Trois ans après le début de la crise sanitaire et un an après la reprise des poussées inflationnistes, les comptes établis à la clôture de l’exercice 2022, témoignent de l’impact relativement faible des récentes secousses sur les recettes comme sur les dépenses des collectivités. Ces secousses n’ont pas globalement altéré la bonne tenue de comptes locaux qui se sont avérés particulièrement résilients. Du moins jusqu’à aujourd’hui… En effet, au vu de l’effondrement des droits de mutation sur les derniers chiffres connus au 31 juillet dernier, il est clair que cette bonne santé n’est que temporaire et ne pourra que se détériorer à fin 2023. Un constat particulièrement vrai surtout pour les départements. À quelques semaines du début de l’examen parlementaire du futur Projet de Loi de Finances pour 2024 (PLF 2024), les collectivités peuvent légitimement craindre un manque de soutien financier de la part de l’État, au regard de la situation extrêmement dégradée des comptes nationaux.
Le Départements, champions du désendettement…
Alors que le taux d’épargne brute de l’État se situe à un désolant seuil de – 41%, les collectivités affichent des ratios moyens allant de près de 15 % pour les communes à plus de 22 % pour les régions ! Un contraste d’autant plus frappant qu’on constate une amélioration constante de la capacité de désendettement pour l’ensemble des strates de collectivités (figure n°2). Mention spéciale pour les conseils départementaux dont le ratio moyen de désendettement se situe désormais à 2,7 ans, un record depuis… 2007 !
…contrairement à l’État !
À l’inverse, la France occupe une piètre 23e place sur 27 pays européens avec une dette qui atteint 112 % du PIB pour une moyenne européenne à 84 %. Rappelons que les prospectives du Projet de loi de programmation 2023-2027 visaient un très modeste seuil de 111 % à fin 2027…
Les communes : small is beautiful
Si les communes affichent de flatteuses moyennes de taux d’épargne brute (14,8%) et de de capacité de désendettement (4,9 ans), ces chiffres masquent des disparités considérables entre la moyenne des petites communes et celle des grandes villes. Il apparaît clairement que les petites communes tirent leur épingle du jeu avec des ratios financiers beaucoup plus sains que les moyennes et grandes communes. Dans certains départements, c’est parfois jusqu’à 20 % des communes rurales qui n’ont pas un centime d’encours de dette ! Une réalité qui ne l’est pas pour une grande partie des petites communes entourant Paris.
Dans la dernière décennie, les taux moyens de fiscalité du bloc communal sont restés globalement stables, si l’on neutralise les mouvements de périmètre (transfert du foncier bâti départemental) comme le montre la figure n° 7.
Cependant, cette tendance devrait nettement s’inverser lorsque les moyennes
nationales 2023 seront connues, car beaucoup de villes ont eu la main lourde en investissement cette année. Après le creux de l’année post-électorale 2021, les dépenses d’équipement par habitant, y compris les subventions d’investissement et fonds de concours versés, ont logiquement progressé en 2022 de l’ordre de 10 % et ce, de manière assez homogène entre les différentes strates de population.
Les EPCI : plus de compétences, plus d’épargne mais aussi plus de dette
En moyenne, les intercommunalités flirtent avec le seuil de 20 % de taux d’épargne brute soit 5 points de plus que la moyenne des communes (14,8 %). Et de surcroît, les
structures les plus intégrées affichent des ratios moyens d’épargne brute, sensiblement supérieurs, à 22,3 % pour les communautés urbaines et même à 23,6 % pour les métropoles, niveaux justifiés par le portage d’une dette plus lourde autour de 5 ans de capacité de désendettement. À l’inverse, les communautés de communes se contentent de 15 à 17 % de taux d’épargne brute, pour un ratio moyen de désendettement autour de 3 ans.
En matière d’investissements, les mandatements par habitant progressent en moyenne de 5 % entre 2021 et 2022, avec une forte évolution pour les communautés de communes à fiscalité additionnelle. On constate en revanche une stagnation pour les communautés de communes à fiscalité professionnelle unique.
Les départements : une embellie éphémère
Pour un taux moyen d’épargne brute de 16,2 % au CA 2022, les extrêmes vont de 8,1 % à 30 % et seuls cinq départements se situent à moins de 10 % sur ce ratio, alors que, rappelons-le.
Il s’agissait de la moyenne nationale des 101 départements en… 2015, sept ans seulement en arrière.
S’agissant de la capacité de désendettement, l’amplitude va de 0 (l’Indre qui n’a aucune dette) à 9 ans sur les CA 2022 pour une moyenne de 2,7 ans. Onze départements disposent,
sur ce dernier exercice, d’une épargne brute supérieure à leur dette avec donc une capacité de désendettement de moins d’une seule année.
En matière d’équipements réalisés, la moyenne s’établit à 181€/habitant avec un écart allant de quelque 80€/hab à près de 400 €/hab. Et pour pointer le caractère pour le moins éphémère de ces ratios globalement impressionnants des Conseils départementaux à fin 2022, le constat des recettes de droits de mutation du 1er janvier au 31 juillet 2023, fait ressortir une chute de 17,9 % en comparaison des sept mêmes mois de 2022. Un seul département sur 101 est en positif (les Ardennes) et il est à noter qu’au fur et à mesure de l’avancement de l’année, la chute s’accélère : – 13 % au premier trimestre 2023, – 17 % au premier semestre et l’année risque même de se terminer au-delà de – 20 %, rappelant sur ce point le spectre de l’annus horribilis qu’avait à l’époque été 2009 pour les Conseils généraux.
Les régions : de fortes disparités internes
Des quatre catégories de collectivités, les Conseils régionaux présentent les meilleures moyennes de taux d’épargne brute
(22,1 %) mais a contrario les ratios de capacité de désendettement les plus lourds (5,2 ans).Derrière ce chiffre se cachent de très fortes disparités entre les quinze régions (hors collectivités territoriales uniques). Ainsi, les ratio de taux d’épargne brute varient de 13 à 35 % et la capacité de désendettement court de 1,8 à 8,9 années !
Le retour de la gestion de trésorerie
Si l’on peut parler globalement de bon cru pour 2022, c’est que la tendance va immanquablement se retourner en 2023, en particulier pour les départements, et à un moindre degré pour les communes.
Il y a fort à parier, au regard de la hausse des taux d’intérêt, que les directions financières des collectivités aient recours à la gestion de trésorerie en optant pour la fin des emprunts de confort au profit d’une trésorerie zéro. À fin 2022, le rapport trésorerie sur dette des Conseils départementaux est en effet en moyenne de 38,2 %, et pour quinze départements, leur encaisse est même supérieure à la totalité du capital restant dû de leur dette. Indéniablement du grain à moudre pour les directions financières…