Les thèmes abordés
40 ans de décentralisation de l’action sociale, âge de raison ou crise de la quarantaine ?
Ouvrons une brèche sur le réel …
Il était difficile, en ce 40e anniversaire de la décentralisation, de ne pas en faire le thème des 34e journées nationales de l’Andass. Le recul offert par les années écoulées depuis sa mise en œuvre en 1982 donne matière à réfléchir sur ce concept, intimement lié à la construction même de l’État français, centralisé.
Pour les collectivités territoriales, la décentralisation est alors une promesse de liberté : la possibilité de faire preuve de réactivité face aux besoins de leurs usagers et concitoyens, sans l’aval de l’État. Pour l’État, la décentralisation est en réalité une question d’efficience : déléguer pour mieux régir le pays. Dès lors, l’espoir de liberté des collectivités territoriales n’était-il pas une illusion ?
En 1990, Jean-Louis Loirat, le premier président de l’Andass, se félicitait d’un État qui n’avait pas édicté de normes dans le secteur social et considérait que les départements jouissaient « d’une grande autonomie ». Les collectivités espéraient sans doute une construction par les acteurs eux-mêmes, au plus près des territoires et des individus.
Or, à force de normes, de velléités égalitaristes et de technicisation du social par l’État, cette promesse de liberté et d’autonomie s’est diluée. Entre l’espoir de départ et les constats actuels des départements, la décentralisation ne semble donc pas avoir été à la hauteur de leurs aspirations à une plus grande liberté.
Des questions restent aujourd’hui en suspens. Comment construire cette liberté individuelle et collective tout en respectant une équité de traitement et une volonté affirmée de réduire les inégalités, qu’elles concernent les territoires ou les personnes ? 40 ans après sa promulgation, la décentralisation est-elle un pari de l’impossible ? Qu’en est-il aujourd’hui du risque de disparité territoriale ? Pris dans le quotidien de la mise en œuvre de la décentralisation, avons-nous oublié en chemin qu’au-delà de la liberté et de l’égalité, la République est fraternité…. et sororité ?
Ces réflexions conduisent ainsi l’Andass à s’interroger : liberté, égalité, fraternité, la décentralisation s’inscrit-elle aujourd’hui dans la devise républicaine ?
Au fil des années, l’association a fait des propositions et élaboré des stratégies qui visent à répondre concrètement à ces problématiques posées par la décentralisation.
Mais qu’a-t-on fait avancer réellement ? Pourquoi ces questions largement partagées et qui pourraient être un socle commun peinent à prendre place et à faire émerger des solutions ?
Alors même que les collectivités décentralisées sont des espaces qui permettent les « pas de côté » et où l’on dispose, à différents niveaux, du pouvoir d’agir et de la capacité d’innovation.
Et concrètement, de quoi parlerons-nous ?
Partant de la genèse politique de la décentralisation, et en s’inspirant d’une comparaison avec l’Espagne, nous essaierons de mettre en lumière ses échecs et ses réussites,de sortir de la confusion entre décentralisation et territorialisation de l’action publique et de voir si la
« promesse de liberté » (table ronde 1) du départ et des désaccords qui en ont découlé au fil des années émerge tout de même le « plaisir de réussir quelque chose de pas si mal » (Bernard Prot, 2023).
Puis, sur « le chemin vers l’égalité » (table ronde 2), nous serons amenés à explorer les mécanismes de la décentralisation : produisent-ils de la cohésion territoriale et de la cohésion sociale ou au contraire entraînent-ils des fractures et des inégalités, entre les territoires et entre les individus ?
Enfin, cette histoire dynamique nous aidera à identifier sur quoi nous appuyer pour construire demain et pour définir
« les nouvelles incarnations de la fraternité » (table ronde).
Le principal enjeu sera de relever collectivement le défi de l’humain, celui des ressources humaines au service des populations. Quand la France est dans le peloton de queue (avec la Pologne et la Slovaquie) de l’Indice de qualité de l’emploi et que la démission est corrélée avec la perte de sens (Coralie Pérez, 2023) ne faut-il pas se réveiller ? Comment à l’avenir réenchanter et rêver le travail social ? Sans oublier non plus de nous interroger sur les systèmes d’information omniprésents dans le secteur social : constituent-ils une opportunité ou simplement une nouvelle façon réinventée de l’État de reprendre le contrôle ?
Au final, l’intention est de prendre le chemin des socles communs et de la différenciation (Cour des comptes, 2023), de construire collectivement celui d’une action publique sobre et de qualité (Andass, 2018), d’étudier les scénarios proposés dans la note Confiance, sobriété et efficacité (Andass, 2019) et de proposer la reconversion écologique pour réhumaniser le travail (Dominique Méda, 2022).
En cette année du 40e anniversaire de la décentralisation, l’Association nationale des directeurs de l’action sociale et de santé (Andass) des conseils départementaux a consacré ses 34es journées nationales, du 27 au 29 septembre dans l’Aude, au thème : « 40 ans de décentralisation de l’action sociale, âge de raison ou crise de la quarantaine ? ».
Compte-rendu : 40 ans de décentralisation de l’action sociale, âge de raison ou crise de la quarantaine ? Les quelque 150 directeurs présents n’ont pas tranché. L’un des participants a toutefois comparé la relation entre l’État et les départements à une relation parents-enfants dans laquelle les départements seraient maintenus dans une position d’enfant.
« Entre l’espoir de départ et les constats actuels des départements, la décentralisation ne semble donc pas avoir été à la hauteur de leurs aspirations à une plus grande liberté », écrivait d’ailleurs l’Andass à la veille de ses journées. Une question taraude les directeurs : celle de l’allocation des ressources, qui ne permet pas de réduire les capacités financières contrastées d’un département à l’autre, source d’inégalités territoriales.
Au-delà, « dans un quotidien difficile, nos journées apportent aux directeurs une respiration, explique la présidente de l’Andass, Anne Troadec.
Ce rendez-vous annuel nous permet de lever le nez du guidon, de prendre du recul pour mener une réflexion et trouver des solutions. » Les directeurs de l’action sociale et de santé se retrouveront l’an prochain dans le département de l’Ain.