Présidente du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône et de la Métropole Aix-Marseille-Provence, et 1 Vice-Présidente de Départements de France, Martine Vassal est une femme de tête et de convictions. Une énergie qu’elle puise dans son attachement viscéral à son territoire, dans un parcours personnel et politique riche, et dans la certitude que son département, le troisième de France, a un rôle de premier plan à jouer dans les défis de notre époque, à commencer par la protection de l’environnement.
Cheffe d’entreprise, Présidente de Conseil départemental puis de Métropole, votre parcours est pour le moins riche. Pourriez-vous nous en donner les principales étapes et les lignes directrices ?
Tout d’abord, il faut savoir que j’ai Marseille chevillée au corps. Mes grands-parents maternels s’y sont réfugiés après avoir fui le génocide arménien et mon père est originaire du quartier de Mazargues. Moi, j’y suis née le 29 mars 1962 et j’ai grandi en plein cœur du centre-ville. J’ai fréquenté le collège Anatole France puis le lycée Montgrand avant d’être diplômée de l’Ecole Supérieure de commerce. J’ai passé deux ans à l’étranger, puis, en 1987, j’ai pris la tête de l’entreprise de textile fondée par mon papa.
J’ai fait mon entrée en politique en 2001 après la fermeture de cette entreprise familiale, sur la liste municipale de Jean-Claude Gaudin dont je suis devenue l’adjointe, puis j’ai fait mes premiers pas en tant que conseillère générale l’année suivante. Poussée par la volonté d’aller encore plus loin et de m’investir sans relâche au service de mon territoire, je me suis lancée dans la campagne des élections départementales en 2015. Je les ai remportées, pour devenir la première femme Présidente du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône. J’ai également été élue Présidente de la Métropole Aix-Marseille-Provence en 2018, et suis toujours à la tête des deux institutions.
Depuis septembre 2021, j’ai l’immense honneur d’être également 1
Vice-Présidente des Départements de France aux côtés de François Sauvadet.
Vous avez lancé l’an dernier la 2 édition des États Généraux de Provence, une grande consultation citoyenne à l’échelle des Bouches-du-Rhône qui semble avoir rencontré un véritable succès. Que pouvez-vous nous en dire ?
Après le succès de la première édition des États Généraux de Provence en 2015, qui a permis au Département de réaliser 98 % des mesures proposées par les habitants, j’ai eu en effet à cœur de lancer cette 2 édition fin 2022. Lors de rencontres citoyennes dans les communes et en ligne via une plateforme participative, cette démarche innovante a permis une nouvelle fois de faire appel à l’intelligence collective pour bâtir l’avenir du territoire et de positionner le Département comme un acteur majeur des changements indispensables que nous devons opérer.
De la petite enfance au Bel Âge en passant par les personnes en situation de handicap, nous avons recueilli des centaines de propositions concrètes, notamment en faveur de la lutte contre la précarité des jeunes, de la citoyenneté, de l’emploi, de l’accès aux sports et aux loisirs ou du déploiement de services publics de proximité partout sur le territoire.
Mais c’est aussi et surtout la question environnementale, particulièrement d’actualité, qui a fait office de véritable fil rouge tout au long de cette consultation. Cette thématique, très transversale, impacte l’ensemble de nos compétences et guidera toutes nos politiques publiques.
Avec tout le professionnalisme qui les caractérise, les services du Département des Bouches-du-Rhône vont désormais pouvoir se mettre en ordre de marche et déployer toutes ces mesures dans les mois à venir.
Parmi vos modèles, vous citez Simone Veil, première Présidente du Parlement européen. Vous êtes vous-même la première femme présidente des Bouches-du-Rhône. En 2024, est-il toujours difficile d’être une femme à la tête d’un exécutif ? A fortiori de deux ?
Oui, je cite souvent Simone Veil, car elle est pour moi un véritable modèle. C’était une femme d’exception, avec une force de caractère hors du commun, qui incarnait parfaitement ce que doit être la politique : l’indépendance d’esprit, la liberté de parole, la détermination à défendre ses convictions, la volonté d’agir. Ce sont des valeurs qui m’animent depuis plus de 20 ans dans l’exercice de mes mandats.
Après, il est vrai qu’en occupant des fonctions d’une autre envergure depuis 2015, je suis davantage exposée aux médias et au grand public. Dans cet exercice, il est difficile d’échapper au regard et au sens critique des personnes que vous rencontrez, mais c’est la politique qui veut ça. Quoi qu’il en soit, j’ai toujours été combative et déterminée. Des traits de personnalité essentiels pour présider les deux plus grandes institutions des Bouches-du-Rhône, de surcroît quand on est une femme.
Hélas, que ce soit en responsabilité dans le monde de l’entreprise ou dans le monde politique, les stéréotypes ont encore la vie dure. Cependant, je suis aussi une mère et une grand-mère, avec toute la sensibilité que cela induit. Au quotidien, je suis évidemment touchée par des rencontres et des histoires de vie, mais ce n’est pas une faiblesse. Au contraire, je me nourris de ces échanges pour bâtir une politique de proximité qui répond au mieux aux besoins de chacun.
