Dans l’imaginaire collectif, le désert médical, une étendue de terre inhabitée, c’est la ruralité à perte de vue, des villages dépeuplés, sans écoles, sans services publics et quelques habitants obligés de s’exiler pour être soignés…
Or, la réalité est toute autre : au-delà de territoires dépourvus d’offre sanitaire, les déserts médicaux sont partout, de la périnatalité à la dépendance, en santé mentale, dans les maladies rares, au cœur de la crise sanitaire…
La discordance entre besoin et offre en santé est ici retenue comme l’expression d’un désert médical.
La contribution indiscutable de la PMI à la santé publique
La prévention n’est pas qu’une affaire de moyens. La terrible crise sanitaire que nous traversons est un formidable révélateur du contraire : c’est infiniment plus un ethos, un mode de vie, une manière de se comporter, un état d’esprit, une culture, une dimension altruiste, une valeur éthique au sens premier du terme.
La Protection maternelle et infantile (PMI), vieille dame créée à la Libération, est une structure de prévention de la petite enfance essentielle qui ne dépend pas du ministère de la santé. Or, elle fait l’objet, comme la santé scolaire que nous aborderons dans un prochain billet, de problématiques particulièrement préoccupantes, à tel point qu’elle est assimilable à un désert médical en puissance.
Lors de sa création, la PMI, acteur de prévention sanitaire et sociale qui s’adresse aux femmes enceintes et aux enfants de moins de 6 ans, avait pour objectif de lutter contre la mortalité infantile. Au fil des ans, les publics les plus vulnérables, qui, sans cela, n’auraient pas accès à une offre minimale de soins, en sont devenus les usagers principaux.
Les consultations préventives en PMI, réalisées par les médecins, sages-femmes et infirmières puéricultrices qui officient dans un centre de PMI, dans un bus PMI itinérant, lors d’une visite à domicile, ou à l’occasion des bilans de santé en école maternelle, constituent leur cœur de métier.
La PMI en voie d’extinction dans dix ans ?
Quelle pourrait être la cause de l’extinction d’un tel service ? L’alourdissement des missions dévolues à la PMI au fil des ans, sans que ses moyens ne soient renforcés en conséquence : activités d’agrément et de contrôle des modes d’accueil de la petite enfance, réponses à une demande sociale croissante,… Toutes ces missions consomment un temps considérable des professionnels de la PMI (au moins 30 % à 40 % des ressources) au détriment de l’activité sanitaire en direction des publics fragiles.
Mal reconnue, la PMI souffre aussi du désengagement des pouvoirs publics. Ainsi, « en l’espace d’une décennie, il semble que le budget annuel que notre pays consacre à la PMI ait diminué d’environ 100 millions d’euros ». Aujourd’hui, le budget consacré par les départements, qui en ont la charge représente en moyenne 1 % de l’ensemble de leurs dépenses sociales. Des chiffres qui masquent une grande disparité territoriale.
Enfin, il devient impossible d’avoir une offre de service en PMI du lundi au vendredi (encore moins le samedi matin), en particulier dans les quartiers prioritaires de la ville (QPV) qui abritent, avec les zones rurales, les publics fragiles cibles. On constate concrètement la vacance de nombreux postes de médecins.
Que faire réellement face à ce désert médical annoncé de la petite enfance ?
En réalité, il semble nécessaire de ne pas attendre tout de l’État providence, comme le préconise un récent rapport parlementaire. Une arrivée miraculeuse de médecins formés à la prévention infantile dans les centres de PMI, alors que la spécialité de pédiatrie en ville devient rare ? Non, le grand soir n’a pas eu lieu et n’aura pas lieu !
En revanche, il est possible de généraliser des solutions rapides et efficaces que certains conseils départementaux ont déjà expérimentées :
-libérer du temps soignant en recentrant les missions PMI sur leur cœur de métier,
-offrir un meilleur service aux familles en regroupant l’implantation des centres de PMI (c’est toujours désagréable de trouver porte close au prétexte d’avoir de nombreuses implantations dispersées),
-solutionner les problèmes de mobilité en rural en « allant vers » grâce à des bus PMI,
-les ressources médicales en PMI étant rares, déléguer des actes aux infirmières puéricultrices (en particulier les vaccinations qui embolisent les agendas des médecins),
-déployer la télésanté pour les consultations qui ne nécessitent pas un acte clinique en présentiel.