Trônant au sein de la ville haute, le Conseil départemental de la Haute-Loire pourrait paraître imposant ou intimidant. Mais cet ancien Hôpital Général de la Charité, réhabilité pour accueillir les services du département sous l’impulsion du Président d’alors, Jacques Barrot, a été conçu comme un lieu ouvert à tous avec des animations, des expositions, des rencontres culturelles…
Jean-Michel Wilmotte, le célèbre architecte qui amené cette réhabilitation, y tenait pour transformer un lieu intraverti en lieu extraverti. Pour mettre en valeur le beau, il conçoit une sorte de scénographie, un enchaînement des espaces et des divers niveaux. Une greffe contemporaine douce qui va jusque dans les moindres détails.
En arrivant, on se sent pris par la clarté et l’ouverture, un espace ouvert qui laisse entrer la lumière. Spécificité particulière : aucun bureau ne ressemble à un autre : ici, une vieille porte, là un bout de cheminée.
Et puis des vues stupéfiantes sur le Puy et les environs qui donnent l’impression de tutoyer les collines et rochers environnants.
Les quatre présidents qui s’y sont succédé ont poursuivi la réhabilitation en y apportant chacun un peu de sa personnalité.
Des restes de neige donnent une impression encore plus majestueuse. L’ensemble baigne dans une douceur et une discrétion impressionnante.
Dès l’accueil, on trouve au mur, encadré le diplôme du D d’Or remis au département de Haute Loire à Chambord pour la réalisation de la Chapelle numérique.
Marie Agnès Petit nous accueille avec chaleur et simplicité. Allez ! Elle a le tutoiement et l’embrassade faciles : « Ici, en Auvergne, c’est trois bises. »
Marie-Agnès Petit, se coule dans ce bureau magnifique. Il est à son image : sobre, épuré, chaleureux avec des vues sur Notre-Dame-de-France et la statue monumentale et l’ancien couvent de la Visitation. Le bois renforce cette impression. Forcément, je vais regarder tous ces petits objets insolites qui marquent la personnalité dans un bureau.
Il y a d’abord le D d’Or sur son bureau, et puis des taches de couleurs : les tableaux abstraits d’artistes ayant exposé ici, des coussins qui réveillent les canapés.
Elle nous entraîne pour un tour du propriétaire. Quelques parapheurs posés sur le bureau. Derrière, des photos de l’équipe du cabinet : soirées conviviales ou souvenirs de ce jour où elle avait caché une soixantaine d’œufs dans son bureau et leur avait donné dix minutes pour les retrouver !
Une sabre impressionnant donné par les pompiers : « Je suis Présidente, mais dès le départ j’ai bien précisé que je ne serais pas prise en otage entre le Département et le SDIS ! ». Elle s’amuse à retirer le sabre de son étui et l’on reste courageusement à distance.
On lui demande de nous parler d’elle. Cette timide réussit à raconter une vie au départ contrariée puisqu’elle voulait devenir médecin. Mais les circonstances familiales l’obligent à rester à proximité de la ferme d’élevage laitier de ses parents. Alors ce sera aussi l’agriculture, car elle aime cette terre. Un BTS agricole en poche, elle intègre la Chambre d’agriculture comme conseillère technique. Et, aider, soutenir, conseiller, elle aime cela. Il faut dépasser l’obligatoire méfiance, mais le monde agricole, elle connaît, elle sait ce qu’elle peut apporter. Des diversifications avec des produits de qualités comme le Fin Gras du Mezenc, la pomme de terre de Craponne, le miel, l’autruche, l’agneau noir, les fruits rouges du Velay ou l’agrotourisme. Elle accompagne les agriculteurs dans ces évolutions, car c’est aussi un moyen de s’ouvrir, de regarder ailleurs.
En fond, l’essentiel réside dans la possibilité de créer du lien pour monter des projets. Il faut souvent expliquer, mais aussi beaucoup écouter, se comprendre. Ce fut particulièrement le cas pour les mesures agro-environnementales. Cela l’amène à animer ces nombreuses réunions ou présentations. Alors, on la repère, forcément, même si elle n’en a pas conscience.
40 ans à la Chambre d’agriculture, aucune idée d’engagement politique. Du reste, elle s’en méfie de la chose politique. Elle vote, à droite, mais sans plus.
Mais les circonstances en décident autrement. En 1998 à la Région Auvergne, le Président Giscard d’Estaing, refuse pour établir ses listes, le cumul de candidats Département/ Région. Certains quittent le conseil Régional et il faut de trouver de nouveaux candidats.
Notamment une femme, connaissant l’agriculture et aimant cette Auvergne. Elle coche toutes les cases pour succéder au Président de la commission culture, Jean Boyer, sans le savoir. Elle entend bien un petit bruit qui monte, mais n’y croit pas. Elle ? Elle n’y connaît rien et n’en a pas vraiment envie. Jean Proriol réussit à la convaincre et elle se retrouve élue conseillère régionale et présidente de la commission agriculture avec deux dossiers importants, celui de la vache folle et celui de la sécheresse.
Tout à fait logiquement, en 2008, on vient encore la chercher pour se présenter dans son canton. Elle va l’emporter très largement après un travail de terrain énorme (elle avait pris 2, 5 mois de congés sans solde) pour faire du porte-à-porte.
En 2021, elle devient Présidente. Sans vraiment l’avoir désiré, plutôt poussée par ses pairs. Elle aime la strate départementale, sa proximité et s’agace de ces réformes territoriales qui, toutes, éloignent les élus des habitants. Pour combattre l’abstention, il faut remettre l’élu au centre du village et clarifier le « qui fait quoi » auquel nos concitoyens ne comprennent plus rien.
Elle combat cette technocratie qui voit les élus comme des sous-traitants de l’Etat. Paradoxalement, elle veut un Etat plus fort, plus présent et se lamente de l’absence d’autorité du préfet sur tous les services et agences de l’Etat. Des Préfets qui devraient rester plus longtemps ! Et d’ajouter : «Ce dont, nous avons besoin, ce n’est pas d’une nouvelle sous-préfecture, dénuée de moyens, mais de plus de services publics de proximité.»
Son parcours politique semble presque plus subi que désiré. Et pourtant aujourd’hui elle s’y épanouit pleinement et a cependant incontestablement endossé rapidement le costume de Présidente. Grâce à une personnalité et des principes qui guident son action.
Une personnalité pleine de discrétion ! Mais surtout du travail, beaucoup de travail, de la considération, de la bienveillance, de la reconnaissance. Elle cherche toujours à rassembler, faire le lien, se poser en facilitateur pour parvenir à une solution.
Des principes simples qui guident son action : rester droite, sur le plancher des vaches, rester soi-même, parler avec son cœur, ne pas s’engluer dans la politique politicienne.
A ce moment de l’entretien, elle se lève pour nous montrer des photos que je n’avais pas remarquées : son mari et sa fille. « Ils me soutiennent, m’aident au quotidien et je n’aurais pu mener cette carrière sans eux. Alors quand quelquefois, je sens un peu de découragement, il me suffit de regarder une de ces photos et cela repart tout naturellement ! »