Spécialisée en communication, Cécile DELOZIER accompagne des élus dans leur prise de parole partout en France. Elle conseille des élus locaux, des parlementaires mais aussi des candidats aux élections dans leur stratégie de communication et leur capacité à persuader et à convaincre en présentiel ou dans les médias . Sa pédagogie est fondée sur la bienveillance afin de développer la confiance en soi et pouvoir ainsi réaliser des performances.
La France a reçu le roi d’Angleterre Charles III. Comment appréciez-vous la communication qui a été faite de sa venue ?
D’abord , cette visite a bénéficié d’un supplément d’intérêt du fait de son report. Initialement prévue au printemps, elle a été reportée en raison des manifestations, générant par ce fait un temps d’attente et donc une dramatisation supplémentaire.
En communication, on appellerait ça du « teasing », un procédé publicitaire censé éveiller la curiosité du public. De plus, il est intéressant de remarquer qu’en communication politique le report a priori malheureux d’un événement peut avoir des effets bénéfiques.
Que voulez-vous dire ?
Les images diffusées du président Macron au château de Versailles accompagné de Sa Majesté ont offert un contrepoint opportun aux images calamiteuses de la cérémonie d’ouverture de la coupe du monde de rugby durant laquelle le chef de l’État a été copieusement sifflé par les supporters. Cette séquence de l’agenda me paraît être un heureux hasard.
Pensez-vous qu’une image chasse l’autre ?
On pourrait le croire. Mais dans le kaléidoscope d’images dans lequel le terrien du XXIe siècle est plongé quotidiennement, la loi de l’émotion la plus forte domine.
Ce n’est pas que la chronologie des images qui compte. Même si les photos du protocole dans ce lieu somptueux et symbolique du château de Versailles essaient de restaurer une autorité altérée, la puissance émotionnelle dégagée par la scène humiliante du stade de France dominera à terme dans nos têtes.
L’esprit humain est ainsi fait qu’il garde en mémoire beaucoup plus les parfums de scandale que les scènes lisses et policées.
Comment agit la communication de ces deux événements ?
La réception d’un monarque vient toucher l’imaginaire des gens dans ce qu’il a de plus paradoxal : les Français adorent les têtes couronnées ET ils sont un peuple régicide. Ils sont fiers et honorés d’accueillir le roi d’Angleterre et ils huent leur chef dans un stade dont les images honteuses sont relayés dans le monde entier. Attraction et répulsion cohabitent simultanément dans le cœur des gens.
Qu’est-ce qui plaît véritablement aux Français dans cette représentation royale du pouvoir ?
La transcendance inhérente à la monarchie. Il y a dans cette forme de pouvoir une verticalité intangible qui interpelle la rationalité et peut charmer le cœur. C’est tout ce qu’on peut voir mis en scène dans la série « The Crown » sur le règne d’Elizabeth II. Le protocole est constitutif du pouvoir. En reproduisant imperturbablement au cours du temps les mêmes gestes codés, on entretient ce même pouvoir . Quand la France reçoit le roi d’Angleterre au château de Versailles, elle utilise objectivement l’un de ses plus beaux joyaux architecturaux mais surtout elle cherche à capter une part de magie de la majesté royale. On voit que le chef de l’État qui souffre d’un déficit d’autorité et de respect pour sa fonction a pu être tenté de bénéficier d’un peu de cette magnificence propre aux monarques. C’est en tout cas ce que laisse penser la communication élyséenne de cette rencontre en grande pompe.