Alors que la loi « bien vieillir » vient à nouveau d’être reportée, en totale contradiction avec les engagements pris de Jean-Christophe Combe après un premier report au mois d’avril, nous ne pouvons qu’être inquiets quant à la réalité par l’ambition portée par la majorité sur ce sujet, pourtant essentiel. D’autant plus inquiets que, même la corapporteure du texte, Annie Vidal, semble parler de cette loi au passé.
Or, le scénario central de toutes les études démographiques est clair : le vieillissement de la population est inéluctable et, d’ici à 2050, près d’un Français sur trois sera âgé de plus de 65 ans. Nous compterons d’ici là environ 5 millions de personnes âgées de plus de 85 ans, soit une hausse de 150 % par rapport à aujourd’hui. Dès 2030, le nombre de personnes de plus de 65 ans sera supérieur à celui des moins de 15 ans : notre pays va vivre une vraie mutation, et nous ne sommes pas prêts.
Cette loi n’était sans doute pas aboutie. Elle manquait sans aucun doute d’ambition, mais elle aurait au moins permis, quelques mois après les révélations du scandale Orpea notamment, d’enfin poser un débat très clair sur le traitement de nos aînés
Comment souhaitons-nous que nos personnes âgées soient traitées dans notre pays ? Le « bien vieillir », comme on l’appelle, est un sujet essentiel parce qu’il s’agit d’un indicateur civilisationnel. Il en est de notre capacité à savoir d’où l’on vient, de nos repères, de notre attachement à la transmission, à la famille. Au fond, à ce qui fait l’unité d’une nation.
Un sujet essentiel, ensuite, parce que si le « bien vieillir » vient d’être reporté d’un coup de plume, le « mal vieillir », lui, est bien présent et risque de se renforcer très sérieusement si rien n’est fait. Alors que notre pays est en situation de désertification médicale et que l’espérance de vie en bonne santé des Français est aujourd’hui inférieure à la moyenne européenne, il est impensable que le vieillissement de la population ne soit pas anticipé. Parce qu’il entraînera mécaniquement une hausse des demandes et des besoins en soins et en particulier, selon l’OMS, une hausse des maladies chroniques, telles que les maladies cardiovasculaires, le diabète, les affections respiratoires et les problèmes de santé mentale, le bien vieillir est un sujet de santé publique majeur.
De la même manière, comment traiterons-nous le sujet de la dépendance et du maintien à domicile, qui constitue une volonté accrue d’une large majorité de Français ? Nos services d’aide à domicile sont aujourd’hui au bord du gouffre et vivent une situation de crise sans précédent, avec des difficultés de recrutement inédites alors même qu’ils étaient cités en exemple parmi les millions de professionnels sur lesquels la France a pu compter durant le Covid.
Emmanuel Macron avait inscrit dans son programme de la présidentielle le recrutement de 50 000 infirmiers et aides-soignants : espérons qu’à leur tour et sur ce sujet précis, les promesses ne soient pas déjà reportées ou, pire, qu’elles ne se soient envolées.
Isolement et liens familiaux, lutte contre la maltraitance, accès aux services publics, mobilité… Le bien vieillir en France est un immense chantier qui mérite mieux que des péripéties de timing et de communication politique qui a, semble-t-il, guidé ses reports. Dès la rentrée, anticipons ce grand chamboulement démographique et travaillons pour garantir à nos personnes âgées le « bien vieillir » qu’elles méritent et qu’elles attendent.