Qu’est-ce que l’urbanisme aujourd’hui ? Qu’est-ce qui le différencie de l’urbanisme d’hier ?
Pauline POLGÁR : Aujourd’hui, les frontières entre les disciplines s’estompent : difficile de ne parler que d’urbanisme, sans parler plus globalement d’aménagement du territoire. Penser la ville aujourd’hui, ne se fait plus comme hier, comme penser le logement seul, sans réfléchir à ce qui l’entoure. Depuis plusieurs années, les usages sont bouleversés et les crises successives que nous traversons accélèrent ces mutations. Prendre sa voiture pour aller travailler dans un quartier de bureaux devient obsolète et anti-climat, le télétravail se répand ; le coliving, les tiers-lieux, répondent à des nécessités sociales et économiques, etc. ; les circuits courts se développent, le concept de ville du quart d’heure s’installe dans les esprits… tout cela bouleverse l’aménagement des villes et de leurs alentours ! Sans oublier la nécessité introduite par la « zéro artificialisation nette » de repenser le développement même de l’urbain, sa densité, construire la ville sur la ville… Tant de nécessités et de contraintes (environnementales, énergétiques, réglementaires, mais aussi sociales comme économiques) entrent en ligne de compte désormais ! A tel point que les professionnels eux-mêmes évoluent dans leurs pratiques, dites pratiques qui sont rendues de fait, plus complexes.
Les nouvelles attentes de collectivités, sur les questions environnementales notamment, pèsent-elles sur le secteur ?
Pauline POLGÁR : Je ne pense pas que « peser » soit le mot adéquate : le secteur dans son ensemble est désormais contraint par ces questions environnementales, mais elles sont aussi bien mieux comprises et acceptées par tous. Ces attentes environnementales sont communes, la prise de conscience est réelle. Ensuite, un certain nombre de feuilles de route (comme la Stratégie nationale bas carbone) ont traduit ces exigences en droit et en réglementations, qui sont plus ou moins contraignantes pour les uns ou pour les autres… Les collectivités et les professionnels doivent faire face parfois à des injonctions contradictoires. Mais, il faut le souligner : quoi qu’il arrive l’effort est commun ! C’est ensemble que l’on peut agir, pas chacun dans son couloir : c’est ce que nous démontrons cette année encore, lors de cette édition des Assises nationales du Logement et de la mixité urbaine.
Comment penser la ville de demain devant les difficultés rencontrées actuellement par les acteurs du Bâtiment ?
Pauline POLGÁR : Les crises que nous traversons sont pour partie conjoncturelles, mais elles ne doivent pas masquer la profondeur de la révolution que connaît le secteur du cadre de vie, dans son ensemble. Comme évoqué, les usages ont changé, l’urgence climatique est là, les transitions énergétiques, environnementales et numériques que connaît le secteur du bâtiment ne font que s’accélérer. La filière est engagée. Après, la conjoncture économique actuelle, la baisse des taux d’intérêts, les obtentions de crédits mises à mal par les banques, les injonctions contradictoires auxquelles doivent faire face les élus… tout cela entraîne cette crise de la construction neuve que nous connaissons. Mais n’oublions pas que de toute crise naît des opportunités et des remises en question : les modèles et les métiers changent. Comme nous l’avons déjà dit, penser la ville de demain, c’est désormais prendre en compte le déjà-là, imaginer de nouveaux modèles constructifs, opérationnels et financiers…
Les Assises Nationales du Logement et de la mixité urbaine, comment sont-elles devenues incontournables et comment permettent-elles d’accompagner les révolutions du secteur ?
Pauline POLGÁR : Elles sont devenues le rendez-vous incontournable des professionnels de l’habitat, de la ville et de l’immobilier, car justement, elles rassemblent l’ensemble de la filière du cadre de vie. Cette spécificité permet le dialogue et la rencontre entre tous les professionnels, quelle que soit leur discipline, quel que soit leur marché. Cela répond à notre ambition d’apporter aux professionnels du contenu de qualité, des partages d’expériences comme de bonnes pratiques, et d’initier des opportunités d’affaires nouvelles. Les Assises alimentent les débats de manière innovante, dynamique et constructive, tout en suscitant les rencontres. Cela nous permet ainsi de remplir notre mission première : celle d’accompagner la filière dans toutes ses évolutions, de l’aider à relever les défis auxquels elle est confrontée, comme de valoriser les réponses positives qu’elle apporte aux problématiques économiques et sociales de notre temps.