Le Conseil départemental du Loiret a décidé de réfléchir à la question des transports. Pourquoi, alors qu’il ne s’agit pas d’une compétence départementale ?
Marc Gaudet : Mais le sujet des mobilités peut l’être, et il ne nous laisse pas indifférents. C’est pourquoi nous avons travaillé et adopté un schéma des mobilités qui constate de grosses carences au niveau du transport collectif ferroviaire sur le département. Ainsi certaines zones rurales en sont dépourvues. Or le besoin de se déplacer plus facilement touche tous les secteurs (RSA, enclavement, entreprise… )
Depuis des décennies, on nous promet deux lignes fondamentales pour le département et qui n’avancent pas. Je pense d’une part à Orléans – Chartres, dont on a posé le premier rail il y a au moins 20 ans et qui s’arrête en pleine Beauce ne desservant pas Orléans et laissant Patay complètement isolée.
L’autre ligne, Orléans-Châteauneuf-sur-Loire, elle aussi promise depuis plusieurs décennies, n’avance pas. Les études dilatoires se multiplient.
« Il faut arrêter de vendre du rêve ! »
Au Département, nous privilégions le concret. Nous refusons les effets d’annonces sans effets. Alors, oui, effectivement le transport ferroviaire est une compétence exclusivement régionale, mais le Département se trouve directement concerné : au titre de l’organisation sur le territoire de nos nœuds multimodaux, mais
aussi parce qu’une ligne ferroviaire Orléans-Châteauneuf-sur-Loire soulagerait une partie du trafic de la route départementale qui longe cette voie.
Notre rôle consiste à nourrir les réflexions de la Région. Ainsi nous souhaitons l’expérimentation d’une ligne régulière Neuville-aux-Bois / Fleury-les Aubrais / Orléans avec un petit train autonome expérimental (à hydrogène ou électrique) roulant à 60 km/h. Ceci soulagerait le trafic routier sur deux routes départementales avec des bénéfices environnementaux et sécuritaires.
Sur les mobilités, il vous arrive de critiquer l’organisation du transport scolaire par la Région ?
M.G. Sur le réseau de transports scolaires, tous les présidents de départements le constatent : le transfert de la compétence du Département à la Région a éloigné la décision. Nous étions plus proches des parents, des maires, dans l’action et avec beaucoup de réactivité. Un élu allait sur place pour étudier les problèmes.
Sur le transport scolaire, clairement, la Loi NOTRe n’a pas été une avancée, la compétence aurait dû rester dans le giron départemental.
Que propose le Département pour favoriser la mobilité cyclable ?
M.G. Une majorité de Loirétains parcourent de courtes distances pour aller travailler et peuvent utiliser un vélo éventuellement à assistance électrique. Pour cela, il faut augmenter notre réseau cyclable. Au-delà de la nouvelle véloroute qui reliera bientôt Montargis et Orléans, le long du canal d’Orléans, nous réfléchissons à accoler des voies cyclables à nos routes départementales, en site propre avec des axes structurants.
Cette démarche se retrouve dans un schéma qui sanctuarise des enveloppes budgétaires (7 M€ par an sur une quinzaine d’années) avec un apport foncier des communes.
Nous avons par ailleurs une flotte de vélos électriques mise à disposition d’associations d’insertion pour faciliter les trajets. A cet égard, et parce que la mobilité reste un important frein à l’emploi, nous pourrions peut-être aller plus loin et réfléchir à un système de location de petits véhicules électriques pour les trajets domicile-travail.
Toujours dans le domaine des mobilités, où en sommes-nous sur la déviation de Jargeau ?
M.G. La déviation de Jargeau est un des 10 plus gros chantiers de France actuellement, avec une forte technicité de la part des équipes puisque cette déviation intègre la construction d’un franchissement de Loire. La protection de l’environnement et du cadre paysager est notre priorité.
A ce jour, nous avons gagné tous les recours, deux restent, mais qui ne sont pas suspensifs pour les travaux. La déviation aujourd’hui avance bien pour la partie qui contourne Saint-Denis-de-l’Hôtel et celle qui franchit la Loire. Il s’agit d’un projet à 90 M€ avec une aide de l’Etat pour les cheminements cyclables liés au pont.
Quels sont vos rapports avec la métropole et les autres collectivités locales ?
M.G. Nous travaillons avec efficacité et confiance avec la Métropole. Nous cherchons à garantir une relation équilibrée entre les territoires et partager une même dynamique de développement.
Ainsi, nous participons au campus Madeleine, l’université qui vient au cœur d’Orléans. Encore une fois, nous sommes le premier partenaire de la Métropole, en apportant 20 M€, comme sur le mandat précédent avec un soutien de 26 M€ sur le grand complexe CO’MET (Arena-Palais des congrès-Parc des expositions).
Sur l’ensemble du territoire départemental, nous intervenons à différents niveaux : sur la durée du mandat, ce sont 150 millions d’euros qui seront versés sous forme de subventions aux communes, intercos sur des projets qui sont, soit de dimension communale, soit à vocation intercommunale, voire supra départementale. Une enveloppe a été déterminée pour chaque canton, qui permet de soutenir les différents projets des communes : une école, une route, des trottoirs, une salle de sport, une église,… Pour tout cela, nous accompagnons les communes avec Cap Loiret.
« Notre démarche consiste à permettre à toutes les communes d’utiliser toutes les compétences départementales pour leurs projets. »
Et qu’est-ce que Cap Loiret ?
