Christian Poiret, pouvez-vous vous présenter ?
Président du magnifique et exceptionnel Département du Nord, j’en suis très heureux, mais…je n’avais jamais imaginé cela !
Pur produit du privé : 30 ans dans une société de négoce d’acier inoxydable, directeur d’un centre de profit français, j’appréciais ce travail au sein d’une entreprise française, puis italienne et enfin américaine. J’y ai beaucoup appris et en garde un excellent souvenir.
Je deviens maire d’une petite commune de 1650 habitants. Première étape d’un engagement politique passionnant qui m’a mené à la tête d’une agglomération de 150 000 habitants, puis d’un département de 2,6 millions d’habitants.
Le développement des territoires reste ma préoccupation première. Pour assurer nos missions de solidarité, véritable vocation du Département, il faut produire de la richesse. On ne peut donner ce que l’on n’a pas !
Après des années dans l’opposition, vous voilà aux manettes. Quelles sont vos premières actions ?
Redresser la situation ! Lorsque nous arrivons aux affaires, nous découvrons des difficultés financières encore plus tendues que nous ne l’imaginions. Le Département doit être mis sous tutelle. Nous refusons cette fatalité et nous nous engageons avec détermination, courage et persévérance pour remonter la pente. Faire l’inventaire tout d’abord, car il y avait beaucoup de dépenses cachées. Par exemple pour le RSA, le budget voté par l’ancienne majorité pour 2015 ne reprenait que onze mois. Il manquait 50 millions rien que pour cette politique. On découvre à ce moment 300 millions d’euros d’impayés !
Comment faites-vous face ?
Nous prenons des mesures rapides pour relever les finances départementales. Venant du monde du privé et de la gestion, je m’attelle à cette tâche.
En réalité, je découvre assez rapidement que ce Département n’est pas piloté. Un Conseil départemental où on faisait de la politique, mais qui manquait d’indicateurs et d’objectifs clairs. Dans certains secteurs, on distribuait avec peu de contrôles.
On a donc fait preuve de courage, adopté les mesures nécessaires pour redresser la barre et toujours protéger les Nordistes, mais différemment. L’ADN d’un Département, sont les solidarités. Cela représente entre 70 % et 75 % de notre budget.
En 2021, vous devenez président, une fonction très différente ?
Oui, je suis logiquement candidat à la présidence. J’y vais, sans demander l’accord de quiconque et je remporte la primaire interne puis les élections.
Mais, vous avez raison, il s’agit d’une fonction différente. Si le vice-président, doit protéger le président, le président doit écouter, ses proches évidemment, mais aussi les différentes sensibilités. Mais en dernier ressort, c’est lui qui tranche. C’est lui qui choisit ceux avec qui il travaille. Et je suis fier de ces choix. Les vice-présidents se révèlent et s’épanouissent complètement. Et ça, c’est du bonheur !
Politique phare du Département du Nord. En quoi votre gestion du RSA, s’avère innovante ?
En 2015, nous avions 116.000 personnes au RSA, et parmi eux il y avait 40.000 bénéficiaires non inscrits à Pôle emploi.
En 2021, à la fin du mandat, ils étaient 99 769 bénéficiaires. Au 30 novembre 2022, il reste 93 900 personnes allocataires du RSA.
Comment s’explique cette diminution ?
Toute personne qui s’inscrit au RSA est reçue dans le mois par un coach. Nous avons embauché 70 coachs pour cela. Après cet entretien, on établit un bilan pour que la personne reçue puisse trouver un job au plus vite, et on a 70 % de retour à l’emploi.
50% des personnes que nous convoquons le premier mois ne viennent pas au rendez-vous. Dans ce cas, nous n’ouvrons pas les droits. C’est simple ! Il y a des obligations mais aussi des devoirs. Le bénéficiaire doit venir compléter son dossier et voir comment avancer. Le Département du Nord n’est pas un distributeur de billets!
40.000 bénéficiaires du RSA ont entre 25 et 35 ans. Tous sont convoqués. Ceux qu’on ne pourra pas mettre à l’emploi, on les protégera, c’est environ 30% des bénéficiaires et il n’y a pas de discussion là-dessus.
Il y en a 40 % qu’il faut emmener vers l’insertion, leur redonner les bases du travail. Et enfin 30 % à qui il faut donner un coup de pouce pour qu’ils trouvent un emploi. On travaille donc sur cela pour que ces 25-35 ans ne soient pas encore au RSA à 65 ans.
Menez-vous aussi des actions particulières en direction des entreprises ?
Effectivement les Contrats Initiative Emploi (CIE) permettent de financer à 47 % des contrats de neuf à douze mois dans les entreprises. Nous avons signé avec Renault ElectriCity, Toyota, mais aussi avec de petites entreprises comme un électricien qui a besoin de deux personnes…
Il faut faire matcher les demandeurs d’emploi avec les chefs d’entreprises qui ne trouvent pas de salariés, avec ou sans qualification.
Il s’agit d’une politique très volontariste qui représente un budget de 10 millions d’euros par an pour le Département. Cela marche bien ! Il y a un retour à l’emploi de 70 % ! Nous investissons pour l’avenir !
Nous travaillons en équipe avec Pôle emploi, par exemple pour la semaine « Réussir Sans Attendre » : sur une seule semaine, nous avons convoqué 16.000 personnes. 8 800 d’entre elles sont venues, 1 500 ont retrouvé un emploi. C’est du bonheur, car il ne s’agit pas simplement de diminuer le nombre de bénéficiaires du RSA, mais de redonner de la dignité.
