La mise en œuvre d’une stratégie d’attractivité va faire se poser la question de l’image du territoire qui va la mener. Deux options s’ouvrent alors. La première, décréter l’image que le territoire veut donner de lui et tout miser sur elle, quitte à l’imposer coûte que coûte et à prendre quelques libertés avec la réalité. La deuxième, chercher à détecter quelle(s) image(s) du territoire ont les cibles visées et, ensuite, adapter sa stratégie à ces perceptions, pour construire un argumentaire entendable, car perçu comme crédible aux yeux de ces cibles. Et tant pis si l’image perçue n’est pas l’image rêvée et tant pis aussi si elle ne flatte pas l’égo du territoire et de ses décideurs. L’objectif du marketing territorial n’est pas de tenter de soigner une blessure narcissique, c’est au contraire d’accepter, sans jugements, toutes les perceptions externes pour bien comprendre d’où l’on part et dessiner alors la stratégie adéquate. Il va sans dire que la seconde option est la seule opérante.
Bien sûr, la perception n’est pas le reflet fidèle de l’identité d’un territoire, mais son interprétation par les cibles visées. Différentes expériences ont depuis longtemps démontré ces distorsions. On peut citer par exemple des évaluations, faites par des enfants, quant à la taille de timbres postaux : la perception des dimensions semble être en lien direct avec la valeur faciale du timbre, alors même que les timbres soumis à examen ont tous le même format ! Derrière cela, différents mécanismes opèrent et ils sont complexes. Nous n’allons pas les détailler ici, mais voir comment tenter de les contourner.
Définitivement, nous ne pouvons modifier substantiellement les mécanismes de perception de nos cibles. Ils pensent ce qu’ils pensent, point. Ainsi, il devient tout à fait inutile de se lamenter ou de dresser des bûchers, l’opinion se fait sans et malgré nous. Peu importe également que ce qu’ils pensent soit vrai ou faux. Nous ne pourrons changer ces avis, aussi tranchés soient-ils, sans changer les éléments qui les nourrissaient jusqu’alors.
Nous pouvons donc être un rien optimistes en partant du principe qu’une image est une représentation de ce que le territoire donne à percevoir de lui-même. Et si, comme vu plus haut, nous ne pouvons agir sur la perception et ses mécanismes, il y a pourtant une belle marge de manœuvre qui s’ouvrent à nous : maîtriser, modifier, ce que nous donnons à percevoir.
En conclusion, rappelons que dans nos métiers, puisqu’il est souvent question d’étudier la perception, il est aussi question de la percevoir. Arrive donc un second filtre, puisque nous allons nous-mêmes devoir percevoir la perception, avec nos propres mécanismes déformateurs, avec nos propres besoins de nous attarder sur ce qui semblera favorable et d’oublier ce qui fâche. Ainsi, ce qui devrait être une analyse objective va être distordue en « procès » si les conclusions sont estimées négatives. À l’inverse, des détails positifs risquent d’être généralisés pour devenir autant de preuves à notre service. Enfin, des informations vues comme vraiment gênantes seront peut-être éliminées purement et simplement. Tout cela est humain. A nous d’en être toutefois particulièrement conscients. Sinon, ce n’est plus de marketing territorial dont il est question, mais de propagande.