Les prévisions électorales sont la plupart du temps compliquées à établir, tant sont peu fiables les sondages :
Qui avait prévu l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République, à l’automne 2016 ? François Fillon n’était-il pas, alors, le favori de tous les sondages ?
Qui pouvait prévoir la descente aux enfers, en deux paliers, de LR, aux Européennes de 2019 (8,48%), puis aux Présidentielles de 2022 (4,78%) ?
Qui pouvait imaginer la Bérézina du parti socialiste depuis le firmament (élection de François Hollande à l’Elysée en 2012 et majorité dans les deux chambres du Parlement), jusqu’à la chute abyssale scandée par le score lamentable de Benoît Hamon aux présidentielles de 2017 (6,35%), l’impossibilité de présenter un candidat sous ses couleurs aux présidentielles de 2022 et l’obligation de rallier la NUPES sous le leadership de LFI et de Jean-Luc Mélenchon et ce, avec l’objectif certes très humain, mais peu glorieux de sauver une poignée de députés ?
Mais il est une élection qui échappe à la règle : les élections sénatoriales, où quelles que soient les séries renouvelables, les résultats apparaissent largement prévisibles.
Cette année 2023, élection de la série 1, sur les deux que comporte désormais la Haute Assemblée, où 170 sièges sont à pourvoir le dimanche 24 septembre sur les 348 que compte aujourd’hui le Sénat, ne devrait pas faire exception à ce constat.
- La série 1 porte sur
les sièges des 38 départements hexagonaux, ceux dont le numéro est compris entre 37 (Indre-et-Loire) et 66 (Pyrénées orientales), ainsi que ceux des départements d’Ile-de-France ; - ceux des 6 collectivités (département, région ou collectivité) d’outre-mer : Guadeloupe, Martinique, La Réunion, Saint-Pierre-et-Miquelon, Mayotte, Nouvelle-Calédonie ;
- les six sièges pour les Français établis hors de France.
Le caractère largement prévisible des résultats de l’élection du 24 septembre tient, bien évidemment, à la composition du collège électoral de chaque département, beaucoup moins volatil que celui de toutes les autres élections. A celles-là, en effet, sont invités à participer tous les citoyens et citoyennes, inscrits sur les listes électorales (et même pour les municipales les nationaux des autres pays de l’Union européenne).
Pour les sénatoriales, en effet, seuls 78000 grands électeurs environ seront appelés aux urnes ce dernier dimanche de septembre.
On précisera que ceux d’entre eux qui ne sont pas membres de droit, à savoir les délégués des conseils municipaux, soit plus de 95% des collèges électoraux des départements, ont été élus le 9 juin 2023.
Aux termes de l’article L.280 du code électoral, les autres grands électeurs sont les sénateurs et des députés élus dans le département, l’ensemble des conseillers départementaux, les conseillers régionaux élus dans le département, ainsi que les conseillers de l’Assemblée de Corse et de ceux de l’Assemblée de Guyane.
Pour les sénateurs représentant les Français établis à l’étranger, le collège électoral est constitué des députés élus par les Français établis hors de France, des sénateurs représentant les Français établis hors de France, des conseillers consulaires et des délégués consulaires.
Précisons qu’à la différence des autres élections, le vote est obligatoire gatoire pour les grands électeurs sénatoriaux et leurs délégués suppléants, sous peine d’une amende de 100 euros si la non-participation au scrutin n’est pas justifiée (article L. 318 du code électoral).
Ce qu’il importe de savoir, également, c’est que suivant la taille des départements, appréciée en termes d’importance de la population (et non de superficie ou de personnes inscrites sur les listes électorales), le nombre de sièges à pourvoir et le mode de scrutin varient.
Les sénateurs sont élus :
au scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour les circonscriptions désignant un ou deux sénateurs ;
au scrutin de liste à la représentation proportionnelle pour celles qui désignent trois sénateurs ou plus.
Pour illustrer cette règle, on relèvera que le département des Pyrénées-Orientales (481 691 habitants en 2019) élit 2 sénateurs au scrutin majoritaire à 2 tours, alors que la Manche (492 627 la même année) en élit 3 au scrutin proportionnel de liste à 1 tour.
