« L’Etat doit davantage se servir des Départements et de leurs élus pour conduire ses politiques, retrouver le sens du terrain et insuffler de nouvelles ambitions dans les territoires et pour la France. »
Alain Pichon, parlez-nous de votre parcours. Comment êtes-vous devenu Président ?
Élu municipal à 20 ans puis maire à 30, sans discontinuer depuis, j’ai été élu en 2011 au Conseil Général en charge de l’environnement. J’ai pris ce mandat à cœur comme celui de Maire, je suis ensuite devenu Président de l’Association des Maires de la Vienne où je me suis investi au niveau départemental pour défendre les Maires, les collectivités et leurs élus au sein de cette belle organisation nationale que représente l’AMF. C’est un mandat passionnant mais difficile. En 2020 je me porte naturellement, candidat à la présidence du Département à la suite de l’élection de l’ancien Président Bruno Belin, au Sénat. Ma seule motivation est de faire avancer mon territoire au service des habitants.
Quel est votre positionnement politique et quelle est la situation politique de la Vienne ?
Dans un monde de plus en plus complexe et une société de plus en plus fracturée, je crois aux vertus de l’équilibre et de la sobriété. Contrairement à ce que l’on entend parfois, il faut du courage pour résister à la tentation radicale à laquelle succombent trop de responsables politiques. Quand on est aux responsabilités il faut rester les pieds ancrés dans la terre et travailler ensemble.
La Vienne a toujours été une terre d’équilibre et de projets. Il est difficile à définir, mais il repose, je crois pour l’essentiel, sur l’idée de « faire » et d’avancer ensemble dans l’intérêt du territoire tout entier. C’est ce qui caractérise notre département et qui fait aujourd’hui sa force. Il existe des clivages, évidemment, comme partout dans le pays, mais nous cherchons à les dépasser, sans idéologie mais avec pragmatisme. Toute l’équipe autour de moi est mobilisée dans ce sens !
Quel est votre avis sur un éventuel retour du conseiller territorial ?
A chaque nouvelle élection nous avons le droit à l’éternel retour du conseiller territorial. Je ne crois absolument pas à cette réforme car on a vu le résultat avec la création des méga-régions en 2015. La Région Nouvelle-Aquitaine, notre région la plus grande de France, est un cas d’école. Il ne peut plus y avoir Bordeaux et le reste du monde ; si la Région veut être puissante elle doit s’appuyer sur les territoires. Le citoyen est éloigné de la décision publique et cela entraîne sa perte de confiance pour l’action publique et ceux qui la font.
Alors, pour répondre à votre question, je ne pense pas qu’un élu qui soit à la fois au Département et dans une vaste région puisse exercer son mandat en proximité avec les habitants. Comment en être autrement quand on siège à plus de 300 kilomètres du lieu dans lequel on est élu ? Ce n’est pas une énième réforme territoriale de ce type qui redonnera confiance à nos concitoyens. La crise démocratique et institutionnelle est bien plus profonde.
Justement, quel regard portez-vous sur le redécoupage des régions et sur la loi de non-cumul des mandats ?
Concernant le redécoupage des régions, il faudrait un vrai débat avec tous les élus du territoire et consulter nos concitoyens pour leur demander leur avis. Ce qu’ils attendent c’est de la proximité et de l’efficacité dans les politiques publiques que nous portons.
Nous sommes nombreux à faire le constat de la trop grande déconnexion entre les élus nationaux et nos concitoyens. De ce point de vue, la loi de non-cumul des mandats a fait beaucoup de mal à notre démocratie représentative. Pour un parlementaire, rester maire permettrait de garder les pieds sur terre ! Ce n’est pas populaire mais c’est pourtant l’intérêt des territoires. Au-delà, cela permet aussi de défendre les projets de plus en plus difficiles à monter financièrement.
« Notre politique départementale se fonde sur trois piliers : les solidarités, l’aménagement et le développement durable, la jeunesse et l’éducation »
Quels sont les axes principaux de votre politique départementale ?
Notre politique départementale se fonde sur trois piliers : les solidarités, l’aménagement du territoire et le développement durable, la jeunesse et l’éducation.
Dès le début du mandat, j’ai souhaité placer la jeunesse au cœur de notre action. Nous en avons fait notre grande cause départementale. Nous avons considérablement augmenté nos investissements, en portant par exemple notre Plan Collèges à près de 200 millions d’euros sur la durée du mandat. La Vienne est aussi fortement engagée dans le numérique éducatif pour construire l’école du 21e siècle.
Le Département porte une véritable stratégie en matière de numérique éducatif. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Oui, c’est un projet qui me tient particulièrement à cœur. Il y a une vraie dynamique territoriale en faveur du numérique éducatif dans la Vienne. Ce n’est pas un hasard si la Vienne est le premier Territoire Numérique Educatif de Nouvelle-Aquitaine !
