Mathieu Klein né le 20 janvier 1976 à Phalsbourg (57) est installé à Nancy depuis 1993. Il intègre en 2000, à 24 ans, le cabinet de Michel Dinet, président du Conseil Général de Meurthe-et-Moselle. Il devient ensuite cadre dans une association nationale de lutte contre le sida, intègre en décembre 2009 le cabinet de Martine Aubry, alors première secrétaire du Parti socialiste, puis un organisme mutualiste jusqu’en 2014. Membre du Parti socialiste depuis 1992, il milite pour l’égalité des droits, contre le sida et l’homophobie.
Conseiller général du canton de Nancy-Nord en 2004, puis réélu en 2011, il devient président du Conseil Général de Meurthe-et-Moselle de 2014 à 2020.
Fin 2017, il co-préside avec Joëlle Martinaux, présidente de l’union nationale des centres communaux d’action sociale, un groupe de travail chargé de travailler sur la gouvernance des politiques de lutte contre la pauvreté dans les territoires.
En 2018 il est chargé, avec Claire Pitollat, députée, de conduire une mission sur l’insertion des bénéficiaires du Revenu de Solidarité Active (RSA).
Il est élu Maire de Nancy et Président de la Métropole du Grand Nancy en 2020.
Co-président de la commission « Solidarités, lutte contre les inégalités et la pauvreté » de France Urbaine, il propose notamment la création d’un droit universel en faveur des jeunes de moins de 25 ans.
Il est nommé le 2 juillet 2021 président du Haut Conseil du travail social (HCTS) et participe à ce titre à la conférence des métiers de l’accompagnement social et médico-social le 18 février 2022 où des engagements financiers de l’Etat et des conseils départementaux sont annoncés à hauteur de 1,3 milliard d’euros pour revaloriser les salaires de ces métiers. Il plaide à ce titre pour mettre fin à l’injustice des « oubliés » du Ségur. Il rend le 10 mars 2022 au ministre des Solidarités et de la Santé un Livre Vert du travail social dans lequel il formule plusieurs propositions en faveur du travail social.
Âgé aujourd’hui de 46 ans, il vit avec son mari, médecin généraliste et leurs trois enfants à Nancy.
Comment s’explique la crise de recrutement dans le secteur social ? S’agit-il simplement d’un problème de rémunération ?
C’est une conjonction de causes, à la fois ancrées, et d’autres plus contextuelles. Globalement, il y a eu une dépréciation des métiers du travail social – alors que l’accompagnement des personnes est une réelle urgence, dans une société qui vieillit ou qui aspire à l’égalité. Dans les aspects plus contextuels, on peut souligner les effets d’aspiration des candidatures en fonction de la revalorisation des secteurs, dont ont profité, par exemple, les métiers du médico-social, qui provoquent des effets de bord alors que le vivier de candidats est proche.
Cependant, et c’est une évidence, la rémunération est un vrai sujet, comme nous l’avons montré dans le Livre Vert. Il y a un phénomène de stagnation des rémunérations. Ces métiers du « prendre soin » méritent une meilleure rémunération globale.
Oui il faut engager ce chantier, et il faut aussi et d’abord parler du travail. Ce qu’il est et ce qu’il devrait être. La qualité des organisations, les raisons de leur attractivité…
Faut-il lancer une réforme de la formation des travailleurs sociaux ?
De plus, il y a eu de nombreuses réformes de la formation professionnelle qui impactent le travail social et qui ne sont pas toutes intégrées : le soutien à la formation continue, les bilans à chaque tiers de vie professionnelle sont souvent insuffisants.
Le groupe de travail dédié à la formation du futur Livre Blanc du HCTS fera des propositions précises. Je pense que des évolutions sont nécessaires, notamment pour donner un tronc commun solide à l’ensemble des métiers du travail social et favoriser une culture commune, faute de quoi cela peut nuire à l’accompagnement global des personnes. Des passerelles doivent être aussi posées entre les métiers du travail social et de l’intervention sociale ou encore avec certains secteurs de l’éducation populaire et du soin.
Un impératif se dégage dans l’ensemble : conjuguer un socle de connaissances universitaires solide avec la nécessaire professionnalisation des étudiant-e-s.
Le département du Loiret propose une bourse à l’emploi aux étudiants assistants de service social et éducateurs spécialisés. 15 000 € s’ils combinent leur deuxième et troisième année, puis trois ans de travail dans les agences du département. Cela vous semble-t-il une piste intéressante ?
