La question de la réforme institutionnelle, et par voie de conséquence constitutionnelle, revêt une dimension plus essentielle qu’on ne le croit ou qu’on ne veut le croire. Si ces sujets sont moins médiatiques que nombre d’autres, ils n’en sont pas moins premiers car, en fait, tout le reste en dépend. Changer de système pour éviter l’effondrement, la décadence, passe par la redynamisation de notre démocratie aujourd’hui mise à mal.
Garantir l’égalité des conditions et la souveraineté populaire, nécessite que la volonté politique exprimée lors du vote s’applique et que notre contrat social soit respecté. Pour que chacun s’exprime, pour que le projet soumis au vote soit mis en œuvre, pour répondre à l’abstention grandissante et à l’impuissance croissante, il convient à la fois que chacun vote et que ce vote ait un sens, fasse bouger les choses.
Une Vème République à la fois robuste et souple.
La robustesse de la Vème République n’est plus à démontrer, sa souplesse non plus. Elle sait nous offrir un régime présidentiel quand les votes et les majorités sont alignés, elle sait faire valoir un régime parlementaire lorsque tel n’est pas le cas. Il convient à ceux qui en ont la charge de l’appliquer avec doigté, dans le respect de la République sociale et décentralisée qui est la nôtre. C’est la confusion, au sens de la confusion des ordres de Pascal, et au premier chef la confusion entre « présider » et « gouverner », qui peuvent créer le trouble. A nous, collectivement, de respecter la démocratie représentative, l’esprit de la Vème République et d’en faire le meilleur usage.
Puisque, en effet, les dangers sont là et nous guettent. Tocqueville mentionnait déjà les deux dangers majeurs qui ont une actualité toute particulière. Le premier est celui de l’individualisme, du repli sur la sphère privée. On voit combien il est aujourd’hui présent avec des comportements de consommateurs plus que de citoyens, à bien des égards. Le second est celui de l’incivilité qui repose dans cette acception sur le fait de peser sur les autres de tout le poids de sa personnalité, avec le souci de l’image et de la communication, bien plus que du fond. Si ce terme revêt en plus aujourd’hui d’autres dimensions, celle-ci semble bien ronger plus que jamais le système.
Les blocages limitent l’expression du vote populaire.
Les blocages qui ne permettent pas, ne permettent plus, l’expression du vote populaire, font courir des risques majeurs à notre démocratie. Ils sont multiples : du poids du supra-national à l’avènement d’une administration qui s’est bien souvent substituée au politique. Le droit européen s’impose sans disposer à ce jour de la légitimité démocratique. Les Cours Suprêmes (du Conseil Constitutionnel au Conseil d’Etat, de la Cour de Cassation à la Cour Européenne des droits de l’homme ou à la Cour de Justice de l’Union Européenne), les autorités judiciaires, hors de tout contrôle démocratique, imposent de plus en plus leur idéologie, instaurant un « gouvernement des juges » qui présente un danger et une limite à l’exercice démocratique. Les autorités administratives indépendantes, en croissance constante, la multiplication des agences, comme le recours aux consultations citoyennes, présentent aussi un réel risque pour notre système démocratique.
Le besoin d’une efficacité renforcée et d’une confiance renforcée.
Ainsi, les objectifs que nous pourrions poursuivre pour conduire une réforme institutionnelle essentielle, reposent sur une efficacité renforcée de l’action publique et une confiance retrouvée pour chacun. Notre loi suprême doit aussi faciliter le rassemblement de toute notre communauté nationale, la reconnaissance de chacun en son sein et le respect de tous. Simplifier, décentraliser et différencier doivent aussi figurer au cœur des objectifs poursuivis. La réforme de l’Etat constitue en ce sens un réel préalable.
Deux enjeux majeurs et des questions systémiques.
Notre constitution, nos institutions, doivent nous permettre de faire face à deux enjeux majeurs aujourd’hui ballotés :
- Un enjeu civilisationnel autour de plusieurs questions centrales : questions sociétales, sécurité et justice, éducation et intelligence artificielle, dimension environnementale autour des ZFE et du ZAN en particulier, la redéfinition de notre rapport au travail …
- Un enjeu de souveraineté autour des questions financières et budgétaires qui exigent l’instauration de la règle d’or, mais aussi de celles de la défense, de l’agriculture, de l’industrie et des services.
Les questions qui sont aujourd’hui fréquemment évoquées lorsqu’on parle de réformes institutionnelles touchent au réglage de la mécanique de notre système pour qu’il réponde mieux aux attentes de nos concitoyens, et à l’équilibre des pouvoirs. Pour ma part, je propose l’instauration du vote obligatoire et en parallèle la reconnaissance du vote blanc. L’instauration d’une part de proportionnelle s’invite aussi souvent dans les débats, je pense qu’on ne peut plus s’y soustraire. Le renforcement des consultations citoyennes, sur le modèle des votations suisses, semble aussi pertinent pour peu qu’il touche le quotidien et non la complexité de sujets qui doivent rester de la responsabilité du Parlement. Les questions de la durée du mandat présidentiel et celle du cumul, méritent aussi d’être reposées. De même la place, le rôle et les compétences des collectivités territoriales peuvent encore être précisés pour davantage d’efficacité de proximité, dans la clarté de la compétence exclusive, sauf pour la commune, et de respect des libertés locales. La hiérarchie des normes et la débureaucratisation de notre système, le volet justice, devront aussi être traitées dans ce cadre vers une clarification institutionnelle : la priorité des priorités.
Le Président de la République a confirmé encore récemment sa volonté de faire advenir une clarification institutionnelle. Allant même jusqu’à dire « on n’a jamais fait de la vraie décentralisation dans notre pays. » « Les responsabilités démocratiques vont avec le pouvoir normatif et la nécessité de rendre compte aux électeurs […] avec un Etat toujours garant en dernier ressort. » Alors chiche M. le Président !
Le chantier est vaste, il pourrait aussi être un temps de débat et de rassemblement, permettant ensuite des lois moins bavardes. Si des consultations sont en cours, rien ne garantit encore qu’elles aboutissent, certains déclarant même déjà que la priorité n’est pas là. Je crois pour ma part que c’est là que réside la priorité des priorités pour repenser notre système et cesser de le colmater ! Il ne tient plus et c’est là l’occasion de redonner durablement le pouvoir au peuple, sans peur et au contraire avec beaucoup d’amour.
Départementalement vôtre.
Stéphane Sautarel