L’augmentation du RSA de 4%, devait être compensée, à la suite d’un amendement à l’Assemblée nationale. Mais le montant se trouve bordé à un niveau maximum et cela représente un surcoût de 15 millions pour le département du Nord : c’est une décision de l’Etat que les Départements doivent payer. Je demande l’application du principe « qui décide paye ! ».
Je vais vous faire une confidence, Madame la Première ministre n’a même pas souhaité rencontrer le président du premier département de France… Je viens de recevoir un courrier dans lequel, si je veux, je peux appeler un membre de son cabinet… Franchement, j’éprouve une vraie déception devant ce manque de considération qui frôle le mépris. Le Premier ministre Jean Castex, ancien élu local, comprenait, lui, les départements.
Vous développez une politique du « Aller vers ». De quoi s’agit-il ?
Le Nord, c’est 156 kilomètres d’un point à l’autre. Avec des arrondissements, des régions naturelles très diverses, et la Métropole européenne de Lille.
Nous voulons aller vers tous les territoires.
Six camions bleus proposent des services aux habitants. Il faut aller vers nos habitants.
Il s’agit d’une offre itinérante supplémentaire, à côté des Maisons France Services. Une action de proximité qui me tient particulièrement à cœur, tout comme le camion bleu sur la prévention de la santé.
Votre département souffre-t-il de problèmes de démographie médicale ?
Il s’agit d’un vrai sujet de préoccupation. Nous devrions avoir 87 médecins pour 100 000 habitants, nous sommes à 47.
Une directrice de projet va travailler avec l’Ordre des médecins, les facultés, les CPS, pour que le Département du Nord recrute des médecins, les emploie et les positionne dans des secteurs qui sont vraiment en pénurie. Nous souhaitons tendre vers le modèle de la Saône-et-Loire.
Nous voulons aller chercher les jeunes médecins qui refusent des journées sans fin, des médecins retraités qui ne veulent pas faire 70 consultations par jour mais peuvent en faire 25.
Plus globalement vous avez une préoccupation d’attractivité du territoire…
Nous devons modifier l’image. Oublier les clichés rebattus : un Nord avec la mine, les aciéries, les lainières, les teintureries, et une météo déplaisante !
Nous avons des richesses, des pépites, des super paysages, une superbe ville de Lille, les bocages de l’Avesnois.
Nous avons repris en interne la compétence tourisme. Le changement d’image doit être porté politiquement, et je veux m’y investir personnellement.
Quelle est votre politique en direction des communes ?
Nous accordons 60 millions par an pour aider les 648 communes à investir. Pour les communes de moins de 5000 habitants et 6 communes rurales, nous lançons un appel à projets, tous les ans. Pour les communes de plus de 5000 habitants, nous soutenons des projets structurants, avec un appel à projets tous les deux ans, mais avec des subventions tous les ans.
Le Département vient cofinancer de façon importante ces projets, qui vont des aménagements extérieurs qualitatifs à la restauration d’église ou de patrimoine…
Il reste 270 millions d’euros pour les autres investissements, notamment pour les collèges ?
Parmi nos 202 collèges publics, certains nécessitent une très grosse transformation ou reconstruction totale. Nous consacrons 80 millions d’euros à l’enseignement. Nous avons un patrimoine de 4 500 km de routes départementales à entretenir également, des musées, nous participons aux projets majeurs pour le territoire, le Canal Seine Nord Europe, le renouveau du Bassin minier… Nous investissons également dans les établissements dédiés aux personnes âgées, aux personnes en situation de handicap et aux enfants de l’aide sociale à l’enfance.
La politique de l’enfance ?
Nous avons créé en juin 2022 300 places supplémentaires chez les assistantes familiales et 150 places en établissement.
4080 places en établissement en 2015 et 4650 aujourd’hui. Ce n’est pas suffisant car avec la crise de la Covid les problèmes infrafamiliaux ont été démultipliés : nous continuons d’investir pour les enfants qui nous sont confiés.
La difficulté consiste à trouver des personnes qui vont s’occuper des enfants, et s’en occuper bien. Nous avons été au-delà de la demande de l’Etat pour la réévaluation des salaires des assistants familiaux.
Avez-vous beaucoup de mineurs non accompagnés ?
Les MNA et les majeurs non accompagnés, les 18-21 ans représentent un coût de 25 millions d’euros. Je cherche à ce qu’ils obtiennent leurs papiers et le préfet est très facilitateur. Je travaille aussi pour qu’ils bénéficient de la sécurité sociale et d’un logement.
Vous avez aussi mis en place une convention avec l’Ordre des notaires pour la récupération de l’aide sociale des pensionnaires en EHPAD ?
Quand je suis arrivé à la Présidence en 2021, nous récupérions 1million par an. Les dossiers n’arrivaient pas chez les notaires. Aujourd’hui, pour le notaire, c’est tout simple : il saisit le nom de la personne, sa date de naissance et sa date de décès. Dans les trois minutes, il connaît le montant de la dette auprès du département qu’il peut positionner dans la succession. Quand on était à 1 million de recette avant, on devrait finir à 12 ou 13 millions cette année.
Gérald DARMANIN vous aide au quotidien ?
Nous travaillons ensemble pour l’intérêt des Nordistes, jusqu’à peu il était conseiller départemental et bien sûr membre de notre majorité pour le Nord. Il nous entend, et cherche à nous aider.
Il en va de même avec la région Hauts de France, avec Xavier Bertrand ainsi qu’avec Damien Castelain et la Métropole européenne de Lille.
Je travaille très bien avec l’État, avec Monsieur le Préfet, Georges-François Leclerc, qui est un grand préfet.