A l’heure ou plusieurs collectivités sont engagées au travers de dispositifs expérimentaux sur une trajectoire de fiabilisation de leurs comptes, la réforme de la responsabilité financière des gestionnaires publics constitue une opportunité supplémentaire pour le renforcement du dispositif de maîtrise de leurs risques.
Une opportunité de coopération constructive entre ordonnateurs et comptables publics…
Rappelons que la séparation ordonnateur-comptable demeure le principe cardinal de l’organisation de la chaîne financière, le comptable conservant pleinement son rôle en matière de contrôle des fonds publics. Cette réforme emporte notamment la fin du régime de responsabilité personnelle et pécuniaire auquel sont soumis les comptables publics et l’exonération de toute responsabilité des agents s’appuyant sur un ordre écrit d’un élu ou sur une délibération de l’organe délibérant en lien direct avec l’objet de l’infraction. En ce sens, l’action publique locale bénéficie davantage de la possibilité de s’extraire de contrôles formels et parfois fastidieux et pour s’appuyer sur une approche hiérarchisée et ainsi maîtriser les risques les plus significatifs. Ce cadre est indéniablement favorable à la rénovation du partenariat ordonnateur-comptable, et va induire davantage de transversalité dans la définition et l’exécution des contrôles sur la base d’une analyse partagée des risques.
Une opportunité de partage de la responsabilité et de refonte des processus de maîtrise des risques…
La réforme prévoit l’absence de sanctions pour les justiciables ayant agi conformément aux instructions de leurs supérieurs hiérarchiques. La responsabilité de ces derniers se substituant à celle des justiciables, cette nouvelle responsabilité porte en réalité principalement sur la direction générale des services.
Quelques mois après l’entrée en vigueur de la réforme, les conséquences de ces changements sur la responsabilité managériale ne sont pas encore maîtrisées. Néanmoins, des évolutions en matière de gouvernance du pilotage des risques et de définition des processus vont s’imposer, notamment pour éviter le reflexe du « parapluie » qui rigidifierait les mécanismes de prise de décision. Pour cela, il est indispensable de renforcer les dispositifs de contrôle interne, de moderniser les systèmes d’information, et de mettre en place les mécanismes de sécurisation juridique des process grâce notamment à une distribution pertinente des rôles et des tâches fondée sur les compétences de chacun.
… au service de la mission des départements
Bien que le nouveau régime de responsabilité financière soit davantage attaché à l’individu, il n’en engendre pas moins des logiques et réflexions collectives. En ce sens, il convient de bien mesurer ses conséquences générales sur le quotidien des départements en matière de gouvernance, dispositif de maîtrise des risques, définition des rôles et compétences, transversalité des processus et de modernisation de la chaîne comptable et financière, incluant les systèmes d’information. Les départements vont engager, à l’issue d’une phase de diagnostic, un plan d’actions adapté. Il s’agit ainsi d’une démarche collective qui permettra aux départements non seulement de disposer des outils internes nécessaires à leur mission fondamentale de poursuite de l’intérêt général et de production de services publics mais aussi éviter des sanctions individuelles.
Bruno GÉRARD
Associé EY – Responsable Audit et Conseil Financier Secteur Public
Dorothée BELLE
Associée EY – Responsable Conseil Finances publiques
El Mehdi LAMRANI
Senior Manager EY, Secteur Public Local