Nous recevons aujourd’hui une figure du recrutement territorial ; dans le passé beaucoup d’Élus (Giscard, Barre, Pasqua, Juppé, etc.) ont eu recours à lui pour leurs cadres dirigeants et aujourd’hui de nombreux Présidents lui accordent leur confiance pour la recherche de leurs principaux collaborateurs.
LJD. Comment en êtes-vous arrivé là ?
PdF. A dire vrai, je ne remercierai jamais assez Gaston Deferre et ses lois de décentralisations ; plutôt que d’être un consultant généraliste lambda, je me suis positionné sur le champ territorial qui avait un besoin urgent de cadres pour faire face aux nouvelles compétences dédiées : cela a été d’autant plus aisé que je connaissais bien le monde politique et ses acteurs.
A partir de là, j’ai bénéficié de la confiance des élus, le bouche à oreille a fonctionné et entouré d’une équipe performante, notre réputation de sérieux et d’investissement dans le travail ont fait le reste.
Pour vous, le Département, c’est une évidence ?
Encore faut-il qu’il ait les moyens de ses politiques : le Président Sauvadet, Président DF tire la sonnette d’alarme « nous ne pouvons plus faire face […] il y a le feu au lac ! ».
Pourquoi une évidence ?
Tout d’abord, le Département est parfaitement identifié par nos concitoyens ; n’oublions pas qu’il a près de 2 siècles et demi d’existence ; ensuite la création des hyperrégions a renforcé son échelle de proximité : le département correspond à la bonne taille qui permet de conjuguer efficacité et proximité.
Enfin la disparition des départements car jugés « trop ringards » a reçu un cinglant démenti lors de la gestion des crises récentes où leur action auprès du terrain et leur réactivité ont renforcé leur légitimité. Je leur aurais laissé également la compétence économique.
Que pensez-vous de la loi 3DS de février 2022 ?
Cette loi dite 3DS, pour différenciation, décentralisation et déconcentration est une loi « technique », sûrement décevante pour les Présidents de Département.
Elle ne consacre en rien un nouvel acte de décentralisation. François Durovray, président de l’Essonne a pu parler d’une « occasion manquée » : elle aurait dû clarifier les compétences. Disons simplement qu’elle a « embrouillé » un peu plus le paysage institutionnel.
Vous avez connu des Présidents Sénateurs et des Présidents Députés : que pensez-vous du non cumul des mandats ?
Encore une fausse bonne idée démagogique !
Le Président de Département qui est également sénateur ou député a tout naturellement plus de poids politique ; au-delà, généralement issu du terrain il apportait bon sens et pragmatisme à l’élaboration de la loi, ce qui atténuait grandement la fracture entre Paris et les territoires. Les Présidents de Département ne sont pas des start-uppeurs !
Enfin, un président qui est également parlementaire est un élément d’attractivité supplémentaire pour attirer des talents dans son département.
Vous me facilitez la transition ; quid du recrutement dans les collectivités territoriales ? On évoque de grandes difficultés à recruter ?
Exact, les collectivités éprouvent de réelles difficultés et ont de plus en plus de mal à recruter. Les tensions entre l’offre et la demande ne cessent de s’accentuer.
Plusieurs freins sont identifiés pour expliquer ces difficultés : une pénurie de candidatures sur certains postes, des rémunérations jugées insuffisantes, une concurrence des collectivités plus attractives et plus riches, concurrence également du secteur privé pour les nouveaux métiers (informatique, digital), contraintes liées au statut ; notons également l’inadéquation entre les offres et les profils.
Vous n’invoquez pas l’organisation du temps de travail ?
J’allais y venir ; depuis le « quoi qu’il en coûte » et le télétravail, le rapport au travail s’est profondément modifié et a un fort impact chez les cadres supérieurs des collectivités !
Ils recherchent d’abord un nouvel équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, et leur rapport à la hiérarchie s’est modifié.
La question du bien-être devient essentielle et conséquence directe l’on assiste à une moindre mobilité chez les candidats.
Les collectivités qui s’en sortent le mieux sont celles qui mettent en avant leur attractivité, qui ont des moyens et qui se décident vite car la balle est dans le camp des candidats.
Et le recours au privé ?
Pour répondre aux besoins des collectivités, il faut dépasser les postures idéologiques : certes, le concours doit rester la principale accession à la fonction publique, cependant le recours aux contractuels est une voie complémentaire qui doit permettre d’attirer de nouveaux profils pour faire face aux nouveaux besoins.
D’autre part, sous l’impulsion d’Hugues Anselin notre cabinet réfléchit à proposer un nouveau service où il s’agira de détecter au sein même de la collectivité les futurs talents et de les faire grandir.
Apparemment vous êtes toujours très actif et opérationnel ?
Tout d’abord je suis très satisfait d’avoir réussi ma succession :
J’ai passé le flambeau à Hugues Anselin qui m’accompagne depuis plus de dix ans et notre cabinet est réputé pour bénéficier d’une équipe solide et expérimentée avec des consultants de grande qualité. Tant que les élus continuent à m’honorer de leur confiance ainsi que leurs cadres dirigeants, je resterai opérationnel car la passion du métier est toujours là.
Vous avez animé pendant plus de vingt ans des déjeuners-débats très courus avec des personnalités du monde politique, culturel et des affaires lors de la parution de leurs livres : on sait que vous êtes un très grand lecteur : quel livre conseillez-vous ?
J’ai récemment relu Guerre et Paix (Tolstoï), ai apprécié « l’esprit guerrier » du Général Pinatel (un para devenu un expert mondial en géopolitique et en intelligence économique).
Actuellement je « dévore » le dernier livre de Bruno de Cessole « Le sceptre et la plume », passionnant et avec une écriture superbe.