Oui ! C’est une piste intéressante. En réalité, on ne fait que réinventer ce qui existait déjà avec les bourses ou ce qui s’appelait les contrats de formation dans le champ des conventions collectives. Tout cela a été progressivement supprimé.
Quand les départements (re)-prennent le taureau par les cornes, je ne peux que m’en réjouir.
Lorsque j’étais président du département de Meurthe-et-Moselle, j’avais porté avec l’IRTS Lorraine la création de la première section en alternance pour les assistants de service social, avec des résultats tout à fait probants.
Mais l’entrée dans le métier n’est qu’une partie du sujet. Il faut avoir une vision plus globale des carrières : de l’accueil des stagiaires, du développement des acquis de l’expérience, de l’apprentissage et aussi des deuxièmes parties de carrière.
Les rapports et les livres (vert puis blanc) s’accumulent avec des recommandations finalement peu suivies. Le gouvernement cherche-t-il simplement à gagner du temps, à laisser traîner les choses ?
Les diagnostics et les propositions ont été nombreux et convergents. Nous allons les utiliser pour éviter de toujours tout recommencer. Longtemps le travail social a été tout en bas de l’agenda politique même si le plan de 2015 a permis de le remettre en visibilité. C’est ce que j’ai proposé à la première ministre de renforcer, en s’adressant directement à eux.
Je l’ai évoqué clairement avec le ministre des solidarités, et je me réjouis que la Première ministre ait décidé de porter le sujet également. Enfin, j’ai redit à François Sauvadet le rôle central que l’ADF peut et doit jouer.
C’est une crise systémique pour le travail social. Il faut reconnaître que ce n’est pas en un claquement de doigt que l’on trouvera toutes les solutions.
Le Haut Conseil va réaliser un nouveau rapport, le Livre Blanc. Est-ce utile ? Que pouvez-vous dire de plus que dans le livre vert ?
Si je disais non, je rendrais mon tablier ! Le Livre Vert posait les constats et des orientations générales, le Livre Blanc a pour principal objectif de calibrer les mesures d’urgences et les besoins de réformes de moyen et long termes, dans des propositions concrètes et applicables. Au-delà des travaux déjà accumulés par le HCTS depuis sa création, qui rassemble toutes les parties prenantes du travail social, la méthode de ce Livre Blanc est ascendante, et s’appuie sur les comités locaux du travail social et du développement social (CLTSDS) où les acteurs, de terrain, sont déjà dans l’essai de solutions, de nouvelles pistes.
S’agissant d’ailleurs des CLTSDS, j’en appelle à vos lecteurs pour les soutenir lorsqu’ils existent, et c’est déjà souvent le cas, et les impulsent quand ils n’existent pas.
Le Ségur a montré ses limites avec des oubliés et aussi des décisions prises au niveau national qui s’imposent aux Départements, sans compensation. N’y a-t-il pas un problème de méthode ? Une forme de recentralisation avec des collectivités devenant des simples sous-traitants d’un État décideur ?
Je ne suis plus président de département, mandat que j’ai exercé avec passion et plaisir, il est donc difficile pour moi d’émettre un avis tranché. Ce qui est sûr, c’est que la remise en cause ou la non-exécution précise des engagements passés nuit durablement à la confiance et à la coopération essentielle entre l’État et les départements, acteurs clés du travail social. Je pense que les départements et le gouvernement avec le comité des financeurs ont trouvé un nouvel espace de dialogue. Dans un monde complexe, ce sont ces espaces qu’il faut faire vivre.
Le Président de la République a annoncé et lancé une réforme du RSA dont le versement serait conditionné à un minimum d’activité. Que pensez-vous de ce projet qui devrait être bientôt expérimenté dans une dizaine de départements ?
J’avais remis un rapport au premier ministre avec Claire Pitollat, députée des Bouches-du-Rhône en 2018, sur la réforme de l’accompagnement des bénéficiaires du RSA.
Je suis convaincu que la réforme du RSA doit être mise à l’agenda. Se préoccuper de l’efficacité réelle de l’accompagnement des bénéficiaires est une priorité.
Le chantier France Travail est donc une nécessité.
Ne soyons pas au service d’une idéologie, méfions nous des fausses bonnes idées, l’obligation de travail en contrepartie de l’allocation ne correspond souvent pas du tout à la réalité de la vie des bénéficiaires du RSA, notamment pour les personnes en difficultés sociales et sanitaires – ce qui est le cas pour nombre d’entre eux. J’ai tendance à penser que c’est nous, institutions, qui devons investir fortement pour permettre un surcroît d’activités adaptées à la réinsertion réelle des personnes comme le sont les chantiers d’insertion.