Par ailleurs, un Pôle Numérique de l’Education et de la Formation basé sur la Technopole du Futuroscope ouvrira bientôt ses portes.
Toute dernière nouveauté, la Vienne est le premier Département de France à financer et à expérimenter un nouvel Environnement Numérique de Travail, l’ENEJ, pour mieux répondre aux besoins scolaires et proposer les meilleurs services aux collégiens de la Vienne et à leur famille.
Pouvez-vous nous citer d’autres actions du Département de la Vienne qui vous paraissent originales et exemplaires ?
Nous venons de vivre un très bel été dans la Vienne grâce à la Caravane des Sports qui sillonne notre département pour proposer à des jeunes des vacances sportives, ludiques et gratuites. Dans le même état d’esprit, avons organisé la 19e édition du festival « Les Heures Vagabondes ». Des concerts gratuits, partout dans la Vienne, durant tout l’été, avec la volonté d’attirer le plus grand nombre de spectateurs.
Au chapitre des solidarités, le Département place la politique du handicap au cœur de son action. Dans quelques semaines, se tiendront une nouvelle fois les États Généraux du Handicap. L’année dernière, cette journée d’échanges avec l’ensemble de nos partenaires et des personnes concernées a permis d’élaborer un plan d’action départemental centré sur l’accompagnement humain et le développement de l’inclusion.
Un mot sur notre dispositif d’Accompagnement des Communes et des Territoires pour l’Investissement dans la Vienne (ACTIV’). Ce sont 20 millions d’euros qui sont investis chaque année au service des collectivités pour les soutenir et les accompagner dans leurs projets. Une politique d’attractivité qui fait du Département le premier partenaire des communes et des EPCI. C’est dans notre ADN depuis toujours.
« Grâce à notre locomotive touristique, le Futuroscope, et ses nombreux sites, la Vienne a une véritable carte à jouer en matière de tourisme. »
Vous insistez beaucoup sur l’attractivité du territoire.
C’est un sujet majeur pour notre territoire. Avec 100 millions d’euros d’investissements, la Vienne est une collectivité attractive. Nous possédons plusieurs leviers qui stimulent la vitalité économique de notre territoire, qu’il s’agisse de la Technopole du Futuroscope, de la SEML Patrimoniale de la Vienne ou encore de l’aéroport de Poitiers-Biard, réel atout pour l’attractivité de la Vienne.
Cette politique d’investissement profite à tout le département. Bien qu’ayant perdu des compétences avec la loi NOTRe, notre Département continue de jouer un rôle essentiel d’appui au tissu économique et à l’emploi local.
Grâce à notre locomotive touristique, le Futuroscope, et ses nombreux sites, la Vienne a une véritable carte à jouer en matière de tourisme. C’est une activité porteuse d’attractivité pour notre département, et une filière que nous continuons à structurer et à développer avec tous les acteurs. Ce sont des emplois non délocalisables.
L’année prochaine, le Département accueillera la flamme olympique. A quoi vous attendez-vous ?
La Vienne accueillera le Relais de la Flamme Olympique le 25 mai 2024. C’est la petite histoire dans la grande histoire des Jeux Olympiques et Paralympiques. Une fois tous les 100 ans, c’est historique !
On veut que cette journée soit une grande fête qui rassemble toute la Vienne autour des valeurs du sport. C’est ça l’esprit des Jeux Olympiques. Nous sommes mobilisés et tournés vers 2024 pour célébrer et partager la ferveur des Jeux, au cœur des territoires et de nos communes, avec l’ensemble des partenaires et des habitants. C’est à l’ARENA Futuroscope, notre nouvel écrin, que nous clôturerons ces festivités.
Diriez-vous que l’échelon départemental a de l’avenir ?
Je dirai même qu’il représente l’avenir, car le Département est l’échelon essentiel pour relever les nombreux défis qui sont devant nous, avec les communes. Je crois beaucoup à la force de la proximité. L’avenir est à la proximité, pour la cohésion. C’est indispensable pour rapprocher le citoyen de la décision publique en le remettant au centre du jeu.
L’État doit davantage se servir des Départements et de leurs élus pour conduire ses politiques, retrouver le sens du terrain et insuffler de nouvelles ambitions dans les territoires et pour la France. C’est au niveau local qu’on agit le plus vite. Le Président René Monory, dont nous venons de célébrer le centenaire de la naissance, l’avait bien compris. Parmi ses héritiers, nous sommes nombreux à réclamer davantage de liberté et de pouvoir pour les territoires. C’est ça la vraie décentralisation dont nous avons besoin aujourd’hui !