En principe, une série d’établissements et services sociaux et médico-sociaux (ci-après, « ESSMS ») sont autorisés par le président du conseil départemental. C’est notamment le cas des ESSMS qui, par exemple, mettent en œuvre des mesures de protection ou de placement des jeunes relevant de l’aide sociale à l’enfance. L’autorisation est alors accordée pour une durée de quinze ans, le renouvellement, total ou partiel, étant exclusivement subordonné aux résultats d’une évaluation de la qualité des prestations.
Bien que cette autorisation crée des droits au profit de l’établissement bénéficiaire, le président du conseil départemental peut décider, de manière anticipée, la suspension ou la cessation de tout ou partie des activités de l’établissement, du service ou du lieu de vie et d’accueil lorsque la santé, la sécurité, ou le bien-être physique ou moral des personnes accueillies ou accompagnées sont menacés ou compromis.
Rappel du dispositif de fermeture anticipée
L’article L313-16 du code de l’action sociale et des familles (ci-après, « CASF »), prévoit que l’autorité compétente, ici le président du conseil départemental, peut décider la cessation définitive de tout ou partie des activités de l’établissement, du service ou du lieu de vie et d’accueil lorsque la santé, la sécurité, ou le bien-être physique ou moral des personnes accueillies ou accompagnées sont menacés ou compromis.
De tels faits sont généralement dénoncés par les personnes accueillies, ou découverts à l’occasion d’un contrôle des services du département. Ils peuvent aussi provenir d’un signalement d’un autre département ou des services du parquet.
Dans l’ancienne rédaction de cet article, une décision de fermeture pouvait intervenir lorsque les conditions techniques minimales d’organisation et de fonctionnement n’étaient pas respectées. Elle pouvait également intervenir lorsqu’étaient constatés dans l’établissement ou le service et du fait de celui-ci des infractions aux lois et règlements susceptibles d’entraîner la mise en cause de la responsabilité civile de l’établissement ou du service ou de la responsabilité pénale de ses dirigeants ou de la personne morale gestionnaire.
En parallèle, cette cessation définitive de tout ou partie des activités du service, de l’établissement ou du lieu de vie et d’accueil donne lieu à l’abrogation concomitante, totale ou partielle, de l’autorisation délivrée précédemment par le président du conseil départemental.
Les points essentiels de la procédure à suivre pour le président du conseil départemental
La jurisprudence administrative a déjà eu l’occasion de se prononcer sur l’application de ces principes et, en particulier, sur la procédure à suivre.
Il est jugé qu’en prononçant la fermeture d’un établissement ou d’un service médico-social, en application de l’article L. 313-16 du CASF, l’autorité administrative met un terme à l’autorisation dont bénéficiait l’organisme gestionnaire et abroge ainsi une décision créatrice de droits. Dans ces conditions, cette décision de fermeture doit être motivée (CE, 5 octobre 2015, n°372468). La décision de fermeture doit ainsi comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. A défaut, elle encourt l’annulation.
Il est également jugé que les dispositions du CASF n’ayant pas organisé de procédure contradictoire spécifique, le gestionnaire de l’établissement doit seulement être averti en temps utile, afin de bénéficier d’un délai suffisant pour présenter ses observations, de la mesure que l’autorité administrative envisage de prendre et des motifs sur lesquels elle se fonde (CE, 5 octobre, 2015, n°372468 ; CAA de Versailles, 19 juillet 2016, n°15VE03132).
Le CASF prévoit enfin l’obligation pour le président du département d’adresser au gestionnaire de l’établissement une injonction préalablement à la fermeture.
En d’autres termes, il est mis fin à l’activité de l’établissement concerné pour l’avenir et ce, avant l’échéance de l’autorisation.
La nécessité d’une injonction préalable
En principe, une décision de fermeture ne peut intervenir qu’après injonction faite aux gestionnaires de l’établissement de remédier, dans un certain délai, aux difficultés rencontrées.
Ce délai doit être raisonnable et adapté à l’objectif recherché par la mesure.
Comme le rappelle le CASF, le président du conseil départemental doit en informer le conseil de la vie sociale quand il existe et, le cas échéant, le représentant de l’État dans le département, ainsi que le procureur de la République dans le cas des établissements et services accueillant des majeurs bénéficiant d’une mesure de protection juridique. L’autorité compétente peut également prévoir les conditions dans lesquelles le responsable de l’établissement, du service ou du lieu de vie et d’accueil assure l’affichage de l’injonction à l’entrée de ses locaux.
Si cette décision est prise à la suite de la dénonciation d’un crime ou d’un délit, le département est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs, en application de l’article 40 du code de procédure pénale.
Cette injonction peut inclure des mesures de réorganisation ou relatives à l’admission de nouveaux bénéficiaires et, le cas échéant, des mesures individuelles conservatoires, en application du code du travail ou des accords collectifs.
Notons, toujours en ce qui concerne cette injonction, qu’il a été jugé par le Conseil d’État, qu’eu égard « aux délais impératifs qu’elle imposait à l’association et aux conséquences qu’elle attachait à sa méconnaissance, cette injonction présente en elle-même le caractère d’une décision faisant grief susceptible de recours » (CE, 5 octobre, 2015, n°372468). Cette injonction, qui n’est donc pas nécessairement un acte préparatoire, pourrait elle-même faire l’objet d’un recours.
Le rôle du préfet en cas de carence du président du conseil départemental ou d’autorisation conjointe
Le CASF prévoit qu’en cas de carence du président du conseil départemental, le représentant de l’État dans le département peut, après mise en demeure restée sans résultat, prendre en ses lieu et place les décisions de suspension ou de fermeture de l’établissement concerné.
En cas d’urgence, il peut même se dispenser d’une mise en demeure préalable.
Lorsque l’établissement, le service ou le lieu de vie et d’accueil relève d’une autorisation conjointe, les mêmes décisions prévues doivent être prises conjointement. En cas de désaccord, la fermeture peut être prise par le préfet de département à qui appartient donc la décision finale.
La possibilité de suspendre tout ou partie des activités de l’établissement, du service ou du lieu de vie et d’accueil à titre conservatoire
L’article L. 313-16 précité du CASF prévoit également que, pour les mêmes motifs, le président du conseil départemental puisse, en cas d’urgence ou lorsque le gestionnaire refuse de se soumettre au contrôle prévu à l’article L. 313-13 du même code, sans injonction préalable, prononcer
la suspension de l’activité en cause pour une durée maximale de six mois.
Cette urgence paraît notamment caractérisée lorsqu’un jeune mineur a dénoncé avoir subi des violences répétées de la part des membres de sa famille d’accueil (alors même que ce jeune avait fait l’objet quelques mois auparavant d’un rappel à la loi pour dénonciations mensongères), faits qui ont été confirmés par deux autres mineurs hébergés dans la même famille (CE, 6 novembre 2017, n°415089).
Dans ce cas-là, il s’agit seulement d’une mesure conservatoire (CE, 6 novembre 2017, n°415089) dans l’attente de l’édition, éventuelle, d’une mesure définitive de fermeture.