M.G. Il s’agit d’un concept original. Ni agence d’attractivité, ni service d’ingénierie. C’est une offre proposée directement par le Département. Notre démarche consiste à permettre à toutes les communes d’utiliser toutes les compétences départementales pour leurs projets.
Concevoir les plans pour un projet de trottoir, aider à lancer l’appel d’offre, établir un diagnostic sur une église, préprogrammer des restaurations, aider à sélectionner un AMO sur de plus gros projets, mais aussi réaliser des études financières… : tous nos services y participent avec des agents particulièrement dédiés. Et tout cela gratuitement et avec une démarche environnementale !
Quelle implication justement en matière d’environnement ?
M.G. Tout d’abord nous avons mis en place une COP interne, pour mesurer l’effet de nos politiques en termes d’empreinte carbone. Cela touche tous les domaines, transports, repas, denrées, matériels, fournitures… Chaque service intègre cette réflexion, et dès 2024, nous présenterons un budget vert.
« Nous aidons aussi à l’utilisation du vélo, au co-voiturage… »
Enfin, nous avons créé avec la Banque des territoires, le Crédit Agricole et la Caisse d’Epargne, la SEM Loiret Énergie. Nous pouvons consacrer 40 millions d’euros à des projets. Le plus emblématique pour l’instant sera celui d’une ferme en Sologne, à Saint-Cyr-en-Val où l’on pourrait imaginer 70 hectares de panneaux photovoltaïques.
Dans le domaine de l’alimentation, nous soutenons la production locale. Cela s’est traduit par exemple par la réalisation d’un menu signature Loiret, en initiant un concours Top Chef avec le lycée hôtelier du département et le CFA, pour promouvoir des menus de saison. Il s’agit d’une implication importante à la fois environnementale et économique.
Le Département est-il toujours capable de soutenir le monde économique ?
M.G. L’aide au boulanger qui veut changer son véhicule de tournée ou l’aide à la mise aux normes du boucher du coin ou le soutien des PME jusqu’à 50 salariés auraient dû demeurer au niveau départemental au nom de l’efficacité et de la proximité.
Je soutiens la position de « Départements de France » qui demande qu’on puisse revenir sur l’aide aux commerces et aux petites entreprises en milieu rural.
L’ensemble des investissements réalisés dans les infrastructures servent indéniablement le développement économique. Et d’ailleurs, à cet égard, personne n’a remis en cause le fait que le Département finance de façon importante la construction d’un échangeur autoroutier au nord de la Métropole, pour désengorger une zone d’activité très active, alors même que la Région, dont le développement économique est bien la compétence, est absente de ce projet…
Nous n’avons pas voulu créer d’agence d’attractivité, mais cela ne nous empêche pas d’intervenir de façon importante dans le domaine du tourisme.
Pour mener une politique touristique sur quoi vous appuyez-vous ?
M.G. D’abord sur nos ressources propres ! Le canal (78km) et ses dépendances qui nous appartiennent maintenant, des forêts et des monuments.
Et puis sur une stratégie volontariste, ambitieuse et précise déclinée dans notre schéma départemental touristique récemment adopté. Avec la volonté de développer le cyclotourisme : infrastructures et hébergements.
Nous avons participé à l’édition de Guides du Routard à Pithiviers et Montargis. Nous développons des routes touristiques comme la Route de la Rose, comme la route des Illustres, valorisons nos propres monuments, les châteaux de Chamerolles, Sully-sur-Loire ou Gien, mais aussi des lieux remarquables comme Yèvre-le-Châtel, plus beau village de France. Et bien sûr, les paysages naturels comme la Sologne. Nous intervenons aussi pour aider à la restauration de châteaux et de monuments privés puisque l’on peut apporter jusqu’à 200 000 €.
Actuellement les terroirs du Loiret s’affichent dans le métro grâce à une campagne menée par Tourisme Loiret.
J’en profite pour dire un mot du festival de Sully qui va fêter son 50ᵉ anniversaire, sur trois semaines. Le festival se déroule sur plusieurs lieux du département, des communes plus ou moins importantes. Avec de beaux concerts en perspectives : Anne Queffélec, Laurent Korcia, Aurélien Pascal, Murray Head, Yannick Noah et Ibrahim Maalouf.
Vous vous impliquez aussi dans le secteur sportif ?
M.G. Notre département va accueillir la flamme olympique en juillet avec une animation d’une journée bénéficiant d’une visibilité nationale.
Nous organisons aussi des événements sportifs directement, comme la Loirétaine, une journée sportive qui aura lieu les 13 et 14 mai prochains et regroupera de nombreux sports à Châteauneuf-sur-Loire. L’idée la plus folle, l’organisation d’une course de plus de 1000 canoës sur le fleuve majestueux, dédiée aux amateurs et familles, avec pour but, 2024 pagaies sur la Loire.
Comment résumeriez-vous l’action du conseil départemental en deux mots.
En deux mots ? Souplesse et simplicité.
Nous refusons des « machins » lourds à porter. Nos politiques, nos interventions doivent être compréhensibles, lisibles, souples.
L’accumulation de normes, de règlements, de lois, de décrets nous étouffe tous. Chacun s’en plaint mais rien ne bouge ! Pire, on en rajoute toujours plus !
Pour moi, un troisième mot reste crucial : la proximité. La légitimité des élus et du pouvoir politique ne passera que par la capacité à faire et à répondre concrètement aux problématiques quotidiennes que rencontrent nos concitoyens.
« Et pour moi, c’est l’évidence, la proximité rime avec efficacité ! »