Nous espérions un projet de loi global sur l’enfance, et l’élaboration d’un Code de l’Enfance réclamé par de multiples associations et institutions. Pressé par l’émotion dans l’opinion publique suite au décès d’une enfant dans une micro crèche, le gouvernement a décidé, après un rapport de l’inspection générale de l’action sociale (IGAS), d’intégrer une loi sur le service public de la petite enfance sur celle « du plein-emploi » à la suite d’un Conseil National de la Refondation.
Une fois de plus, l’absence d’une où d’un véritable Ministre de l’enfance aboutit à ne pas avoir une vision globale de l’enfance qui maintenant est répartie entre la Ministre de la solidarité et la Secrétaire d’État à l’enfance en séparant la politique de l’enfance de celle de la Famille. Vous avez dit bizarre… que c’est bizarre ! Tout cela me semble insuffisant quand on ne propose qu’une place d’accueil pour 6 enfants de moins de 3 ans.
LA SITUATION DE L’ACCUEIL DE LA PETITE ENFANCE INSUFFISANTE !
La France possède 1,3 million de places d’accueil de la petite enfance dont 770 000 chez une assistante maternelle et 47 000 gardes d’enfants à domicile. À cela s’ajoutent les 458 000 places en crèches pour 60 % publiques et 40 % privées entre le secteur associatif et le secteur marchand.
Le rapport de l’IGAS d’Avril 2023 a posé un constat d’une qualité particulièrement hétérogène concernant les crèches.
Quant aux parents, 75 % d’entre eux estiment difficile d’obtenir un accueil près de chez eux et 50 % aux horaires qui les concernent ayant une activité professionnelle aux horaires atypiques. Pour les familles monoparentales, 9 parents sur 10 ont des difficultés à trouver une solution.
Par ailleurs l’accueil n’est pas suffisamment ouvert et adapté aux enfants à besoins spécifiques (enfant en situation de handicap où avec une maladie chronique, enfants vivants dans des familles en situation de pauvreté où connaissant des difficultés sociales, les enfants dont les parents sont en recherche d’emploi). Enfin, cette analyse des modes d’accueil montre qu’après avoir augmenté entre 2013 et 2016, le nombre de places en baisse depuis 2017 se concrétise par une diminution de 50 000 places en particulier chez les Assistantes maternelles.
Si le taux de couverture des enfants de moins de 3 ans continue d’augmenter, cela est dû à une baisse du nombre d’enfants de moins de 3 ans.
Par contre, on note certains progrès qualitatifs ces dernières années avec :
– Le lancement de la démarche des 1000 premiers jours,
– La réforme du service aux familles par la charte nationale pour l’accueil du jeune enfant, rendue obligatoire, le référentiel d’un engagement intérieur des crèches, la création d’un référent santé et l’accueil inclusif.
– La définition de la maltraitance dans la loi de protection de l’enfance du 7 Février 2022.
– La création de 50 000 places, insuffisantes dans le cadre du « plan rebond petite enfance » annoncée en 2021 pour compenser la réduction de 77 300 places chez les Assistantes maternelles.
– En matière de recherche d’amélioration de l’attractivité du secteur, l’ouverture à l’alternance pour les personnes en cours de formation d’Assistantes Maternelles.
Sur le plan budgétaire la dépense publique d’accueil des jeunes enfants atteint 1,7 milliards d’euros. Cet effort est assuré à 67 % par la prise en charge de la branche famille de la CNAF et 20 % par les collectivités territoriales, qui sont réparties à 45 % pour l’accueil collectif et 32 % pour l’accueil individuel.
L’analyse des modes d’accueil nous montre que 6 enfants sur 10 sont gardés par leurs parents où grands-parents faute d’avoir trouvé un mode d’accueil.
Cette situation est d’autant plus regrettable que selon les spécialistes, l’accueil du jeune enfant par un mode d’accueil favorise son développement par une socialisation précoce dans la logique d’investissement social et de lutte contre les inégalités.
Comme le souligne Isabelle SANTIAGO et Michéle PEYRON, respectivement Députée et vice-Présidente de la délégation parlementaire des Droits de l’enfant, dans un rapport de la mission flash sur les perspectives d’évolution de la prise en charge des enfants dans les crèches présenté en Novembre 2023, « la priorité n’est pas de penser la garde de l’enfant comme permettant l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, mais il faut dorénavant collectivement nous concentrer sur le développement de l’enfant et ses acquisitions des 1000 premiers jours ».
POUR UN VRAI SERVICE PUBLIC DE LA PETITE ENFANCE (SPPE)
L’objectif premier du SPPE est de garantir le droit d’un accueil à tous les enfants de moins de 3 ans à un coût abordable pour les familles et comparable sur l’ensemble du territoire, tout en assurant un niveau élevé de qualité quel que soit le mode d’accueil. Le rapport souligne que le besoin serait de 600 000 à 700 000 places si tous les enfants de moins de 3 ans en avaient besoin à l’issue du congé de maternité et paternité à l’horizon 2027 à 200 000 places supplémentaires concernant les parents qui travaillent.
Le gouvernement envisage 100 000 places supplémentaires en 2027 et 200 000 places en 2030. L’accent sera remis sur le développement des crèches à vocation d’insertion professionnelle (AVIP) avec 1000 accueils labellisés pour un effort budgétaire de 5 milliards d’euros supplémentaires.
Le Service public de la petite enfance reposera sur 3 axes :
– Lever tous les freins au développement de l’offre d’accueil de la petite enfance en le confiant aux Communes, comme autorité administrative, avec l’obligation pour celles de 3500 habitants, d’élaborer un schéma pluriannuel de maintien et développement des modes d’accueils du jeune enfant.
Ce schéma devait s’intégrer dans les schémas départementaux des services à la famille (CDSF) chargés du suivi de l’offre, pour s’assurer qu’ils s’intègrent dans les priorités et objectifs nationaux pluriannuels en termes de développement quantitatif et qualitatif.
Cette question a fait l’objet d’un débat animé à l’Assemblée Nationale qui a rejeté le projet de service public de la petite enfance en première lecture, contre l’avis du gouvernement.
La Commission paritaire a proposé d’élever l’obligation du schéma aux communes de plus de 10 000 habitants.
– Permettre une information claire, des formalités allégées et la mise en place d’un relai petite enfance (RPE) dans toutes les villes de 10 000 habitants.
– Enfin , pour une qualité renforcée, développer des formations pour faire face aux 10 000 postes vacants, en veillant comme le souligne la mission flash « à la nécessité d’interdire aux néophytes diplômés d’être en contact avec les enfants après leurs formation en ligne sans une formation minimale en crèches qui s’ajoute au cursus diplômant » Le Sénat dans sa séance du 9 Novembre a voté en seconde lecture l’article 10 de la loi « plein emploi » et l’Assemblée Nationale le 14 novembre, créant le Service Public de la Petite Enfance.
Si cette création est un progrès qui devra obtenir les moyens budgétaires annoncés, il reste la nécessité de mettre à l’ordre du jour un projet de loi sur l’enfance dans le cadre d’un CODE de L’ENFANCE.