Pierre Henri Hamburger est directeur général de la société OPTA-S, cabinet d’étude en performance opérationnelle dans le secteur public. Qualiticien de formation, c’est un expert en excellence opérationnelle et transformation managériale, il a également la charge de l’EMI (École du Management par l’Innovation) du Val d’Oise.
Quelle est le point commun entre la législation Italienne et les réunions dans le monde du travail ? L’empilement ! Dans l’entreprise, on empile les CODIR, Comop, coproj, copil, sans parler de toutes les instances qui sont imposées par le cadre institutionnel. En Italie, les ordonnances Bassonari de 1997 ont entamé un processus de « délégislation » qui vise à rendre plus digeste et applicable la règlementation, qui avait eu tendance à se sédimenter de décennie en décennie, devenant inapplicable du fait de sa complexité.
En tant que consultant, je voyage beaucoup et je rencontre peu d’amoureux des réunions : « on passe notre temps en réunion », « on ne voit plus nos équipes… » etc. Dans une étude récente de 2022 (live career), 75% des répondants affirment pourtant que les réunions facilitent la prise de décisions car les échanges peuvent se faire directement et l’intelligence collective peut être mobilisée… Ou le bât blesse-t-il alors ?
Premier point : la fréquence des réunions. Les cadres passent aujourd’hui en moyenne 15 heures par semaine en réunion, dans une douzaine de réunions différentes environ. Dans une enquête BFMTV récente, seuls 14% des cadres disent refuser de participer à des réunions alors que seules 1/3 des réunions environ les intéressent vraiment. D’ailleurs, vous avez sans doute remarqué que l’attention en réunion est variable, 75% des cadres assument d’ailleurs faire autre chose en réunion que de suivre la réunion (mails, internet…).
Nous voilà donc devant un paradoxe : nous passons plus de temps en réunion que nous le souhaiterions et pourtant on y passe de plus en plus de temps ! Et le modèle « hybride » avec un télétravail normalisé n’y a pas changé grand-chose, si ce n’est qu’on ne voit plus les participants faire autre chose pendant la réunion si leurs caméras sont coupées…
Second point : la durée et le contenu des réunions. Les réunions sont trop longues ! Plus d’1 h 30 en moyenne et parfois beaucoup plus. D’après les spécialistes du cerveau, nous ne sommes pas faits pour survivre à ce type d’épreuve, nous sommes aptes à être attentifs une grosse ½ heure et après c’est la débandade des neurones, sauf si apporte une pause ou une activité moins soutenue.
Dernier point, comment ne pas évoquer les marronniers que sont les heures de programmation peu adaptées, le manque de préparation des réunions, le manque de partage de la parole et bien sûr l’absence de suivi des décisions. Pas si simple d’animer une réunion efficace finalement, surtout qu’on n’a pas toujours le temps de les préparer car on est …en réunion.
Alors comment agir ? qui osera dire à la fin de la réunion qu’il ne l’a pas trouvé très utile, d’autant d’autant plus si elle est organisée par son supérieur hiérarchique ? il faut être téméraire pour s’attaquer à ce monument de nos organisations.
Pour la réglementation italienne, un principe a été posé, toute nouvelle loi se substitue à la précédente et se doit de répondre positivement aux questions suivantes :
-est-elle absolument nécessaire ?
-est-elle cohérente avec les autres lois en place ?
-donne t’elle des objectifs et des moyens d’action pour garantir sa mise en œuvre ? est-elle claire et compréhensible ?
Dans cet esprit, chez un de mes clients, nous avons établi une méthode pour « déréunioniser » l’entreprise, tout en conservant les instances utiles et nécessaires, nous l’avons appelé le « lean meeting », elle vise à appliquer les principes du lean management aux réunions.
La méthode comporte un volet quantitatif qui vise à estimer le temps passé par réunion, à estimer son coût ETP en fonction du nombre de participants. Ce volet quantitatif est ensuite croisé avec une écoute usagers qui repose sur une enquête questionnaire et des « focus group ». Nous questionnons ici la valeur ajoutée perçue par les participants aux réunions.
Nous réalisons ensuite une analyse croisée des aspects quantitatifs et qualitatifs, nous croisons aussi les regards entre organisateurs et participants et réalisons une sorte de cartographie à deux axes : valeur ajoutée & ressources mobilisées. Celle-ci dégage des zones d’actions prioritaires qui peuvent permettre de questionner la fréquence, composition, organisation ou méthode d’animation des réunions existantes. L’objectif d’un tel programme est de libérer du temps aux cadres, c’est un enjeu économique mais aussi de QVT, vu le temps qu’on passe en réunions, autant qu’elles soient utiles et agréables. C’est un sujet qui mériterait une réunion pour en parler non ?