[…] De nombreuses incertitudes pèsent aujourd’hui sur l’avenir de la protection de l’enfance. Les alertes se multiplient, venant massivement des départements, mais aussi des associations et des réseaux professionnels. Tous soulignent la crise sans précédent qui frappe le secteur, et l’impossibilité de garantir la protection des enfants en danger sur de nombreux territoires.
Ces inquiétudes sont d’autant plus fortes que les projections sont très défavorables pour les prochains mois : dégradation des situations familiales, précarisation de la jeunesse, saturation des dispositifs d’accueil et d’accompagnement des enfants en danger, crise des recrutements, épuisement des équipes, et effondrement des marges de manœuvre financières des collectivités et des associations sur de nombreux territoires.
Le risque de rupture est tel que les conseils nationaux, Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE), Conseil national de l’adoption (CNA) et Conseil d’orientation des politiques de jeunesse (COJ), ont saisi les pouvoirs publics et appelé à la mise en œuvre d’un « plan Marshall » pour la protection de l’enfance. Ils demandent une refonte globale de la politique publique, appuyée par un effort financier massif et durable. La protection de l’enfance a besoin de mesures structurelles, qui touchent simultanément à la gouvernance de cette politique à la fois interministérielle et décentralisée, et à ses ressources, humaines et financières.
Le CNPE, le CNA et le COJ appellent [aussi] à la mobilisation urgente des services de l’État dans les territoires, en appui des départements, afin de contribuer à la recherche de solutions rapides et adaptées pour les enfants et les jeunes en danger. Le concours de l’État dans toutes ses composantes est indispensable pour construire des parcours de qualité pour ces jeunes, mais aussi pour éviter l’effondrement du système de prise en charge de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) dans de nombreux départements.
L’ouverture de chantiers structurels, assortis de mesures concrètes pour pérenniser et sécuriser les dispositifs de protection des enfants.
1. Renforcer l’attractivité des métiers de la protection de l’enfance et prévenir l’épuisement professionnel.
– Faciliter et diversifier les recrutements en protection de l’enfance :
– Renforcer les dispositifs de formation initiale et continue des travailleurs sociaux et responsables ASE :
– Reconnaitre la complexité des missions de protection de l’enfance et développer l’accompagnement des professionnels :
2. Revoir les modalités de financement et de pilotage de la protection de l’enfance pour garantir davantage de réactivité et d’équité dans les réponses institutionnelles.
– Définir des critères objectifs pour l’allocation de ressources des collectivités départementales en matière de protection de l’enfance.
– Soutenir les projets innovants dans le cadre de coopérations État / Département, à partir de la contractualisation.
– Construire un système d’information national en protection de l’enfance qui permette d’éclairer les prises de décisions des pouvoirs publics et facilite le pilotage et l’évaluation de la politique publique à l’échelle nationale et en territoire.
3. Revoir les modalités d’évaluation et de mise à l’abri des personnes se déclarant mineures non accompagnées sur le territoire national. S’il est indiscutable que l’accueil des enfants sans représentants légaux sur le territoire français est une mission de l’Aide Sociale à l’Enfance, les vérifications d’identité, et recherches d’état civil relèvent d’une compétence régalienne de l’État, comme d’ailleurs l’orientation des enfants sur le territoire national suivant la clé de répartition fixée par le législateur.
Pour mieux garantir les droits des personnes et l’équité de traitement des situations, les conseils demandent le transfert des missions d’évaluation de minorité et de mise à l’abri des personnes étrangères se déclarant mineures non accompagnées aux services du ministère de la justice.
– Mobiliser la solidarité nationale, dans le cadre d’engagements pluriannuels en faveur des familles les plus vulnérables
– Renforcer la prévention précoce et le soutien aux familles vulnérables à partir de la branche famille de la sécurité sociale :
– Faciliter et développer l’aide à domicile en prévention : proposition systématique aux familles vulnérables d’interventions, sans condition, de techniciens de l’intervention sociale et familiale (TISF).
– Expérimenter des coopérations Départements/Communes/Caisse d’allocations familiales (CAF) pour l’accueil de jeunes enfants en risque dans les structures de petite enfance et chez des assistants maternels.
– Répondre aux besoins d’accueil et d’accompagnement des enfants et jeunes adultes en situation de handicap sur les territoires :
– Garantir l’accès aux soins des enfants et adolescents en danger :
– Déploiement complet des UAPED (une par ressort judiciaire) / EPRRED3
– Généralisation des expérimentations de parcours de santé coordonnés et remboursement par l’Assurance maladie des consultations effectuées par les psychologues et les psychomotriciens auprès de ces enfants.
– Organisation de forfaits soins dans les pouponnières et de consultations spécialisées pour la prise en charge des enfants victimes de traumas complexes).
– Mieux soutenir la transition vers l’âge adulte des jeunes confiés à l’ASE :
– Assurer aux jeunes majeurs confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance, une garantie de ressources au moins équivalente à l’allocation du contrat d’engagement jeune.
– Leur garantir un accompagnement global (santé, insertion sociale et professionnelle).
– Généraliser le bénéfice du pécule alloué à 18 ans à tous les jeunes ayant été confiés à l’ASE, quel que soit leur statut.
3. L’organisation de mesures immédiates.
– Des financements complémentaires pour permettre aux collectivités prises dans un étau financier de garantir la continuité des missions prioritaires de protection des enfants :
– L’évaluation des situations de danger.
– La mise en œuvre des décisions de protection des enfants.
– Le renforcement des coopérations avec la mobilisation de tous les services de l’État en territoire, pour mieux garantir :
– La mise à l’abri des mineurs non accompagnés (MNA) le temps de l’évaluation de leurs situations, dans l’attente de la décision judiciaire de protection.
– La mise en œuvre de mesures judiciaires en attente (placements non réalisés, interventions à domicile…) et l’évaluation des informations préoccupantes (IP) quand elles ne peuvent être prises en charge sans délai.
– La priorisation de l’accueil en ITEP4 et IME5 des enfants confiés à l’ASE bénéficiant d’une notification d’orientation quand ils sont sans solution.
– La mobilisation de toutes les institutions pour répondre aux besoins des enfants en grande souffrance et garantir leur accueil (établissements médico sociaux, unités d’hébergement de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), hôpitaux et placements familiaux thérapeutiques…).
– La Mobilisation des contingents préfectoraux pour favoriser l’entrée des jeunes de l’ASE dans les logements sociaux, et la réservation de places en résidences habitats jeunes.