Et si la puissance d’attraction d’un territoire ne devait pas s’estimer seulement à la hauteur des discours promotionnels, aussi professionnels soient-ils, mais également à la hauteur des femmes et des hommes qui jouent déjà un rôle, même involontaire, au service de l’attractivité ?
Sur le sujet de l’attraction des territoires, les slogans pointus, les élaborés sites internet, les grandes campagnes de pub ou les belles plaquettes richement illustrées sont utiles, certes. Mais tous ces supports ne suffisent certainement pas à attirer et à retenir durablement. Je l’ai déjà écrit, l’expérience même de la rencontre entre un territoire et ses cibles est déterminante. Et, dans la plupart des cas, ce sont les habitants du territoire qui vont être en première ligne et ainsi faire que l’expérience sera, d’entrée, plutôt réussie, ou alors plutôt pas.
Ainsi, de mon point de vue, les habitants sont incontournables pour une stratégie d’attractivité qui se veut holistique. D’ailleurs, certains d’entre eux sont sans doute déjà dans les argumentaires d’attractivité, car ils sont considérés, en raison de leur parcours personnel ou professionnel, de leur réussite dans divers domaines, et de la renommée qui en découle, parfois du lien entre leur propre image et celle qui veut être donnée au territoire, comme des preuves vivantes, des arguments au service du discours promotionnel.
D’autres sont aussi très concernés, par exemple les Greeters, ces habitants – bien sûr passionnés par leur territoire et ouverts à toutes les rencontres – volontaires pour accompagner gratuitement des visiteurs dans une découverte unique et authentique du local. Mais au-delà de cette mission encadrée par une fédération et une charte, beaucoup de situations font que des habitants jouent déjà un rôle pour la notoriété et l’image d’un territoire. Précision : je m’appuie sur les travaux de Joël Gayet pour construire mon propos.
Ils sont par exemple des hébergeurs. Qu’il s’agisse de famille, d’amis, voire de locataires saisonniers, les habitants qui les reçoivent vont forcément être amenés à parler du territoire, de ses aménités, voire de ses défauts. Ils vont être des diffuseurs d’informations, souvent enthousiastes, mais parfois subjectifs.
Ils sont aussi des constructeurs d’offres. Ils vont en effet proposer à leurs hébergés des idées de sorties, de visites, de découvertes de sites ou de commerces, etc. Ils vont recommander leurs « bonnes adresses » et pointer celles qui seraient à éviter. Tout cela, en dehors des offres officielles ficelées par les offices de tourisme ou les agences d’attractivité.
S’ils se déplacent avec leur visiteurs, ils vont devenir guides, conférenciers. Ces rôles étant improvisés parfois, et sur une base de connaissances qui n’est pas toujours fondée sur les narrations officielles.
Mais s’ils remplissent tous ces rôles, c’est qu’ils sont également des consommateurs, voire des testeurs des offres territoriales. Les habitants vont dans les musées, dans des expositions, etc. Ils tentent des activités nouvelles. Ils essaient de nouveaux restaurants ou de nouveaux commerces. Ils se forgent donc leur propre opinion et c’est en fonction de cela qu’ils les qualifieront auprès de leurs contacts. Les habitants les
plus curieux, ou les plus zélés, pouvant être rangés dans la catégorie « veilleurs », voire « benchmarkeurs ». Surtout s’ils voyagent aussi et deviennent alors capables de comparer !
Et leurs points de vue vont peut-être faire l’objet de posts sur les réseaux sociaux, via des photos, des vidéos. Ils sont donc parfois des illustrateurs du territoire. Ils peuvent aussi commenter d’autres posts, voire faire part de leur vécu et de leur avis sur la qualité de leurs expériences. Ils sont ainsi des producteurs de contenus qui parlent de leur territoire, et à ce titre ils exercent une forme d’influence.
Vous l’avez bien compris, l’association des habitants à la construction d’offres d’attractivité, et les argumentaires qui vont avec, est indispensable car ils sont, peu ou prou, autant de leviers d’attractivité. Bien sûr, nombre de territoires ont déjà mis en place des clubs d’Ambassadeurs. Mais ce n’est pas suffisant. Car, pour que les fonctions tenues par les habitants auprès de visiteurs, ou de nouveaux arrivés, soient en cohérence avec le récit du territoire, il convient de collaborer, de partager, de leur fournir les moyens d’être en phase.
De plus, et au-delà de tous ces rôles évoqués (la liste n’étant pas exhaustive), ils incarnent aussi, peut-être, les « valeurs » que le territoire aime mettre en exergue dans sa promotion. Du moins, faut-il l’espérer…