Les nombreuses difficultés rencontrées dans la mise en œuvre des objectifs de la Zéro Artificialisation Nette (ZAN) ont amené le Sénat à conduire, depuis la promulgation de la loi Climat-Résilience, de nombreux travaux sur la mise en application du « ZAN ». En particulier la consultation des élus locaux lancée via la plateforme en ligne du Sénat a recueilli plus de 1200 témoignages d’élus issus de tous les territoires français.
En réponse à la mobilisation du Sénat et de l’ensemble des acteurs concernés, le Gouvernement a récemment admis que le cadre juridique du « ZAN » nécessitait des évolutions. Il a multiplié les annonces en ce sens depuis plusieurs mois, sans toutefois qu’aucune modification législative ni réglementaire concrète ne soit engagée. Ce positionnement ambigu n’envoie pas le bon signal aux territoires, qui se voient tenus à des obligations dont les contours mêmes restent à ce jour mouvants. Toutefois le Ministre Béchu a rappelé fin décembre encore qu’il était ouvert aux propositions du Sénat.
Le texte proposé vise à apporter souplesse, pragmatisme et efficacité à l’application du « ZAN » dans les territoires. Les propositions formulées par la mission ne remettent en cause ni les grands objectifs du ZAN (c’est-à-dire l’objectif de réduction de 50 % de l’artificialisation en 2031 et l’atteinte de « zéro artificialisation nette » en 2050), ni son application à l’ensemble du territoire et des politiques publiques. Le « ZAN » répond en effet à une urgence climatique et environnementale incontestable, qui doit engager l’ensemble de la Nation dans une démarche commune de sobriété foncière.
En septembre 2022, quatre commissions permanentes du Sénat ont constitué une mission conjointe de contrôle, chargée de réaliser une synthèse de l’ensemble de ces travaux et de formuler des pistes d’évolutions concrètes du cadre juridique de la mise en œuvre du « ZAN ». Rassemblant des sénateurs représentant l’ensemble des groupes politiques du Sénat et des quatre commissions permanentes, la mission conjointe de contrôle a conduit entre octobre et décembre 2022 près de quarante auditions et consultations. Je veux en particulier souligner le travail de mon collègue Jean-Baptiste Blanc, Sénateur du Vaucluse et Rapporteur de ce texte, pour sa grande implication et sa parfaite maitrise du sujet.
La mission conjointe de contrôle a donc souhaité exercer son initiative législative sur ce sujet de premier ordre. En conclusion de ses travaux, elle présente une proposition de loi d’initiative sénatoriale, partagée par de nombreux groupes politiques et avançant 25 mesures visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « ZAN » de la loi Climat-résilience.
Je veux en rappeler ici la synthèse tant cette question est majeure pour l’avenir de nos territoires et en particulier des territoires ruraux. Il s’agit là d’un des principaux sujets d’inquiétude des Maires et des élus locaux dans leur ensemble.
Tout d’abord, il s’agit de placer les grands projets d’envergure nationale et européenne dans un « compte foncier national » spécifique, qui ne serait pas imputé aux enveloppes de la Région et des collectivités. Selon les critères qu’il est proposé de fixer dans la loi, la qualification des projets sera décidée par la Région, après avis de la conférence régionale du ZAN.
La Mission invite ensuite à faciliter la mutualisation régionale des projets, tout en maintenant les objectifs régionaux de réduction de l’artificialisation. Il est ainsi proposé de donner aux communes, aux EPCI, aux départements et à leurs groupements un « droit de proposition » envers la Région, pour proposer des projets à la mutualisation. Ces projets seront en outre soumis à l’avis de la conférence régionale du ZAN, afin d’assurer la cohérence de ces choix.
Il est aussi proposer d’instaurer un «plancher» de droits, au titre duquel aucune commune ne pourra disposer d’une enveloppe inférieure à 1 hectare à l’issue de la territorialisation. Cette mesure offrirait donc un « filet de sécurité » aux communes rurales et aux petites communes, qui auraient consommé moins de 2 hectares au cours de la dernière décennie. Elle n’abondera pas les droits des communes plus consommatrices. Ce plafond sera fixé par le SCoT, ou, pour les territoires hors-SCoT, par la Région ; et il s’appliquera également aux objectifs fixés par les PLUi.
Le texte instaure, au sein des SCoT et des PLUi, une « part réservée » aux projets d’intérêt territorial. Cette part, qui ne sera pas distribuée lors de la territorialisation initiale, servira à « abonder » de façon mutualisée les enveloppes d’artificialisation des communes porteuses de ces projets, lorsque leurs enveloppes propres n’y sufisent pas. Pour les communes situées en dehors des SCoT ou des PLUi, la part réservée sera mise en œuvre au niveau régional.
De même, il instaure un « sursis à statuer ZAN », afin de suspendre la délivrance de permis pour des projets qui contrediraient directement les objectifs ZAN d’une commune ou d’un EPCI, avant que son document ne soit révisé ; ainsi qu’un « droit de préemption ZAN » lui permettant, dans certains périmètres, de réserver le foncier présentant un potentiel fort pour l’atteinte de ses objectifs.
Enfin, parmi les mesures majeures, la proposition tend à permettre de comptabiliser les parcs et jardins comme surfaces non artificialisées et de permettre aux communes et EPCI de délimiter des périmètres de densification dans lesquels la construction sur ces espaces ne sera pas considérée comme de l’artificialisation. Cela donnera aux collectivités la possibilité de piloter une densification intelligente et maîtrisée, tout en protégeant les espaces verts et le cadre de vie.
Des mesures propres au secteur agricole doivent encore venir compléter ce dispositif qui répond déjà grandement aux attentes du terrain. Nous allons très rapidement adopter ce texte au Sénat dans un dialogue permanent avec le Gouvernement pour s’assurer que nos orientations soient partagées, avant de transmettre ce texte à l’Assemblée Nationale pour disposer au plus tôt de ce texte d’assouplissement tant attendu.