Année mouvementée, 2022 a été marquée par de profonds changements sur les marchés financiers, impactant les finances locales. Laurent Gautier-Falret, directeur Marketing du Secteur Public Local à La Banque Postale, premier prêteur des collectivités locales, livre son analyse de l’évolution du marché de l’emprunt pour les départements.
Dans quelles proportions les départements ont-ils été impactés par le renchérissement du coût du crédit en 2022 ?
Après 10 années de baisses consécutives, le coût moyen de la dette s’est établi à 2,17 % au 31 décembre 2022, contre 1,74 % un an plus tôt selon l’observatoire Finance Active de la dette des collectivités locales 2023. Or avec les régions, les départements sont, en tant que gros emprunteurs, les collectivités ayant subi les plus fortes hausses, avec respectivement + 43 et + 40 points de base en un an.
Cette augmentation est liée à l’augmentation des taux d’intérêt des nouveaux emprunts, mais aussi à leur stock de dette indexé sur l’Euribor et le Livret A.
À quels arbitrages les départements ont-ils été contraints du fait de ce renchérissement de leurs emprunts ?
Les départements ont diversifié leur encours de dette en 2022, après avoir emprunté principalement à taux fixe sur la dernière période. Ils ont donc pu vouloir emprunter davantage en révisable pour profiter d’éventuelles baisses à venir et pour bénéficier de plus de souplesse sur la durée de vie des prêts. Cette diversification a été également pour partie contrainte : les taux d’intérêt ayant augmenté plus vite que le taux de l’usure en 2022, nombre de banques se sont trouvées contraintes de ne plus financer qu’à taux variable, privant les départements de toute possibilité de choix. Il a fallu attendre février 2023 pour que l’adoption d’un rythme mensuel pour l’actualisation du taux de l’usure permette aux collectivités de retrouver de la latitude. Aujourd’hui, le taux d’usure n’est plus bloquant et les collectivités ont retrouvé la liberté du choix de leur indexation.
La dette coûte donc plus cher ?
Selon les données de la DGFIP, le financement bancaire représente 95 % des financements de projets départementaux en 2022. Or en dépit de la hausse des taux d’intérêt en cours d’année, les frais financiers restent l’un des seuls postes de dépenses en recul en 2022 (-1,6 %) dans les budgets départementaux. Cette baisse s’explique par la dynamique pluriannuelle de désendettement des départements. Mais aussi par le fait que le niveau des taux reste inférieur aux taux des emprunts arrivant à terme.
Quelles sont à l’inverse les opportunités ouvertes par la hausse des taux ?
Cette hausse suscite un regain d’intérêt pour les placements financiers. Avec des taux d’intérêt plus élevés, les départements ont de nouveau intérêt à optimiser leurs gisements de liquidités oisives et renouent avec les stratégies de trésorerie zéro. L’évolution des excédents de trésorerie des départements témoigne de ce retour en grâce de la logique d’optimisation des liquidités. Ces excédents ont atteint un point haut inédit en juillet 2022, à
13,1 milliards d’euros. Pour ensuite rapidement décroître, ne totalisant plus que 9,6 milliards d’euros en mai 2023 – soit près de 27 % de baisse en 10 mois.
Quelles sont les possibilités de placements financiers accessibles aux départements ?
Elles sont très encadrées. L’obligation de dépôt des fonds au Trésor public comporte des exceptions, limitativement définies par le Code général des collectivités territoriales.
Peuvent ainsi faire l’objet d’un placement financier dans l’attente de leur réemploi, les liquidités provenant de libéralités, de la vente d’éléments du patrimoine, de recettes exceptionnelles issues d’indemnités d’assurance, ou encore du règlement de litiges, de dédits et de pénalités liés à l’exécution d’un contrat. Avec près de 10 % de leur trésorerie globale éligible, les départements disposent d’un gisement de valorisation financière des excédents cumulés ces dernières années du fait d’une gestion toujours plus prudente des deniers publics.
Que leur propose La Banque Postale ?
Il est traditionnellement proposé aux collectivités de placer leurs liquidités excédentaires sur descomptes à terme du Trésor, pour une durée de 12 mois maximum. La Banque Postale propose à titre complémentaire l’achat de titres d’État (OAT principalement) à taux fixe, émis ou garantis par des États de la zone euro. Cette solution de placement offre un rendement sur une maturité plus longue, de 2 à 3 ans. Dès 5 millions d’euros. Ce qui rend ces placements accessibles aux départements dans le cadre d’opérations exceptionnelles telles que le différé d’usage d’un emprunt, ou encore une importante vente de foncier.
En juin 2023, La Banque Postale a publié une étude thématique sur l’impact de l’inflation énergétique comme accélérateur de la transition des collectivités territoriales. Quels en sont les principaux enseignements concernant les départements ?
L’étude révèle que les dépenses d’énergie des départements ont explosé : +34% entre 2021 et 2022, contre 27% pour la moyenne des collectivités. C’est un choc brutal, qui place les départements face à l’urgence du défi de la sobriété énergétique. Notre enquête souligne l’ampleur des chantiers restant à lancer dans le domaine de la rénovation énergétique, des bâtiments en particulier, qui totalisent 78 % des consommations d’énergie.
Comment la demande de financements des départements évolue-t-elle dans cette perspective ?
Laurent Gautier-Falret : Les emprunteurs se montrent de plus en plus attentifs aux engagements de leurs prêteurs. Ainsi un nombre croissant de collectivités territoriales demandent désormais aux banques de justifier de leurs engagements au regard de la transition écologique, d’enjeux sociaux et sociétaux, ou même de leur présence dans des paradis fiscaux. Un manifeste a d’ailleurs été signé en ce sens par 14 collectivités territoriales, dont la métropole de Lyon, qui fait fonction de département.
À l’inverse, les prêteurs se préoccupent de plus en plus de la nature et de l’impact des projets qu’ils financent. C’est d’ailleurs dans cette optique que La Banque Postale a lancé une offre de prêts verts dès 2019, ainsi qu’une offre de prêt sociaux en 2022, qui permet par exemple aux départements de financer des collèges, des SDIS, des équipements sportifs etc. Avec ces prêts responsables, les emprunteurs mettent désormais le financement de leurs projets en cohérence avec leur politique de responsabilité.