Les départements et collectivités appelés à désigner 1 ou 2 sénateurs le 24 septembre sont :
En métropole : le Jura, les Landes, le Loir-et-Cher, la Haute-Loire, le Lot, le Lot-et-Garonne, la Lozère (1 sénateur), la Haute-Marne, la Mayenne, la Meuse, la Nièvre, l’Orne, les Hautes-Pyrénées, les Pyrénées-Orientales
Outre-mer : la Guyane, la Martinique, Mayotte, la Nouvelle Calédonie, Saint-Pierre-et-Miquelon (1 sénateur).
Sur les 170 sièges à pourvoir 36 donc le sont dans les départements et collectivités élisant leurs sénateurs au scrutin majoritaire, soit 21,17 % du total. On peut raisonnablement penser que ce sont des circonscriptions électorales où la personnalité des candidates et candidats compte au moins autant que leur étiquette politique. Et par ailleurs, s’agissant de territoires majoritairement ruraux, les grands électeurs appelés aux urnes sont plus conservateurs que ceux des grandes métropoles, ce qui n’exclut pas des exceptions dans les départements fortement ancrés à gauche (Lot, Nièvre, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Orientales).
On relèvera, également qu’un grand nombre de sénateurs seront élus dans les départements fortement urbanisés de la région Île-de-France (53), du Nord (11) et du Pas-de-Calais (7), ainsi que du Rhône (7), soit 78 au total, c’est-à-dire plus de la moitié (55,71% du total). Or, dans ces départements, la personnalité des candidats compte peu. C’est l’étiquette qui prime !
Quelles conclusions en tirer, alors même qu’à l’heure où ces lignes sont écrites, les candidatures ne sont pas déposées et même pas toutes connues, puisque la date limite d’enregistrement des candidatures est fixée au 8 septembre ?
Sans aucun doute, qu’il n’y aura pas beaucoup de changements !
En effet, si le Rassemblement National et la NUPES ont remporté de grands succès à l’élection présidentielle et aux législatives du printemps 2022, ces victoires ne pourront pas se traduire lors des élections sénatoriales, car elles auront été sans effet sur la désignation des grands électeurs.
Si les élections municipales de 2020, le plus grand pourvoyeur de grands électeurs, ont marqué un recul du RN au plan national (840 sièges dans les conseils municipaux contre 1438 en 2014), ses succès locaux dans le Nord, le Pas-de-Calais, l’Oise, la Moselle et surtout les Pyrénées-Orientales, avec la conquête de Perpignan, laissent espérer le gain de plusieurs sièges (de 5 à 10 selon les estimations des spécialistes. Ce qui est mieux que l’absence actuelle de sièges, depuis la défection de Stéphane Ravier, sénateur des Bouches-du-Rhône, passé avec armes et bagages chez Eric Zemmour. Mais cette timide percée attendue du RN n’est pas de nature à mettre en péril la majorité sénatoriale !
Côté NUPES rien ne va plus ! Car tant les écologistes, boostés par leurs succès dans les grandes villes (conservation de Grenoble, maintien des positions à Paris, gain de la ville de Lyon), que les socialistes et les communistes, tous humiliés lors des élections de 2022, par LFI, ont décidé de courir sous leurs propres couleurs. Choix logique, car les élus locaux socialistes, communistes et écolos sont toujours là, alors que les effectifs de LFI dans les conseils municipaux sont bien maigres ! On se bornera ici à constater que cette stratégie de division va sans doute permettre au PS et au PC de conserver quelques sièges, et aux verts de progresser. Mais il est bien douteux que la gauche sénatoriale s’en trouve renforcée !
Gérard Larcher, candidat à sa réélection dans les Yvelines et à la tête du Sénat, peut dormir sur ses deux oreilles, d’autant plus que l’on ne voit pas qui pourrait lui disputer le poste de 2ème personnage de l’Etat.
La succession, c’est pour plus tard : 2026 ? Pas certain !
Après tout, à cette date, le Sénateur des Yvelines, n’aura que 77 ans, âge limite pour lire Tintin, mais non pour présider la Chambre Haute du Parlement.