Dans l’imaginaire collectif, le désert médical, une étendue de terre inhabitée, c’est la ruralité à perte de vue, des villages dépeuplés, sans écoles, sans services publics et quelques habitants obligés de s’exiler pour être soignés… Or, la réalité est toute autre : au-delà de territoires dépourvus d’offre sanitaire, les déserts médicaux sont partout, de la périnatalité à la dépendance, en santé mentale, dans les maladies rares, au cœur de la crise sanitaire…
La discordance entre besoin et offre en santé est ici retenue comme l’expression d’un désert médical.
La vocation de la santé scolaire
À travers la santé scolaire, l’Éducation nationale s’assure, dans les textes, de la bonne santé des élèves et propose des solutions à ceux qui connaissent des difficultés susceptibles d’entraver leur scolarité. La santé scolaire est, comme la PMI, un dispositif crucial en raison des objectifs de dépistage obligatoires qui concernent toute une génération, notamment lors de la sixième et la douzième année des enfants scolarisés.
En moyenne section de maternelle, les enfants de 4 ans sont suivis par la PMI, grâce aux bilans de santé en école maternelle (BSEM). Des médecins et des infirmières de la médecine scolaire prennent le relais pour intervenir dans le primaire, le secondaire (collèges et lycées) et certaines formations post-bac (BTS, classes préparatoires).
Le constat est accablant
Or, la santé scolaire n’est pas au rendez-vous : moins d’un enfant sur cinq bénéficie de la visite de la sixième année de l’enfant par les médecins scolaires, alors qu’elle est déterminante au début des apprentissages scolaires et qu’elle est en principe universelle (à savoir que chaque enfant y a droit). Le bilan infirmier de la douzième année a progressé mais n’est réalisé que pour 62 % de l’ensemble des élèves.
Un cloisonnement en tuyaux d’orgue des personnels consacrés par le ministère
Pourquoi ? Au-delà de la litanie sur le manque de ressources, des maux endémiques persistent au sein des troupes de la santé scolaire : un manque de sens au regard de la mission d’instruction cœur du métier, une opacité du dispositif (le ministère ne dispose pas des taux de réalisation des dépistages obligatoires), …
Mais surtout, aussi absurde que cela puisse paraître, à contre-courant du bon sens et de toutes les organisations sanitaires, le cloisonnement a été consacré comme un principe d’organisation de la politique de dépistage : depuis l’arrêté du 3 novembre 2015, la visite médicale de la sixième année relève du seul médecin tandis que les seuls.es infirmiers.ères sont chargés.es du bilan de la douzième année.
Les voies de l’Éducation nationale sont décidément impénétrables !
Que faire face à ce désert endémique de la santé scolaire ?
La Cour des comptes, auteur d’un récent d’un récent rapport au vitriol, n’est pas tombée dans le panneau des seuls moyens pour tout solutionner. Elle recommande avant tout d’unifier le service de médecine scolaire et de revoir les méthodes de travail. Ces recommandations sont pertinentes dans leur grande majorité, même si la « tarte à la crème » sur la rémunération des médecins de l’Éducation nationale n’aura, comme dans chaque cas de désert médical, qu’un effet d’aubaine. Avant tout, c’est la mission de médecin scolaire au sein de l’Éducation nationale qui n’a plus de sens pour la jeune génération.
Au-delà, il serait possible de mettre en place d’autres solutions organisationnelles rapides et efficaces immédiatement tels que déléguer aux conseils départementaux la suite de la prise en charge, en particulier pour la visite médicale de la sixième année, et déléguer aux infirmières des actes aujourd’hui réalisés par des médecins.
Enfin, pour compléter l’arsenal de solutions rapides, il est urgent de mettre en place la télésanté au sein des infirmeries des collèges et lycées avec ou non l’assistance d’une infirmière. Selon le motif de consultation, un médecin, une infirmière, une assistante sociale ou un psychologue externe à l’établissement scolaire peut parfaitement proposer une téléconsultation médicale ou télésoin et ainsi répondre à la majorité des problématiques rencontrées (prévention dont dépistage, orientation, éducation à la santé ou à la sexualité…).
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La prévention n’est pas qu’une affaire de moyens. La terrible crise sanitaire que nous venons de traverser est un formidable révélateur du contraire : c’est infiniment plus un ethos, un mode de vie, une manière de se comporter, un état d’esprit, une culture, une dimension altruiste, une valeur éthique au sens premier du terme.