Comment décririez-vous l’équilibre territorial des Bouches-du-Rhône ? Quels sont vos chantiers prioritaires pour les dix ans à venir, notamment en matière d’aménagement du territoire et de services de proximité ?
Nous sommes dans un département très particulier. Les Bouches-du-Rhône sont en effet composées d’une diversité de territoires qui présentent des enjeux parfois très éloignés les uns des autres. Notre département est vaste et grand. Les besoins des habitants des Alpilles ou de la Camargue ne sont pas les mêmes que ceux des Marseillais. C’est donc avec un équilibre territorial fragile que nous devons composer. C’est pourquoi notre politique d’aide aux communes est essentielle pour assurer un maillage équitable en équipements et en services publics de proximité quelle que soit la couleur politique des municipalités.
D’ailleurs, nous sommes pleinement mobilisés pour déployer nombre de nos dispositifs sociaux, culturels, sportifs, éducatifs partout sur le territoire des Bouches-du-Rhône. Mais s’il y a une priorité sur laquelle nous investissons massivement, ce sont bien les transports.
Pôles d’échanges multimodaux, voies réservées aux transports en commun sur les autoroutes, desserte de l’aéroport Marseille-Provence, nouvelles lignes de tramway à Marseille, modernisation du métro : j’ai engagé une véritable révolution de la mobilité pour enfin rattraper notre retard.
L’État doit nous en donner davantage pour continuer à assurer ces missions, tout en s’attaquant au problème à la racine.
Les récents propos de la secrétaire d’Etat Charlotte Caubel sur une possible recentralisation de la protection de l’enfance ont fait fortement réagir les Départements. Par ailleurs, la crise migratoire pose un défi majeur aux Départements sur la gestion des Mineurs non accompagnés. Comment se positionnent les Bouches-du-Rhône face à ces sujets sur lesquels vous êtes tout particulièrement engagée ?
Je comprends tout à fait la réaction de mes pairs. Depuis de nombreuses années, nos institutions disposent d’une véritable expertise de proximité au service de la protection de l’enfance. C’est un sujet éminemment important et je sais combien les Départements le prennent à cœur, au même titre que nos agents qui accomplissent un travail formidable.
Bien sûr que nos Départements font face à des problématiques récurrentes comme la hausse constante du nombre d’enfants ou le manque d’attractivité des métiers du social. Il en va de même pour les mineurs non accompagnés, dont l’afflux est tel qu’il nous est parfois impossible de tous les accueillir, dans les conditions qu’ils méritent.
En réalité, nous disposons d’une réelle expertise mais de très peu de moyens. L’Etat doit nous en donner davantage pour continuer à assurer ces missions, tout en s’attaquant au problème à la racine. Je reste convaincue qu’une recentralisation de cette compétence ne règlera pas le problème. Car plus on s’éloignera du terrain, plus on perdra le sens des réalités.
En réalité, c’est d’une coopération dont nous avons besoin, pas d’une sanction !
Dans les Bouches-du-Rhône, je mets d’ailleurs un point d’honneur à lancer des actions fortes et innovantes, au plus près des besoins. En ce début d’année 2024, nous allons déployer le Conseil des Jeunes de la protection de l’Enfance, une instance participative avec les jeunes issus de l’Aide sociale à l’Enfance qui permettra d’améliorer leur prise en charge dans tous les domaines. Nous avons également lancé l’expérimentation d’un Comité départemental pour la Protection de l’enfance pour mieux coordonner nos actions, en partenariat avec l’Etat.
En réalité, c’est d’une coopération dont nous avons besoin, pas d’une sanction !
Vous avez récemment annoncé une « mobilisation générale » des maires et élus de votre département sur la question de l’environnement. Pouvez-vous nous en dire plus ? Quelles sont les actions à mener d’urgence et votre vision long terme d’un département responsable et durable ?
Oui, j’ai effectivement sonné la mobilisation générale autour de ce sujet qui nous concerne tous. Canicule, inondation, sécheresse, incendies, pollution, dégradation de la biodiversité… Pas un jour ne se passe sans que nous soyons confrontés à ces réalités, dans les Bouches-du-Rhône comme ailleurs. L’impact de ce bouleversement est immédiat pour notre santé et nos modes de vie, et plus personne ne peut le nier.
Les maires et les élus sont les premiers maillons de proximité du territoire. C’est donc pour eux et avec eux que j’ai souhaité lancé un grand « Plan d’accélération pour la transition écologique » (Pacte) pour franchir un nouveau cap face à l’urgence climatique. Bien que je sois engagée depuis plusieurs années sur ces questions, je veux positionner le Département comme un véritable catalyseur de solutions sur lequel les communes et les citoyens s’appuieront encore davantage.
Gestion de l’eau, déploiement des énergies renouvelables, sobriété énergétique et foncière, renaturation des espaces urbains, désimperméabilisation et végétalisation des établissements scolaires, il s’agit aujourd’hui de répondre à ce défi dans toutes ses dimensions en finançant des projets concrets et tangibles partout sur le territoire. Chaque année, ce sont 100 millions d’euros qui seront consacrés à cette indispensable transition écologique.
Les maires et les élus sont les premiers maillons de proximité du territoire.