs, animés d’une folle ambition consistant à vouloir prévoir chaque situation et anticiper chaque éventualité. Cette méthode est vaine et sans chance.
Il ne s’agit pas ici d’un réquisitoire contre l’État central. Il s’agit d’une alerte sur une méthode qui pourrait, si elle était traitée de manière pragmatique, contribuer à réconcilier les collectivités territoriales avec l’État.
Elles savent qu’elles participent aux engagements européens de la France et qu’elles doivent contribuer dûment aux efforts de redressement du pays. Toutefois, elles demandent aussi à être entendues sur ce qui les ruine, sans pour autant enrichir l’État. Une sage maîtrise normative, tant sur la quantité que sur la qualité, profiterait à chacun.
Le secret de ce changement est connu : la confiance ! C’est donc le vœu ardent que je forme pour le CNEN afin qu’il continue de tisser cette confiance pour mettre en lumière, toujours avec attention, les relations entre les administrations publiques nationales et locales. Cela afin qu’ils puissent, ensemble, donner le meilleur d’eux-mêmes pour le service de la France et des Français.