A nous d’inscrire cette rentrée sous le signe de l’optimisme et de la confiance.
Une vigilance adossée à l’éclairage d’un de nos plus grands auteurs.
Le propre des grands écrivains est de continuer à nous éclairer longtemps après la publication de leurs œuvres. Stefan Zweig fait clairement partie de ceux-là. Son essai « Conscience contre violence », datant d’avril 1936, est sans doute indispensable pour naviguer sur les mers agitées que nous traversons. Par-delà le récit historique, le génie de Zweig est tel que ses réflexions sur la liberté apparaissent plus que jamais d’actualité.
Il y rappelle l’antagonisme éternel entre liberté et autorité. Il souligne qu’une société ne peut se développer de façon pérenne qu’en suivant une voie médiane. La liberté est inconcevable sans une certaine autorité, sous peine de dégénérer en chaos ; l’autorité requiert la liberté, sans quoi elle dérive inexorablement vers la tyrannie. Zweig défend par ailleurs ardemment la liberté de conscience. Puisque nos idées sont le fruit de nos histoires personnelles, de nos influences et de nos expériences, il serait chimérique de croire à l’avènement d’une société uniforme qui nierait la diversité des avis et des convictions. Nous devons ainsi résister aux idéologues, même sincères et déterminés, qui promettent des lendemains chantants tout en recommandant la multiplication des interdits ou en justifiant la violation des droits individuels au nom du « bien des hommes ». Nous en connaissons tous et ils ne cessent de se multiplier notamment du côté des écologistes radicaux. De façon prémonitoire, Zweig nous met aussi en garde. Alors que l’affaiblissement démocratique est palpable, que la fascination pour des régimes autoritaires refait surface, que certains livres sont censurés ou réécrits, que certains acquis sont remis en cause et que les discours légitimant la violence sont largement médiatisés, relisons le penseur viennois : un droit n’est jamais conquis définitivement ; aucune liberté n’est à l’abri, surtout lorsqu’elle est devenue une habitude et non plus un bien sacré. Comme il le remarque, c’est toujours lorsque les hommes jouissent depuis trop longtemps de la paix qu’ils sont pris de la funeste envie de connaître la griserie de la force et du désir criminel de se battre.
Une contribution susceptible de nous permettre de bénéficier des opportunités des transformations actuelles.
En 1973, le monde entier considérait que la France allait devenir le pays dont la croissance économique serait la plus forte, dépassant tous ses voisins. Que s’est-il passé pour que le pacte gaullo-pompidolien qui guidait notre pays se trouve ainsi défait ? Aujourd’hui en effet, tous les indicateurs convergent : richesse, balance commerciale, endettement …
Retrouver la puissance économique est un objectif à notre portée car la transformation du monde en train de s’opérer rebat les cartes.
Les transformations en cours conduisent à la fin de la globalisation telle que nous l’avons connue depuis trente ans. Nous sommes engagés dans un retour au primat du politique sur l’économie, avec les notions de souveraineté et d’indépendance, dans une nécessité de réindustrialisation du monde occidental (les Etats-Unis s’y sont déjà largement engagés), et dans une inflation structurelle puisque les productions seront plus coûteuses. Dans ce cadre, la France garde les attributs d’une puissance géopolitique (armée, constitution solide permettant de travailler sur le temps long…), bénéficie d’un système énergétique fondé sur le nucléaire (filière affaiblie par dix ans d’errements stratégiques, mais désormais le tournant est pris), et enfin dispose de capacités technologiques pour gérer les mutations.
A la croisée des chemins.
Il nous appartient de trouver la volonté de redresser le pays à travers la mobilisation de l’ensemble de ses forces vives au service d’un projet commun. Pour cela, nous devons nouer un nouveau pacte entre l’État, les entreprises et les citoyens, c’est-à-dire une nouvelle forme de gouvernement impliquant chacune de ces parties. L’État doit bien sûr se réformer : recours à la planification, non technocratique, mais fixant une vision commune qui engage, mais aussi rehausser la qualité des services publics et maîtriser la dépense. La raison d’être des entreprises doit quant à elle être redéfinie, il ne s’agit plus de seulement d’enrichir les actionnaires, mais de s’inscrire dans une communauté d’intérêts renforçant la participation des salariés à leur gouvernance et au partage de la valeur. L’adhésion des citoyens aux efforts nécessaires implique une revitalisation de la vie démocratique, car c’est par l’expression démocratique que se forment non seulement le consentement mais aussi l’engagement autour du projet commun qui fédère la nation.
Cette confiance se nourrit de l’histoire d’un pays oscillant entre grandeur et déclin, mais qui a toujours su trouver en lui les forces du redressement et du renouveau. Cette confiance se nourrit des opportunités que nous offrent les transformations actuelles. Je préfère ce terme à celui de « crises », toujours anxiogène, alors que pourtant, comme l’écrivait le philosophe Antonio Gramsci, la crise « c’est le moment où l’ancien ordre du monde s’estompe et où le nouveau doit s’imposer en dépit de toutes les résistances et de toutes les contradictions ».