Qualiticien de formation, c’est un expert en excellence opérationnelle et transformation managériale, il a également la charge de l’EMI (École du Management par l’Innovation) du Val d’Oise.
Tout le monde connaît l’épisode dans lequel David, le jeune berger Isaïe, abat le géant philistin Goliath d’une pierre avec sa fronde. Le combat est pourtant inégal d’apparence tant le Philistin est immense…
Le combat entre la qualité et la quantité fait lui aussi rage depuis des décennies, est-il réellement possible de concilier ces deux enjeux ? Produire plus ! oui, mais avec moins de qualité. Produire mieux, certes ! Mais forcément moins vite car entre qualité et quantité, il faut choisir !
Ce dogme a la vie dure car le combat qualité versus quantité est inégal. La qualité, le David de ce combat, est mesurée par une constellation d’indicateurs dont certains ont des temps de révélation lointains (dégradation de l’image par exemple). De plus, les coûts de non-qualité ne sont que rarement mesurés, ce qui contribue à rendre le sujet de la qualité des plus abstraits : combien coûte ainsi une erreur dans un dossier, une réitération de visite d’un usager, une réclamation ou un contentieux… ? Pourtant, on sait des études que ma société a réalisées ces dernières années dans le secteur public que les coûts de non-qualité consomment l’équivalent d’un quart des capacités de production. Si on travaille ainsi du lundi au jeudi de manière utile, le vendredi est symboliquement consommé à réparer les erreurs des 4 premiers jours de la semaine !
D’un autre côté, la quantité, le géant Goliath, impose son ordre logique et rationnel dans l’organisation. Il faut avouer que la quantité permet des mesures immédiates et précises (le nombre de dossiers en instance, le délai de traitement) amenant ainsi à une distorsion dans le jugement managérial, un biais d’importance. La quantité prévaut ainsi souvent dans les faits sur la qualité dans la prise des décisions car elle est plus explicite à piloter et qu’elle reste aussi un enjeu majeur dans de nombreuses organisations.
Mais malheureusement, à trop poursuivre l’un, on dégrade bien souvent l’autre ! En recherchant aveuglément à augmenter la quantité de production, on peut être amené à construire sans le vouloir une « Ultrasolution » comme l’a théorisé Paul Watzlawik. En dépit des heures supplémentaires, des objectifs définis aux équipes et aux mesures de productivité mises en place, pas de résultats pérennes… « Nos solutions créent nos problèmes » comme l’a dit l’éminent sociologue de l’école de Palo Alto. En voulant aller trop vite, on fait mal et on dégrade à la fois la quantité et la qualité comme un moteur mal réglé qui fume lorsque l’on monte en couple.
Car les deux aspects, qualité et quantité, sont les deux faces d’une même pièce. Toutes deux composent la performance de façon complémentaire. Mais la réduction de « l’usine fantôme » que décrivait le qualiticien Joseph Juran est certainement l’un des leviers les plus accessibles aujourd’hui pour améliorer la performance.
Réduire la non-qualité est la priorité pour construire une performance durable.
Comment alors rééquilibrer la situation entre qualité et quantité ? Une des façons d’armer la fronde de notre jeune David serait peut-être déjà dans la façon de définir nos objectifs de performance. Au lieu de suivre un indicateur de volume d’activités, comme le nombre de dossiers produits, pourquoi ne pas intégrer dans la mesure du possible une variable qualitative en suivant par exemple le nombre de dossiers « bons » produits (en déduisant les anomalies détectées du volume de production). Car si la quantité donne une vision de la performance « brute », la qualité donne elle une définition de la performance « nette », plus représentative de la réalité perçue par l’usager.
David n’a plus qu’à ajuster son tir…