« Pouvoir d’achat en berne, difficultés persistantes d’accès aux soins, violence dans les quartiers… Les maux de la société nous le disent : notre pays est fragmenté.
Pour sortir de cette crise, il est temps de faire confiance aux forces vives et aux collectivités territoriales. Il est urgent de déconcentrer la France, et surtout de décentraliser.
Oui, la France a besoin de réformes. Mais la France jacobine est-elle la mieux placée pour les conduire ? Aujourd’hui, on assiste à une centralisation rampante des compétences notamment des Départements portée par un triumvirat Élysée, Bercy, Matignon.
On constate depuis plusieurs années un lent, mais certain, démantèlement de la place des Départements dans les politiques publiques.
Pourtant, bien au-delà de la crise sanitaire, les Départements sont réactifs, décisifs et agiles, afin de répondre aux attentes de la population.
Ils sont des acteurs de proximité au service de la population, du plus jeune âge, jusqu’à la fin de la vie. Ici dans le Tarn, nous venons de voter un plan afin de moderniser 800 chambres d’EHPAD, on développe des habitats partagés, on propose une prime de 3 000 € aux entreprises pour faciliter le retour à l’emploi des bénéficiaires du RSA… On innove au quotidien pour tenir compte des besoins de la population dans nos territoires.
Mais, depuis 2018, le ver est dans le fruit. Les Départements s’engagent souvent contraints et forcés dans la dynamique de contractualisation voulue par l’État. Il s’agit souvent de l’unique moyen de récupérer quelques deniers publics.
Ces contractualisations État/Collecti-vités portent désormais une obligation de résultat fixé unilatéralement par l’État avec des contrôles cantonnant le Département à un rôle de sous-traitant.
Ce type de contractualisation, tel un cheval de Troie, permet à l’État de fixer ses objectifs et indirectement de tenter de prendre le contrôle des politiques départementales.
Cette reprise en main de l’État redessine « l’écosystème départemental » des politiques sociales. Elle se manifeste dans le domaine de l’enfance avec la Convention Prévention Protection Enfance Famille (CPPEF), de l’autonomie avec les dispositifs Ségur, la Conférence des financeurs et les appels à projets (habitat inclusif ou partagé).
Les politiques d’insertion sont également fortement impactées avec les expérimentations Territoires zéro chômeurs longue durée, la Garantie d’activité jeune… Les lancements des Appels à Manifestation d’Intérêts fleurissent ! L’exemple de la Convention d’Appui à la Lutte contre la Pauvreté et d’Accès à l’Emploi (CALPAE) est emblématique : le titre est « ronflant » mais l’État n’est pas à la hauteur des enjeux financiers.
Les 800 000 € qu’il nous attribue dans ce partenariat ne pèse rien par rapport aux 59 millions d’euros de reste à charge du Département pour le versement des allocations individuelles de solidarité (RSA, APA, PCH).
Prenons un autre exemple : l’expérimentation du service public de l’insertion et de l’emploi (SPIE). Cette dernière n’est pas encore terminée dans le Tarn que l’expérimentation du RSA sous condition est lancée dans 18 Départements !
Avancer un projet de loi France Travail, avant la fin des expérimentations et leur évaluation, comme l’a fait le Ministre du Travail, n’est pas acceptable, c’est même fortement révélateur !
Je ne peux admettre que nos collectivités soient reléguées sur le volet très social de l’insertion au détriment de France Travail. Les Départements disposent d’une connaissance fine du public, des besoins des entreprises et assument un service public au plus près des habitants. Cette expertise devra obligatoirement être au cœur de la future réforme.
En multipliant ce type de dispositifs, l’État contrôle, ordonne et recentralise dans des secteurs où l’on peut s’interroger sur la plus-value qu’il est capable d’apporter ! Il n’en a ni les moyens financiers ni les moyens humains.
Sous couvert de partenariat, cette méthode permet au Gouvernement de tenir la bride courte aux Départements.
Cette recentralisation génère également un effet pervers, la forte mobilisation du personnel départemental. Ces multiples appels à projets sont trop exigeants en termes de constitution des dossiers et de contrôles. Ils génèrent donc le développement d’une bureaucratie de plus en plus étouffante !
Cela s’apparente à un sabotage minutieux de l’action des Départements !
À travers un processus construit, l’État veut cantonner les Départements au simple rôle de prestataire de service des politiques de solidarité. Il faut rompre avec cette logique mortifère pour nos populations et nos territoires.
40 ans après « l’Acte I de la décentralisation », dans une période où des interrogations très fortes s’expriment sur l’évolution de notre démocratie, toutes les études démontrent que plus un pays est décentralisé, plus les citoyens sont satisfaits de l’action publique.
Faisons de cette confiance une chance !
Renouons avec l’esprit de la Décentralisation. Donnons plus de libertés aux collectivités afin de répondre aux enjeux d’aujourd’hui et de demain ! «
Christophe Ramond, Président du Conseil départemental du Tarn